Le Tessin et le merlot, une histoire d’amour centenaire.

Seul canton italophone de Suisse, le  Tessin peut être divisé, sur le plan viticole, en deux régions délimitées par le Monte Ceneri : le Sopraceneri et Sottoceneri. A la fin du 19ème siècle, le vignoble tessinois couvrait une superficie de 8000 ha. Entre temps le phylloxéra est passé par là et, actuellement, la surface viticole est de 1070 ha, ce qui place le Tessin en quatrième position des cantons suisses au niveau de la surface viticole. La très grande majorité du vignoble (93 %) est plantée en rouge (essentiellement du merlot qui au début du XXème siècle a supplanté les cépages locaux, la bondola et la freisa).

 

Comme en Valais, une grande partie des viticulteurs (4000) sont des vignerons du dimanche pour lesquels la vigne représente un revenu complémentaire.
Parallèlement à ces dilettantes passionnés, on trouve environ une trentaine de viticulteurs-vinificateurs professionnels privés,  de petite ou moyenne grandeur. Les grands producteurs sont une dizaine : ce sont surtout des entreprises vinicoles que généralement possèdent des vignobles de vastes dimensions.  

 

Géologie et conditions climatiques
Outre la douceur de son climat (près de 2200 heures d’ensoleillement par an), le Tessin connaît de fortes précipitations (environ 1800 mm par année), distribuées dans un bref laps de temps. En tout cas, la longue période d’insolation permet une bonne maturation des raisins.
La roche mère sur laquelle s’est formé le sol, est presque totalement d’origine cristalline avec du granit et du gneiss. Les sols sont plutôt acides et dépourvus de calcaire avec une valeur pH variant de 5,5 à 6,5.
Au contraire, dans quelques zones du Mendrisiotto, il y a une roche calcaire et un sol plutôt alcalin, avec une haute teneur en calcaire.
En général, les sols du Sopraceneri sont légers, sableux, perméables, avec un haut contenu de matière organique (2%). Au contraire, quelques régions du Sottoceneri ont des sols avec un contenu en argile élevé.

 

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Un grand merci à Giorgio et Stefano qui m’ont aidé à réunir ces vins.

Trapletti 2007 – Tenuta Trapletti Coldrerio              86
Vina da tavola della Swissera italiana
Ce vin provient de la région de la commune de Coldrerio dans la région de Mendrisio (Sottoceneri). Robe carmin. Nez légèrement sur la réduction (élevage inox uniquement sur cette cuvée). Fruits rouges, bonne intensité, linéaire. Un joli jus, c’est frais, bonne maturité, sur les baies des bois. Pas très gras. Finale sapide aux tannins bien extraits. Une bonne entrée en matière.                                      

Merlot Riserva 2006 – Tenimento dell'Ör à Arzo  DOC Ticino   87-88
Ce vin provient du cru l’ör dans la commune d’Arzo (Sottoceneri). Robe moyennement intense. Un peu dominé par le bois à l’ouverture, il révèle une finesse aromatique très moyenne. Notes fruitées et florales.. Entrée en bouche suave, caractérisée par des notes de vermicelles. Généreuse, la bouche s’exprime sur un beau volume. Finale d’une certaine ampleur, avec de la sève. La matière est intéressante mais le bois le domine un peu à ce stade.  

   
Tracce di Sassi 2006 – Werner Stucky Rivera                 88+
Vino da tavola della Svizzera italiana
Werner Stucky est un des pionniers historiques du renouveau des vins tessinois. Son vin, issu de Gudo (Sopraceneri) m’intrigue par son style différent. A l’aveugle, la majorité des dégustateurs ont pénalisé son profil strict, très tendu, son (relatif) manque de gras et, peut-être, sa couleur légère. Passé un premier nez aux nuances lactiques, il évoque les épices, le cèdre, les baies rouges. La bouche est sans concession au style compoté et international : vive, ciselée, d’une fraîcheur remarquable, très austère à ce stade, elle finit sur une empreinte minérale. A noter ici  des vignes de 20 à 70 ans et une très longue macération (35 jours).  

Gran Risavier 2006 – Famiglia Klausener Purasca                  86
Vino da tavola della Svizzera italiana
En provenance de la zone de Trevano (proche de Lugano), ce vin déçoit quelque peu. Le nez est surtout marqué par des notes animales. Le corps en revanche est plus intéressant, notamment au niveau de la texture et du volume de bouche. Une jolie matière mise en valeur par un élevage assez démonstratif.  Il manque toutefois un peu d’allonge et finit sur des tanins resserrés.

Vigneti di Castello 2005 – Daniel Huber Monteggio            87
Merlot di Monteggio
Un joli vin, un peu linéraire, aux notes lactiques et fruités agréables (cerise, framboise), à la texture souple. Pas une immense matière mais il se laisse déguster avec plaisir malgré une légère verdeur dans la tannicité. Il faut préciser que le Vigneti di Castello n’affiche pas la même ambition que le Montagna magica de Daniel Huber.

Culdrée 2005 – Tenuta  Trapletti Coldrerio                     88+
DOC
C’est la même « base » que le Trapletti mais le Culdrée est élevé en fûts. Le nez est sur les épices, la feuille de cassis, la groseille avec une touche florale. Corps ample, évasé et finale séveuse sur une assise tannique assez ferme, au tannin un peu rugueux.

 

Montagna Magica 2005 – Daniel Huber Monteggio    89-90
Merlot del Malcantone
Un peu de cabernet franc vient donner à ce vin la trame et l’élégance épicée qui le distingue. D’une couleur pas très dense, il exprime au nez une véritable idée de finesse. Certains lui reprochent pourtant un boisé trop présent : j’avoue que cela ne m’a pas gêné ici. La structure est fine, bien ajustée, fluide (mais ce n’est pas péjoratif ici) et la finale, fraîche et déliée, révèle de très jolis tannins juteux.

Ronco dei Ciliegi 2005 Riserva – Azienda Mondò Sementina  88
DOC
Issu de plusieurs vignes différentes (communes de Sementina et de Cugnaco), ce vin (95 % m et 5 % cs) ne laisse pas insensible mais peut diviser aussi… Un premier nez poussiéreux (le bois ?), désagréable, qui évolue pourtant favorablement après deux heures d’ouverture. Un bouche dotée d’une texture pulpeuse avec de la vinosité et une finale expressive, d’une belle longueur avec une impression de fraîcheur surtout amenée par une pointe de volatile.  

 

Merlot Rovio Riserva  2005 – Vini Rovio  Ronco à Rovio    87
DOC Merlot di Rivo
Nez surtout marqué par des notes vanillées et boisées. Note herbacée à l’ouverture. La bouche paraît un peu dissociée : a-t-on assemblé des raisins assez différents au niveau de la maturité ? Doté d’une jolie texture crémeuse, il apparaît surtout comme un „vin d’attaque“ de bouche et finit sur des tannins resserrés, statiques, qui ferment la finale.  

 

 

Sassi Grossi 2005 – Gialdi SA Mendrisio                    89-90
DOC
La bataille de Sassi Grossi (1478) qui opposa les Uranais aux troupes de Jean Galéas Sforza a donné son nom à ce vin produit à partir de vignes situées sur Biasca et Giornico (Sopraceneri). La couleur est sombre. Nez de fruits noirs, nuances de café grillé, de cendre, de menthol. Profil chatoyant et moderne. Belle bouche, à la trame assez ferme, avec de la fraîcheur, notes vanillées bien intégrées. Beaucoup de beau bois neuf, une matière première très bien vinifiée mais le vin manque de développement et finit relativement linéaire.

Riflessi d'Epoca 2005 – I vini di Guido Brivio Mendrisio     90
DOC
Une cuvée (en provenance du Sottoceneri) qui affiche ses ambitions : nez très crémeux, au boisé vanillé luxueux, fruits noirs et notes florales et épicées à l’ouverture. Le corps est dense sans être massif, ascendant, avec des tannins juteux et une finale persistante. Excellent et au moins aussi bon que la cuvée-phare du même producteur, Platinum, un peu extrême à mon goût…

Platinum 2005 – I vini di Guido Brivio Mendrisio              90 +
DOC
Ce vin, issu de vignes situées sur Rancate, Novazzano, Arogno et Arzo a fait (un peu) parler de lui. A cause de son prix et – je ne sais si ceci est lié à cela – parce qu’il a battu de célèbres crus français et italiens dans une dégustation à l’aveugle.
Je mets le + pour la performance, parce que, en dépit du passerillage, il ne fait pas trop figué ou compoté… Nez de coulis de myrtille, de fruits noirs, il affiche un style baroque. C’est un vin qui illustre parfaitement la théorie des trois passages. Placez-le dans une dégustation à l’aveugle :  si vous n’avez que cinq minutes à lui consacrer, il écrase tout par sa puissance et son opulence et a pas mal de chances de l’emporter sur des vins davantage orientés sur la finesse. Au deuxième passage, disons deux heures plus tard, vous continuez de souligner la performance, surtout l’entrée de bouche et la texture mais vous commencez déjà à avoir des doutes sur la finale car le vin ne dessine pas de courbe en bouche et ne s’allonge pas. Au troisième passage, un jour plus tard, vous lui trouvez, décidément, une finale saturante. Trop, c’est trop…

 

Trentasei 2005 – Gialdi Mendrisio                      91 ?
On se trouve toujours dans la surenchère. L’œnologue qui vinifie le Platinum et le Trentasei est d’ailleurs le même. Pourquoi changer la formule ? On fait également appel ici au passerillage (raisins en provenance de Biasca et Giornico) et le plus vient ici de la durée de l’élevage : 36 mois en fûts neufs. D’où le nom. Ce que nous avons dégusté est donc prélevé au fût (en juillet) et il ne s’agit donc pas de la mise définitive. D’où le point d’interrogation. Cela dit, je le trouve légèrement supérieur au Platinum, plus précis, avec davantage de fraîcheur et une finale plus stylée. Le nez affiche une vraie complexité sur des notes qui associent fruits noirs et nuances florales. Et, au troisième passage, un jour plus tard, le vin affiche une tenue étonnante.

Castello Luigi Rosso 2005 – Besazio                          91 +
Après le succès du Vinattieri, le négociant Zanini a mis la barre plus haut et a créé de toutes pièces, dans la commune de Besazio, château et domaine. Un chais à barriques circulaire et étagé, une architecture emphatique dans le plus pur style Louis II de Bavière et des prix sans concession. J’avais déjà goûté ce vin (merlot 90 % et cabernet sauvignon), un peu distraitement, au hasard d’échanges d’une table à l’autre, au restaurant. Me voici, pour trois jours devant le Castello Luigi. Il commence par des fastes boisés, du cappucino à tire-larigot, des notes épicées et balsamiques. Le corps frappe déjà par une certaine race. Deux heures plus tard, je me penche à nouveau sur la question : des notes d’épices, de cèdre, les fruits noirs, la complexité apparaît et le corps, opulent certes, mais serti par une trame minérale et cette finale sur des notes de graphite, de mine de crayon. Pas une immense longueur mais une classe évidente. Le lendemain et le surlendemain, il n’a pas pris une ride, droit dans ses bottes. Et la finale demeure étonnante de fraîcheur. Chapeau !

 

Orizzonte 2004, Christian Zuendel, Beride (magnum)            90 +
Vino da Tavola della Svizzera italiana
Christian Zündel est avec Daniel Huber, Kaufmann et Stucky, un de ceux qui, début des années 80, ont cru au potentiel du Tessin. Il participe également au projet de Vinautori avec Stefan Keller. Grand viticulteur, adepte de la biodynamie, Christian Zündel est également un des rares viticulteurs à tenir un discours lucide sur les « facilités » du merlot. J’espère d’ailleurs revenir sur la question avec lui tout prochainement.
Difficile de comparer ce 2004, puisqu’il est le seul de ce millésime, avec un autre vin mais je dois avouer un vrai coup de cœur pour ce vin (merlot 95 % et cabernet sauvignon) du Malcantone d’une réelle originalité d’expression, au profil tonique, légèrement mentholé, au corps superbement tramé, un peu austère certes, mais ascendant et très digeste. Un vin d’une grande pureté.

Topazio 2003 – Tenuta Bally & von Teufelstein             90
Le dernier vin présenté est un peu un Ovni dans ce paysage. En provenance de Breganzona dans le Mendrisiotto, cette cuvée fait la part belle au cabernet sauvignon. Je l’ai placée dans la dernière série, non comme un piège, mais pour voir où les dégustateurs la situaient : la majorité a élu ce vin meilleur vin de la série ! Nez fumé, épicé, minéral. Bouche énergique, dans un style moins gras, moins charnu. Il apparaît énergique au développement. Finale épicée de grande race. Une pointe de sécheresse dans la tannicité trahit le millésime mais c’est un vin avec une vraie personnalité.

 

Les prix :
• de 30 à 40 frs : Trapletti / Merlot Riserva Rovio / Vigneto Castello Huber/ Tracce di Sassi / Topazio / Riflessi d’Epoca
• de 40 à 50 frs : Sassi Grossi / Riserva Ör / Culdrée / Montagna Magica / Orizzonte / Topazio
• de 50 à 60 frs : Grand Risavier
• cols hors catégorie : Platinum (85 frs) / Trentasei (90 frs) et Castello Luigi (120 frs)

 

Les photos de la soirée sont dues à © Serge Pulfer