Le vin, on le sait, est la meilleure machine à remonter le temps. D’un chapitre à l’autre, on suit la trace de Napoléon, en route vers Ste-Hélène avec, à bord, un pipe de Madère 1792.
On se consolera pourtant avec le sillage des vins du Rheingau, de Chypre, un vieil Hermitage Paille de 1864 : autant de prétextes à de joyeuses et studieuses divagations.
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Comment relater les 3 monumentsqui nous furent ensuite servis ? Certains critiques estiment que boire un grand Yquem est une expérience de type mystique et quiconfine donc à l'ineffable. Je tenterais pourtant de décrire ici, comme témoignage d'une expérience rare, ces trois vins: le premier, un Yquem 1893, à la robe ambrée avec des reflets bruns, peut-être légèrement entaché au niveau aromatique avec son nez de mousse, de champignon, de truffe. Mais quelle belle bouche, d'une remarquable fraîcheur d'attaque, évoluant sur une structure ample et élancée, et s'achevant sur une très belle finale. Il y a tout juste cent ans,ce vin venait de naître après un été si chaud que les vendanges commencèrent au mois d'août. Cette année-là, Yquem battit un curieux record et produisit 25 hl/ha. C'est en 1893 également que disparut Guy de Maupassant à qui l'un des plats suivants rend un hommage indirect.
Pour compléter le tableau, on nous servit un Yquem 1861, vin baroque à la robe soutenue acajou, aux reflets moirés. D'une année marquée par la griffe noire du gel qui s'abattit sur le vignoble un 6 mai … Le rendement fut infime et, comme une centaine d'années plus tard, en 1991, il y eut quelques glorieux rescapés dont ce vin que l'on versa avec d'infinies précautions dans nos verres. Eclatant au nez avec des arômes d'essence de pin,de caramel, de vanille, de réglisse,de figue, il offrait ce jour-là une bouche un peu en retrait du nez,dense, d'une fine vivacité, mais qui n'offrait peut-être pas l'accomplissement de celle du 1869. En guise d'escorte, Philippe Chevrier avait imaginé des queues de langoustines sautées à l'émulsion de vieux sauternes et au caviar osciètre impérial. La fragrance iodée d'un très vieil osciètre, assagie par l'onctuosité d'une réduction de Sauternes finement émulsionnée. (…)
extrait de Yquem, écrit de l'an 2020
2 Comments
Il y a des riches qui savent vivre et surtout partager.
Belles évocations de moments rares.
Lorenzo da Ponte : le Bonobo de l’époque ?
Va savoir, Charles !
Le flamboyant Pierre Chevrier parle de son livre et présente son livre dans cette interview de Christophe Menozzi. Juste avant de d’emporter la décision (pour le compte d’un groupe d’amis) sur le Vin Jaune 1774 vendu lors de la récente "Percée". 57 000 euros le clavelin !
Voir ici : http://www.youtube.com/watch?v=a...