La vie est chère ? Allons, vous plaisantez ! Celle-ci n’a jamais été aussi modique. Avions, voyages, vêtements, hôtels, restaurants, santé, livres, meubles, ordinateurs, nourriture, voitures, communications téléphoniques, le low cost est partout. Nous vivons sous son égide.
À se demander si Le Juste Prix – je parle de l’émission de TV – n’est pas devenue totalement improbable et ringarde.
Dans la rue, les bistrots, les salles d’attente, les quais, les dîners en ville, sur la toile, partout, un public bigarré, vaste comme le monde, échange avec une sorte de frénésie bons plans, filons et conseils avisés. Finie la consommation passive. Échappons à la dictature des marges. Sus aux prix surfaits. Place aux finauds, aux radins malins.
Pourquoi payer cher ce que je peux avoir à bas prix ? Même le luxe est descendu de son piédestal. À notre manière, nous sommes tous des rebelles. Nous avons banalisé les marques. Celles-ci sont presque à la portée de chacun dans les magasins d’usine (outlets).
Le monde a changé. Le grand marché a su évoluer. Il suscite aujourd’hui l’adhésion sans réserve. Ses numéros de prestidigitation alimentent nos fantasmes. Ce séjour sous les tropiques pour une bouchée de pain ? Il s’offre à vous ! Un voyage éclair à Londres pour faire du shopping ? N’hésitez pas si le billet vous coûte moins cher qu’un aller-retour Pompaples-Affeltrangen ? Ce bolide rutilant en vente flash à prix demi-portion ? Tentez votre chance ! Un nouveau sourire éclatant pour les fêtes de fin d’année ? You can do it !
Dans la jungle lissée du consumérisme règnent la débrouillardise et les comparateurs de prix. Le temps n’a plus de valeur. Seul compte l’instantané. À vrai dire, l’espace résiste encore un peu à notre emprise. Qu’importe puisque nous sommes capables de nous téléporter à l’autre bout de la planète en un clin de souris. La langue française qui appelle un chat « un chat » n’a plus cours. Une vie à bas prix ? Quelle idée ! Certes, on trouve des empêcheurs de danser en rond, des « no low cost ».
Prenez les voyages aériens, secteur où la pression sur les prix est particulièrement active. Comment réduire encore les tarifs ? En emportant un plus grand nombre de passagers. Aujourd’hui, c’est 853 passagers pour un Airbus A380 plein à craquer.
C’est déjà demain : imaginez une île volante capable d’emporter 100 000 passagers. Coût du voyage un euro par unité. Qui veut monter dans l’avion ?
Article paru dans 24 Heures en décembre.
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