<><–>
Texte d'astronomie en écriturecunéiforme découvert en Mésopotamie
Prenons par exemple le cerveau d’un lecteur, c’est-à-dire le vôtre ou le mien. Depuis le début de l’écriture des langues en Mésopotamie, il y a plus de cinq millénaires, celui-ci a continué de se construire à partir des mêmes instructions génétiques que celles qui permettaient à nos cousins préhistoriques de déchiffrer leur environnement et de survivre. C’est ce qu’indique Stanislas Dehaene dans un ouvrage très savant et passionnant, Les neurones de la lecture.
Sautons maintenant avec allégresse quelques siècles pour revenir à notre époque. 2.3 milliards de personnes voguent aujourd’hui sur Internet. Demain, la grande majorité des habitants de cette planète sera sans doute connectée. Les technologies de l’information modifient profondément nos manières de communiquer, d’apprendre, de nous informer, de travailler, de nous divertir, de créer ou d’aimer. Elles déplacent les frontières, les clivages, brouillent les codes. Où se trouve, par exemple, la séparation entre privé et public, réel et virtuel, temps libre et temps de travail, information vraie et « intoxication », intelligence individuelle et collective ? Omniprésentes dans nos vies, ces technologies nous façonnent et modifient notre structuration mentale. L’homme numérique, celui des flux, de la réalité augmentée, du grand village global, est-il en train de devenir un homme bionique ?
Bibliothèque du Shiba Ryotaro Memorial Museum, Osaka
Les enfants de la Toile, la première génération née avec Internet, sont devenus aujourd’hui des adultes que scrutent avec intérêt psychologue et neurologues. De nombreuses études, souvent contradictoires, ont déjà paru. La plupart évoquent un changement dans la manière de se concentrer, un passage l’attention profonde à l’hyper-attention. Normal dans une constellation qui a fait du multitâches sa méthodologie, du surf sa métaphore centrale et du labyrinthe sa figure cachée ! Il n’y a pas de mutation radicale sans mutants. Grâce à l’imagerie par résonance magnétique, on commence à prendre la mesure de ces changements : ainsi, les neurones excités par la lecture numérique ne seraient pas les mêmes que ceux sollicités par la lecture traditionnelle.
C’est ce qu’indique Michel Serres dans un récent entretien : avec une pointe d’ironie, le philosophe constate que le monde n’est plus le seul à changer, mais que « ce sont aussi nos têtes qui changent.. » Et nos ancêtres chasseurs-cueilleurs de disparaître définitivement dans les profondes savanes du paléolithique, nous laissant orphelins sur le rivage d’un monde inconnu et formidable. Celui qu’un autre philosophe, Nietzsche, avait déjà entraperçu :
« Grâce à la liberté des communications, des groupes d’hommes de même nature pourront se réunir et fonder des communautés. Les nations seront dépassées. »
Article paru dans 24 Heures, édition du 2/3 février 2013
Traduction anglaise dans Webflakes
17 Comments
Comme d’hab, je vais être particulièrement trivial.
Ce qui change le plus, du moins au premier regard, c’est la vitesse avec laquelle on accepte une nouvelle orthographe, laquelle, fatalement, aura des conséquences sur bien des raisonnements.
La délégation de la Cour s’incline devant Confucius. "Les enfants ne respectent plus leur père, ni les pères leurs engagements, le fleuve Jaune sort de son lit et noie les récoltes. Les paysans affamés ont mangé leurs semences pour survivre et ne peuvent plus semer ni payer l’impôt. Les gouverneurs gardent l’argent du Trésor et les soldats sans soldes dévastent l’Empire. Le Mandat Céleste est interrompu. Maître que faire?"
Confucius répond: "Un dictionnaire".
et il parait que d’un continent voire d’un pays à l’autre les zones neuronales activées par le langage et l’écriture (et même par les rêves) ne sont pas les mêmes
Cela dit je me demande parfois si Serres n’est pas un peu le pierre Bellemare de la science
Merci, Jacques !
(c’est trop le kiff, cet article)
🙂
Je suis aussi concerné par ces enjeux à titre professionnel (transfert des connaissances technologiques).
Je dis parfois à ma fille de 15 ans qu’elle rigolera quand elle repensera à la désuétude de son I-phone 4S dans 10 ans (même 5 ans).
Elle a du mal à me croire …
🙂
édition du 2/3 février 20123
Lapsus calami ?
🙂
"Je me demande parfois si Serres…" quelle profonde interrogation et la comparaison avec Pierre Bellemare vaut son pesant de pierre ponce. Cela dit, la Douelle, quand vous aurez son cursus, sa largeur de vue et son humanité, vous serez vraiment "Sur" !
Je plaisantais bien sûr quoique…… quand on lit d’autres scientifiques qui nous parlent de ce qui massivement dans le cerveau de l’être humain remonte comme la lune à "la plus haute antiquité", nous gouverne à 99,99% et dont nous ignorons quasiment tout alors je dis que Serres est un scientifique d’un autre âge dont les affirmations feront sans doute rigoler si on les lit encore dans 50 ans. savez vous Jacques Perrin, d’après ce que j’ai lu que l’Union Européenne vient de lancer une étude dont le budget pourrait avoisiner les 500 millions d’euros sur 10 ans (avec le leadership confié à un institut helvète) pour essayer de savoir un tout petit peu plus sur le cerveau dont on ignore tout. Alors ce n’est pas parce que Serres en sait plus que moi qu’il sait grand chose! Il est à la réalité du cerveau ce que ambroise Paré était à la chirurgie. Bref il ne sait pas grand chose mais il parle, il parle.
Qu’est ce qui a changé dans l’amour depuis le cantique des cantiques, la cigarette que l’on fume après dit Amos Oz…….. Alors dire que nos têtes changent. pipeau. l’homme ne change pas
Le port du serre-tête à l’Académie ?
Et tout le monde à le droit d’avoir un avis sur la profondeur de mes interrogations
L’origine du monde a désormais un visage:thisisnthappiness.com/
http://www.lexpress.fr/culture/a...
Qu’est-ce qui vous fait bander dans tout cela ?
http://www.youtube.com/watch?v=X...
Et pour les 6 – 12 ans:museefabre.montpellier-ag…
"je pense que si j’étais lyonnais, je ne serais pas cuisinier. Etre cuisinier c’est avoir quelque chose à dire et j’ai quelque chose à dire en tant que Breton. Pas en temps que cuisinier"
Olivier Roellinger déclaration de 2007 in "Paroles de Bretons"
si quelqu’un peut m’expliquer….
Depuis que ma citation sur "les punaises", "l’objectivité", "l’infini", "le fauteuil" et les odeurs a été zappée par un modo de Mabulle, je ne pompe plus rien à cette histoire des nations dépassées ni au fil des commentaires … Laurentg a-t-il un avis sur la question ?
http://www.telerama.fr/medias/in...