Entre la phase de la fin de la fermentation et celle de la mise en bouteille c’est le temps de l’élevage qui peut être conduit de deux façons (en cuve ou en fût).
On doit aux Grecs l’invention de l’amphore, et à Jules César la haine du tonneau (liée au siège d’Exellodunum en 52 avant J.C.). C’est pourtant le tonneau qui, dès l’effondrement de l’Empire romain s’impose comme le contenant idéal pour le transport du vin.
Il faudra pourtant attendre quelques siècles, et notamment l’invention de la bouteille, pour que le fût de chêne participe activement de l’élevage du vin.
Mais c’est surtout dans la deuxième moitié du XXème siècle que la notion d’élevage va conquérir ses lettres de noblesse. Pourtant, aujourd’hui encore, cette étape capitale dans la quête qualitative du grand vin dépend beaucoup du hasard et… des contacts commerciaux avec le vendeur de fûts.
Personnellement, le constatons encore tous les jours à travers de nos dégustations : de superbes matières premières, bien nées, bien vinifiées, sont hélas en partie galvaudées par un élevage approximatif.
Quel type de bois ? Quel temps de séchage ? Quelle provenance ? Quelle chauffe ? Qu’est-ce qu’un élevage bien conduit ? Pour esquisser un début de réponse à ces questions importantes, nous avons invité Jean-Pierre Giraud, directeur commercial groupe Chêne & Cie, dont un des fleurons est la tonnellerie Taransaud.
Globe-trotter infatigable et dégustateur reconnu (membre du Grand Jury Européen), Jean-Pierre Giraud était l’interlocuteur privilégié pour parler de la notion d’élevage.
Devant un auditoire de professionnels (au Sensorama du château de Villa) et d’amateurs (dans le cadre de notre Ecole du Vin à Gland), Jean-Pierre Giraud a partagé son expérience et le résultats d’expérimentations menées depuis de nombreuses annéees.
De la grume à la douelle
JPG a décrit le long chemin qui mène de la grume à la douelle. Après la fente, les douelles sont mises sur palettes dans le parc à bois. Elles vont sécher lentement à l’air libre durant au moins 24 mois, directement exposées aux conditions climatiques. Ce temps de séchage et ce mode de faire sont très importants pour la qualité des douelles.
JPG a décrit le long chemin qui mène de la grume à la douelle. Après la fente, les douelles sont mises sur palettes dans le parc à bois. Elles vont sécher lentement à l’air libre durant au moins 24 mois, directement exposées aux conditions climatiques. Ce temps de séchage et ce mode de faire sont très importants pour la qualité des douelles.
La provenance des chênes
Les espèces différentes de chêne (quercus) et leur provenance exercent une influence majeure sur les arômes cédés au vin durant l’élevage. Actuellement, les ressources en chêne européen sont situées pour la moitié en France et pour l’autre moitié en Europe centrale et à l’est.
Les espèces différentes de chêne (quercus) et leur provenance exercent une influence majeure sur les arômes cédés au vin durant l’élevage. Actuellement, les ressources en chêne européen sont situées pour la moitié en France et pour l’autre moitié en Europe centrale et à l’est.
Pour ce qui concerne la France, JP Giraud a rappelé que les chênes représentent plus d’un tiers des forêts de feuillus et qu’on doit à Colbert (1619-1683) la création des plus importantes ressources en chêne d’Europe.
Deux espèces de chênes sont propices à la fabrication de fûts. Il s’agit du chêne sessile (quercus petrae) et du chêne pédonculé. Le premier, riche en arômes et de grain fin, convient plus particulièrement à l’élevage des vins. Le second, le pédonculé (quercus robur), au grain moyen à gros, est plutôt destiné à la fabrication de fûts destinés à l’élevage d’alcools.
Les deux doivent être fendus et ne peuvent pas être sciés. Une source très qualitative de chêne est, outre la France, la Hongrie où, sur les contreforts des Carpates, dans le nord-est, poussent des forêts de chênes sessiles sur terres volcaniques. Ceux-ci sont, comme nous l’a montré la dégustation, des chênes particulièrement intéressants pour une protection optimale du fruit dans l’élevage des vins blancs notamment.
Mais le premier producteur mondial demeure l’Amérique, devant la France. Les forêts de chênes sont surtout répandues dans l’Ohio, le Kentucky, le Tennessee et le Missouri. Le cultivar répandu aux Etats-Unis est le chêne blanc (quercus alba) aux arômes prononcés de lactones, de caramel au beurre et de noix de coco. A la différence des chênes cultivés en Europe (sessile et pédonculé), le chêne américain est toujours scié et pas fendu.
Diverses dégustations d’un même vin, élevé dans des fûts de chêne de différentes provenances a permis de mesurer l’impact de la provenance des différentes variétés de chêne.
Jean-Pierre Giraud a ensuite abordé la question du cintrage et du toastage dans l’élevage des vins. Il s’agit en fait de deux étapes bien différentes. La première, le pré-chauffage et le cintrage vise à la solidité du fût, alors que la seconde, le toastage a comme finalité le développement des arômes.
Si pendant de nombreux années, la chauffe forte a eu ses adeptes – qui confondaient parfois l’esprit du barbecue avec la cuisson vapeur – aujourd’hui une réflexion importante est menée sur cette étape-clé en relation avec la maîtrise du feu.
En effet, selon l’intensité et la longueur de la chauffe, des arômes très différents (vanille, amande grillée, noix de coco, céleri, champignon frais, girofle, pain grillé, café torréfié, etc) vont se développer qui, à leur tour, vont participer de la complexité du vin ou imprimer leur marque indélébile à ce dernier.
Dans ce processus, la sensibilité du tonnelier est très importante afin de faire pivoter et de retourner le fût au bon moment. Aujourd’hui, chez Taransaud, une sonde mesure en permanence la température et différents gradients définissent autant de types de chauffes : medium, medium plus, heavy, grande chauffe.
La T5, un fût d’exception : c’est un peu la Rolls des fûts dans la gamme Taransaud. La T5 est issue d’une sélection des meilleures provenances de la forêt du Tronçay. Les douelles sont ici séchées à l’air libre durant 5 ans. Elles sont plus cassantes mais, en retour, leur grain est d’une finesse incomparable. Ces fûts sont signés par les tonneliers de Taransaud (parmi lesquels figurent 10 Meilleurs Ouvriers de France) qui mettent tout leur savoir-faire dans la production de ce fût. Tant au niveau du dolage que de la chauffe, la fabrication est spécifique à chaque bois et à sa maturation.
Merci à Jean-Pierre Giraud de nous avoir fait partager sa passion !
PS : chaque artisanat véritable a son vocabulaire. Pour une première approche des termes de tonnellerie, voir ici.
3 Comments
Grand Jacques :
Tu devrais te souvenir de ce producteur singulier en côte chalonnaise (son nom m’échappe) qui avait passé au GJE le même vin mais élevé, pour chaque bouteille, dans un bois différent. Les différences étaient vraiment très sensibles.
Comme quoi, le bois, il est essentiel de savoir le doser.
Et chaque année, comme à Pavie, les propriétaires invitent tous leurs fournisseurs à déguster à l’aveugle des échantillons tirés de barriques d’origine différente. C’est un sacré moment de modestie pour bien des fournisseurs, et JPG, qui est toujours là, pourrait en parler des heures !
Bravo pour ces séminaires du CAVE. A quand une filiale en France ? Ça manque grave !
Plus que de doser le bois, c’est de le connaître, de le comprendre et d’avoir confiance en son tonnelier sur la durée qui est difficile, François !
Et puis il y a des vins qui n’ont pas besoin de bois pour être grands …