A tout seigneur, tout honneur. Venu d’Espagne, le grenache y retourne.
Mentionné pour la première fois en France par Eustache Deschamps en 1400, le grenache est originaire de l’Aragon selon le comte Odard.
Jusqu’à la fin du XIXème siècle, celui-ci fut l’un des cépages les plus cultivés dans le monde et si sa présence demeure importante, notamment en Espagne et en Italie, sa surface diminue. Elle a passé de 240 000 à moins de 200 000 ha en quelques années : le grenache est en effet l’une des « victimes » des campagnes d’arrachage.
Et pourtant, ses vertus sont multiples. Résistant à la sécheresse, doté d’une longévité proverbiale, le grenache est parfaitement adapté au changement climatique que nous connaissons. En situation de stress hydrique, le grenache dispose d’une grande capacité d’auto-régulation : il ferme ses stomates, se met en mécanisme de survie et oriente la sève élaborée vers les grappes.
• Solidaire ou solitaire ? excellent cépage d’assemblage, le grenache est aussi capable, sur de grands terroirs, de donner naissance à de (trop rares) vins d’anthologie. Sa longévité peut, parfois en dépit des apparences, être exceptionnelle : « Le grenache résiste très bien au vieillissement. Il est comme un oncle à héritage dont on attend le dernier soupir : on craint qu’il ne passe pas la nuit et, le lendemain, on prend le petit déjeuner avec lui… »
La formule d’ Alain Razungles est jolie ; elle méritait d’être rappelée ici.
Au niveau génétique, son origine demeure obscure et il existe aujourd’hui, pour se limiter à la France, une collection de 360 clones de ce cépage connu en Espagne sous de nombreux noms, garmacha tintorera, tinta o del pais, alicante bouchet, garnacha peluda N, etc.
Le grenache, Fredi Torrès le connaît. Il le cultive dans le Priorat où il est en train de développer un nouveau projet. Mais ce découvreur ne se limite pas à l’horizon de la Sierra de Montsant et à la Catalogne. Pour animer cette soirée, il a arpenté la Rioja, la région de Madrid dont, assure-t-il, le potentiel est très grand, ainsi qu’un terroir d’altitude, la Sierra de Gredos au sud d’Avila. De ces pérégrinations, il a ramené les vins durant cette soirée.
Les vins blancs
Terra Alta, Notte Bianca, Bernavi 2013
Fredi Torrès : nous nous trouvons sur Terra Alta en Catalogne, à l’extrême de la Catalogne, près de Montsant. Cette appellation est récente, elle a moins de 20 ans. C’est une région très chaude avec des vins pourtant assez frais. Comme ceux de Bàrbara Fores.
Ce vin blanc est composé à 95 % de grenache blanc avec 5 % de viognier. Les grenaches sont issus de vignes de 90 ans, sol de panal typique de la Terra Alta, très compact, limoneux.
Agréable entrée en matière avec ce vin bien fait, expressif, sur des notes de fruits à chair blanche avec une texture très caressante et une finale légèrement douce heureuse.
Garnacha blanca, El Tamboril, Comando G, 2012
Ce vin n’est pas encore sur le marché, précise Fredi. Il est fait par des jeunes vignerons (Fernando Garcia et Daniel Gómez Jiménez-Landi) et le nom de la cave « Comando G » est une allusion à un célèbre dessin animé.
Robe à reflets jaunes. Nez marqué par un boisé un peu entêtant dont on espère qu’il va l’intégrer. Sinon, le vin plaît par sa fraîcheur et sa finale dynamique, très stylée.
Cette cuvée provient de la région de Gredos, sur la Rozas de Puerto Real, à plus de 1000 m d’altitude. Le terroir y est constitué de sables granitiques, en versant nord. Comme le précise Fredi, il y a aujourd’hui une vraie rupture en Espagne entre le passé et de nouveaux domaines, conduits par des jeunes qui font des vins épurés.
Montsant, blanc d’Orto Brisat, Orto Vins 2011
La région du Montsant encercle littéralement le Priorat et l’appellation est récente puisqu’elle date de 2001.
Ce vin qui provient de 6 parcelles sélectionnées, situées en 100 et 300 m d’altitude, est réalsié par l’ex œnologue d’Alvaro Palacios, Joan Asenz. « Brisat » signifie « qui a été en contact avec la peau «. La macération du jus avec les peaux dure deux ou trois jours et donne naissance à ce vin riche, ample, doté d’une très belle texture avec, à nouveau, une sensation boisée un peu appuyée.
A nouveau un boisé lourd, un peu planche. Bouche grasse, adipeuse, un peu sucrotante. C’est un peu décadent comme style.
Montsant, Gotes blanques, Portal del Priorat 2013
Robe à légers reflets gris. Davantage de finesse ici au nez que sur le vin précédent. Très joli corps, vif et stylé, au développement long et continu. Les vieilles vignes de grenache blanc sont ici situées sur sol calcaire à 750 m d’altitude.
Les vins rouges
Navarra, Vina Zorzal Garnacha, Proyecto Zorzal 2013
Nez précis, assez intense, presque suisse dans son expression, sur les fruits rouges, mais un peu simple. Le corps est frais, bien articulé. C’est le style Navarre, précise FT. Un style immédiat, qui claque bien. Les vignes sont situées à 380 m d’altitude et affichent 55 ans au compteur. La province de Navarra est située à une demi-heure de l’appellation la plus à l’est de la Rioja, la Rioja baja, davantage marquée par l’influence méditerranéenne
Rioja, Palacios Remondo, Alvaro Palacios 2010
C’est la région d’origine d’Alvaro Palacios. Celui-ci a retrouvé de vieilles sélections de grenache et il mise à fond sur le grenache, précise Fredi. Les vignes sont situées à 400 m d’altitude sur des argiles ferrugineuses et des galets roulés. Ce vin, estime notre conférencier, est un peu le renouveau de la Rioja.
Nez baroque, fastueux, à l’empreinte boisée manifeste. Très belle bouche avec une dimension tactile très réussie. La finale en revanche est pleine de promesses mais doit trouver sa dimension exacte encore un peu dans sa gangue boisée (30 mois d’élevage dont 14 en fûts).
Vinos de Madrid, La Bruja Averia, Comando G 2012
On repart dans la région de Madrid avec le rouge de Comando G dont les vins se caractérisent souvent par des nuances florales. Ce 2012 est plutôt orienté sur des notes de résine, de fruits noirs avec une note animale entêtante. Belle bouche, riche, épicée, dotée d’une trame tanique vigoureuse.
Vinos de Madrid, Pena Caballera, Bodegas Maranones 2011
Encore des vieilles vignes (70 ans), située sur des sables granitiques avec un peu de schistes, à 850 m d’altitude, en face nord. Le raisin a été vinifié en vendange entière. Ce vin, droit et précis, plaît par sa finesse et sa fraîcheur, même s’il est issu d’une année réputée très chaude.
Mentrida, Cantos del Diablo, El Real de San Vincente, Jimenez Landi 2011
Les vignes ici sont très vieilles ; elles sont situées à 900 m d’altitude sur des sables granitiques et la macération dure près de deux mois. On se trouve ici davantage sur le registre de la puissance et de la structure que sur celui de la finesse. Ce vin est toutefois très intéressant par son caractère très tranché.
Vino de la Tierra de Castilla y Léon, Laderas, Maldivinas 2011
Issu d’un terroir de schiste, d’ardoise et de quartz dans la région de La Movida à Cebreros (Avila). Ce vin provient d’un terroir de schistes sur les hauteurs de Madrid à près de 1000 m d’altitude. L’âge des vignes affiche 70 ans et le vin se montre fringant avec des notes expressives de fruits mûrs, avec un côté spectaculaire d’orange sanguine. Le corps est riche, ample, assez solaire, tout en demeurant équilibré et fin.
Montsant, tros negre, Portal del Priorat 2010
« Tros negre » veut dire « trou noir ». Il n’y a aucune crainte à avoir. Rien ne disparaîtra et ce vin élaboré par Alfredo Arribas à partir d’une vigne de 90 ans sur sol calcaire se contente pour l’instant de nous subjuguer par son style à part, lequel la première fois que nous avons découvert ce vin et le vignoble qui lui donne naissance nous a fait penser à un Rayas catalan. Même robe légère et arômes étonnants de rose et d’épices orientales et corps magnifiquement sculpté, plein d’hédonisme et d’énergie, ce qui est une manière particulièrement originale de résoudre la fameuse quadrature du cercle.
Monstant 2010, Espectacle
On se trouve toujours dans l’appellation Montsant, mais à la Figuera, et ce vin se présente comme l’opposé du précédent. Espectacle est sur sol argileux. C’est une sorte d’amphithéâtre qui regarde le vide, d’où son nom.
Riche, ample, doté d’une belle pulpe, la dernière création du célèbre René Barbier, un des grands artisans du renouveau du Priorat, se présente comme un vin fastueux et enjoué, à la texture magnifique.
En guise de point d’orgue à cette soirée, Fredi Torrès nous a ramené deux surprises, deux vins de la province d’Avila, issus de schistes à 900 m d’altitude, de l’appellation Cebreros. Le 2011, Cuesta del Tejar, Vina de la Tierra de Castilly y Léon de Rubén Diaz se distingue par son équilibre et son très joli toucher de bouche, malgré une pointe de chaleur en finale. Quand à l’Arrayan 2012, vinifié par Maite Sanchez, il provient d’un vignoble limitrophe et, s’il a besoin d’un peu plus de temps pour que ses tanins se fondent, il démontre une vraie race.
Merci à Fredi Torrès, ambassadeur inoxydable et émouvant des grands vignobles émergents d’Espagne !
4 Comments
Très intéressant …
Et l’occasion de saluer Fredi, qui nous avait joyeusement reçus au Sao del Coster (il faudra goûter ses blancs de Galice).
Bien aimé Pena Caballera 2010 et 2011.
Il faut que je regoûte les vins de Bernabeleva.
Le mencia est aussi à explorer, pour des rouges espagnols frais et élégants (sur Bierzo, Ribeira Sacra et Valdeorras).
Laurentg, j’ai quitté Sao en novembre passé et recrée un nouveau projet que je me ferais un plaisir de te montrer a ta prochaine visite !
concernant la Galice, je fais aussi quelques bouteilles d’un rouge en Ribeira Sacra a base de Mencia qui sera disponible d’ici peu, afin d’etre plus proche de la rédemption .
salutations,
F.
Salut, Fredi,
Je suis au courant pour ton nouveau projet.
Pas mal goûté en début d’année les vins rouges et blancs de Dominio do Bibei.
Je goûterai ta nouvelle production avec plaisir.
Bonjour,
J’ai un souvenir inoubliable d’un Cebrero (18bouteilles) achetés dans une ancienne boutique à vin à Avilla, le Propriétaire aussi inoubliable que le vin appellation Tio Claudio,
Il y a des années de cela j’ai encore le goût de ce vin, impossible d’en trouver ailleurs en Espagne,
Super votre blog, « marche l’étoile »
Merci
Nanou