L’article du Matin, d’une rare vacuité, évoque votre périple et cet étrange trou noir à la quarantième étape. On mentionnera juste, pour l’anecdote, ce propos ingénu où vous vous étonnez d’avoir été « mieux reçu que la reine d’Angleterre » dans les trois macarons que vous avez visités. Vous semblez oublier, cher Pascal Henry, que Elisabeth II ne fréquente pas les mêmes établissements que vous et qu’elle a depuis longtemps renoncé à ce qu'elle doit considérer comme des billevesées (la truffe, le foie gras, le homard enturbannés par l'ego des grands chefs).
Et que dire des photos, maladroites, limite trash, prises par votre ami Pat (intervenu à plusieurs reprises sur ce blog) censées illustrer l’article vous concernant ? A croire que vous n’êtes pas encore entièrement visible et qu’une photo réelle de vous, qui ne soit pas floue et grisée, vous volerait votre âme, peut-être…
Quant aux éventuels motifs de cette fuite, on les cherchera évidemment ailleurs que dans cet article. Vous seul les connaissez : puissiez-vous rencontrer le médiateur qui vous aidera à mettre en paroles cette ritournelle qui, durant ces derniers mois, a sans doute bercé vos doutes et vos angoisses. C’est que la quadrature était particulièrement redoutable à résoudre pour vous : absent, vous existiez davantage que présent ; quant à votre "gloire", vous la tiriez de l’interruption de votre projet (réaliser le tour du monde des 68 meilleurs restaurants de la planète) et non de sa réussite !
Parlant de vous récemment avec le critique Jean-Claude Ribaut (Le Monde), j’avais utilisé à votre propos le mot d’Epochè qui, en grec, signifie « arrêt, suspension, interruption ». Ce concept a plusieurs significations, en philosophie, notamment chez Husserl, mais également en psychanalyse et, pour faire simple, dans les deux cas, il désigne une forme de suspension du jugement, la mise entre parenthèse du jugement de réalité. Une sorte de mise hors jeu momentanée.
C’est sans doute ce qui vous est arrivé Pascal Henry. Vous êtes comme ce joueur de hockey sur glace qui pratique l’Epochè sans le savoir. A un moment donné de la partie, l’arbitre siffle une faute contre lui et l’envoie sur le banc d’infamie pour deux minutes. On a de la peine à le croire : deux minutes, c’est long ! ça ressemble parfois à l'infini.
Le joueur s’installe, contemple la partie, un peu absent, navigue dans l’univers de ses fantasmes, se laissant peu à peu absorber par le spectacle du jeu comme pur phénomène, sans réalité.
La seule différence entre le joueur de hockey et vous, Pascal Henry, c’est que vous ne savez pas qui a sifflé et pourquoi…
Post scriptum qui n’a rien à voir : je vous dois une invitation ! A vous le choix du lieu, de l’heure et des "armes"…
34 Comments
http://www.chapitre.com/CHAPITRE...
Sans Salon 1995 …
Invitation To The Blues / Magical Mystery Tour
Connaissant le sens de la mesure inné du Grand Jacques, j’ai cette lecture de ce papier qui va m’éviter de vouloir trouver le texte original du Matin.
Voilà un allumage de première, encore parfaitement écrit, et qui montre que les soufflets, et bien ma brave dame, cela retombe souvent en faisant pschitt.
Bonjour de Milan avant un déj avec Luciano Sandrone. beaucoup de neige au Fréjus hier, mais tant mieux pour les skieurs.
Matoff : finalement, il a fait comme individu ce qu’ont fait toutes les sociétés de Wall Street : une cavalerie démente.
Les soufflets ça fait pschitt en retombant , les soufflés eux meurent sans rien dire.;-)
L’affaire Madoff est abracadabrantesque …
Ah Moon Martin
Tout les clients se doivent d’"être mieux reçus que le Reine d’Angleterre", dans ces grands restaurants!!!
Ça nous parait une évidence.
Je suis déçus du comportement de Pascal Henry, qui nous était devenu très sympathique grâce à tes écrits, Jacques, sur ce site.
Je pensais qu’il jouait toujours au foot en Espagne et je le redécouvre hockeyeur: Merci Grand Jacques grâce à vous nous sommes toujours au fait de l’actualité
Comme l’écrit sagement Aharon Appelfeld:
"La supériorité de la contemplation tient au fait qu’elle est dénuée de mots". Telle est la solitude du joueur de hockey sur le ban de touche.
Comme souvent on peut avoir tort d’avoir raison!
On a souvent, presque toujours, des prejuges a (accent grave) surmonter, en particulier au fait de l’actualite… http://www.youtube.com/watch?v=c...
Armand, mettre des mots sur la contemplation est en effet un leurre. Mettre des mots sur un "trou noir", une nécessité. Après la "suspension du jugement" arrive le moment des consolidation, de l’examen des structures universelles, du retour au réel. Mais attention, le retour au réel, au jeu, peut aussi se traduire par un coup de poing. D’où la métaphore, Yves, du joueur de hockey ! Parfois, le joueur qui rentre peut récupérer une passe à la ligne bleue et mettre en plein dans la lucarne ! (J’ai joué au hockey pendant pas mal d’années et ça m’a marqué). Sincèrement, c’est tout ce que je souhaite à Pascal Henry mais il faut qu’il gère mieux sa communication !
Grand Jacques (puisque c’est ainsi que l’on vous nomme en ces lieux), je comprends donc la justesse de votre description des minutes passées sur le banc dit d’infamie. Une telle précision de l’état mental dans lequel baigne le puni m’aurait paru presque improbable pour quelqu’un n’ayant pas pratiqué.
Entretenir le pont qui mene a la croix? : "Celui qui oublie par ou (accent grave) passe le chemin"
Alfredo, j’ai pratiqué, comme vous dites ! Et j’ai été plus souvent qu’à mon tour sur le banc de pénalités (trop teigneux…) Il arrive en effet que certains y prennent goût, je ne sais pourquoi, et, parfois, très rarement, en viendraient presque à oublier de revenir dans la partie… J’ai découvert bien plus tard le nom que cela portait, l’époché. Merci Husserl !
…..J’ai toujours évité, avec horreur, d’être compris. Etre compris c’est se prostituer. J’aime mieux être pris sérieusement pour ce que je ne suis pas, et être ignoré humainement, avec décence…
J’écris comme un qui dort, et ma vie tout entière est un reçu sans signature…”
Pessoa – Le livre de l’intranquillité…( Divers passages…)
bonne nuit à tous
De ce point de vue: SX
C’est rassurant d’être incompris. Les autres n’auront aucune prise sur vous. Ou passent pour des demeurés. Et si on remplaçait dans votre citation Pessoa par Bernard Madoff ?
… "on est toujours a soi-meme son pire ennemi"
Jacques, ne serait-ce pas un peu la dette de l’école de Göttingen à Schopenhauer?
Eclairez ma lanterne (qui en a bien besoin), Armand ? Schopenhauer a étudié à Göttingen, certes, mais de quelle dette s’agit-il ?
Peut-etre le poids de l’histoire
http://www.youtube.com/watch?v=k...
Superbe chanson, Heeter mais je vois toujours pas le lien (avec Schopenhauer, Pascal Henry ?)
"Spent my days with a woman unkind, Smoked my stuff and drank all my wine.
Made up my mind to make a new start, Going To California with an aching in my heart.
Someone told me there’s a girl out there with love in her eyes and flowers in her hair.
Took my chances on a big jet plane, never let them tell you that they’re all the same."
J’aime bien votre citation de la semaine, "La theorie des cordes", toute musicale en somme
La distinction originelle de l’objet et du sujet, en tant que "fondement de la représentation du monde" pose le problème de la transformation du sujet en objet , quand le sujet devient objet (le joueur de hockey), le passage de l’acteur au spectateur. La lanterne est-elle éclairée? Si oui, elle peut à son tour éclairer.
"…tout vouloir a pour principe un besoin, un manque, donc une douleur"
(Maupassant)
Quand je parlais de l’école de Göttingen, je parlais de la seule qui ait quelque importance à Göttingen: celle des mathématiques
De la transparence a la fusion, voila un spectacle enigmatique, insoluble, (sauf la chaussure ‘originelle’ que la legende prete a Empedocle) quant a l’acteur…
1+1=2; quoi de plus conventionnel?
L’écriture
…
En fait , ne se trouve-ton pas dans les conditions préliminaires de la conjecture de von Foerster chère à Jean-Pierre Dupuy?
Armand, je présume que tu fais référence à la citation de la théorie des cordes ? Effectivement, on peut mettre cela en relation avec le théorème n0 2 de August Von Foester :
« Si les sciences dures réussissent, c’est qu’elles sont confrontées à des problèmes doux ; en revanche, si les sciences douces butent sur tant de difficultés, c’est parce que les problèmes auxquels elles sont confrontés sont vraiment durs.»
Cela dit, puisqu’il était question avant de Bernard Madoff et de la crise financière, on peut citer une autre approche, passionnante dans ce contexte, de von Foester :
Plus les relations interindividuelles sont modelées, et figées, par des comportements mimétiques, intériorisés, plus le comportement de tout le groupe social, les valeurs auxquels il aspire (la réussite, l’expansion continue) sera déterminé par cet ensemble qui, bien que formé par des individus, échappe désormais à toute maîtrise de leur part.
Bien vu Jacques, je parlais effectivement des 2 cas que tu cites!
Il ne faut pas oublier que ce n’est pas le cas de l’observateur extérieur au système, qui lui "voit" les choses autrement…Nous voila revenu à notre joueur de hockey.
Parabole de plus
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