La brigade, le coup de feu, le personnel, trente-cinq à quarante couverts à chaque service, les traits tirés, le sentiment de vivre dans une forme d’urgence programmée, c’est le lot de tous les chefs dans leur restaurant.
Parfois, certains rêvent d’ailleurs. D’improvisation. Ou de liberté.
Les Lonati ont connu ça… Pendant vingt-cinq ans. Quinze employés. Une belle auberge, bucolique et rassurante, au milieu d’un village vigneron. Puis, ils ont cessé de rêver…
Il y a sept ans – j’en ai déjà parlé ici – les tauliers ont décidé d’écrire une nouvelle histoire, d’affronter la page blanche, de travailler plus, autrement. Seuls. A deux. Chantal en salle. Bernard en cuisine – quand l’aventure a commencé, il y a 31 ans, c’était le contraire – inventant au passage une nouvelle formule, originale, risquée (un peu), plus exigeante et plus libre. La Colombière est devenue Ma Colombière, votre restaurant privé.
La formule : pas de jour d’ouverture fixe, mais des soirées à thèmes, avec une formule table d’hôte, des cours de cuisine, et la possibilité de privatiser le restaurant.
L’occasion idéale pour fêter avec toute l’équipe du CAVE le début de l’année et la tuber melanosporum, la vraie, même si ce n’est pas la plus grande année à diamant noir que l’on ait connue.
Voici le menu concocté par Bernard Lonati et les vins qui l’accompagnaient et qui venaient de notre collection. Tout est fait maison dans un tel menu, y compris le pain au levain naturel. Et la cuisine, limpide, d’une rigueur absolue, épurée, demeure l’une des plus gourmandes et des plus vraies de notre vaste région.
Jacquesson 2004, Dizy Corne Bautray 2004
Benoît Lahaye, Violaine
Amuse-Bouche:
Raviole de Champignon
en Infusion de Thé Hojicha
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Chablis Mont-Mains 1992, Raveneau
Chablis Les Preuses 1996, Dauvissat
Saint-Jacques de Dieppe
cuite en Coquille
et Truffe Noire
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Meursault-Charmes 1990, Lafon
Crème de Haricots Blancs,
Févettes et Foie Gras rôti,
Petites Ravioles à la Truffe Noire
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Chambolle-Musigny Charmes 1997, Leroy
Chambolle-Musigny Les Fremières 1995, Leroy
Parmentier de rôti de Veau
à la Truffe Noire
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Arbois 1967 Vin Jaune de Garde, Cave des Echansons, Bouvret
Le Fromage et le Vin
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Tokay Aszu 1991, Birsalmas
Tarte caramélisée aux Poires,
Glace aux Noisettes du Piémont
Ne demandez pas au chef Lonati de faire dans l’épate, le feu d’artifice, les particules élémentaires ou l’assiette qui fesse dans le dash. Ce n’est pas vraiment le style de la maison. Ici, on aime ce qui goûte bon, bref, on se contente du meilleur. Telles ces gougères affolantes, inusables, indémodables qu’on croque en attendant la raviole de Champignon avec cette infusion de Hojicha légèrement fumée et iodée.
Le vent pourrait se lever dehors, le temps s’arrêter, la rade de Genève se transformer en une mer gelée, nous pourrions être à bord d’un train en compagnie de Jiro Horikoshi et de Tatsuo Hori… Mais, à cet instant et à tous les instants qui suivront, personne ne songerait à dire, même in petto, « il faut tenter de vivre ! »
La Saint-Jacques de Dieppe encore accrochée au nacre de sa coquille (le seul moyen de préserver sa texture) relègue aux oubliettes toutes les pétoncles vendus sous ce nom et les noix congelées ou ionisées. Avec un beurre de truffe à l’échalote ciselée, et les ors savoureux de deux grands Chablis arrivés à leur apogée, on ne rêve plus.
Autre plat emblématique de l’accueillante maison, la Crème de Haricots blancs, somptuosité des textures et des saveurs que prolonge la caresse flamboyante d’un Meursault-Charmes 1990. Charmes toujours avec le Chambolle-Musigny 1997 au diapason du Parmentier de veau truffé. Un plat « sérieux comme le plaisir », d’ici-bas, empli de sucs et d’âme, un brin décadent. A citer en exemple dans les académies fébriles de Top et Master-chef. Si ceux qui les patronnent et les cornaquent s’intéressent encore au goût !
L’adresse : Ma Colombière, votre restaurant privé – 122 route de Soral à Lully (Genève) – tél. 022 757 10 27
2 Comments
Magnifique récit d’une soirée qui a du l’être tout autant. J’avoue un faible actuellement pour les associations entre la truffe et la Saint-Jacques, un goût récemment redécouvert.
La liste des vins est subtilement affolante par ailleurs, les accords ont dû en ravir plus d’un.
Ça rassure de voir autant de bordeaux 🙂