En arrivant sur les hauts de Laguiole, après ces heures perdues au milieu des routes, on sait que le voyage sera inoubliable. Comme si vous entriez dans un autre temps et dans un autre espace.
Vous lèverez les yeux vers le Suquet, cette nef de pierre et de verre, si belle, si évidente, dans la lumière qui vous porte et qui, au soir, s'estompe avec douceur, sablier bienveillant.
Chaque année, les guides, les critiques s’écharpent par classement interposé avec cette question : quel est le meilleur restaurant du monde ?
Si ce classement devait avoir un sens, celui de Michel et Sébastien Bras mériterait de figurer parmi l’empyrée.
1. Le cadre est unique et propose un « dépaysement » (je n’aime guère ce mot…) extraordinaire, empli de vibrations et d’ondes particulières.
3. La cuisine proposée par Michel et Sébastien Bras réinterprète magistralement le terroir, dans ses produits habituellement répertoriés et dans ses échappées insolites et sauvages liées à la cueillettes des herbes.
On prend l’apéritif dans l’étrave transparente qui semble voguer au-dessus du causse ; c’est le moment du croque-mouillettes, un coquetier à l’oseille comme un souvenir d’enfance partagé par Michel Bras avec ses invités. On aimerait prolonger indéfiniment ce moment où les appétits et les conversation s’aiguisent en sérénité parmi l’odeur rassurante du créosote.
Juste au moment de passer à table, quelques amuse-bouches parmi lesquels j’ai noté une émouvante micro-terrine d’abats d’agneau et un consommé de langoustine, même si cette vogue des bouchées apéritives m’agace…
Le menu Découverte & Nature
le gargouillou de jeunes légumes ;
graines & herbes, panais fromagé.
Extraordinairement sophistiqué et simple à la fois, un plat évolutif, au fil des saisons et des années. La petite crème de panais à la tomme de Laguiole, la balsamite chlorophyllienne et le citron confit balisent le territoire. Inégalé !
Le filet de rouget sur un crouton tendre aux noix fraîches ;
navet, feuille de chicorée & pousses d’ail ;
grains de muscat & lait infusé à l’huile de noix.
Un plat qui "groove" bien, assez contrasté, orienté sur de fins amers avec le contrepoint des grains de muscat (mieux vaut pas y toucher, sinon le vin se dissocie et retourne sur ses fonts baptismaux…)
le foie de canard grillé ;
butternut confit, feuilles de moutarde ; réglisse et rau-ram.
Le foie gras chaud, c’est un peu la facilité pour un cuisinier mais celui-ci est exceptionnel dans ses saveurs et sa texture et ses velléités de sibaryte sont joyeusement dynamitées par l’équipage qui l’escorte, la feuille de moutarde bien sûr, la réglisse mutine et le rau-ram (variété de coriandre vietnamienne) qui semble avoir été définitivement adoptée sur l’Aubrac.
truffe & truffe – l’une du Nord, l’autre du Sud – ;
Aligot d’ici à la truffe de Comprégnac.
La selle d’agneau Allaiton rôtie à la braise & et le mignon ;
Céleri boule de marbre et pomme akane ;
Citron doux et le jus perlé à la reine des prés.
Un plat aux vertus antalgiques et anti-inflammatoire (par l'intercession de la reine des près) mais, surtout, un des meilleurs agneaux dégustés à ce jour et la garniture est fûtée. Superbe !
Les fromages de l’Aveyron & d’à côté.
Excellent choix et des découvertes à foison, pour moi en tout cas : Carteyroux, Cazelle de Ste-Affrique, Fermier de Ste-Hyppolite et Tomme de Segala.
Le biscuit tiède au potimarron ;
Crème glacée au café fort.
Ou comment renouveler un grand classique, souvent imité, jamais copié…
Poire William pochée au beurre sur un croquant meringué ;
Potimarron & une crème au beurre salé.
dans l’esprit de l’automne :
Mousse aux châtaignes & arachide glacée.
Les vins
Champagne 731 Jacquesson (le meilleur rapport prix/plaisir sur la sélection des champagnes de Michel Bras mais il est temps de passer à la 732…)
Pouilly-Fumé Silex 2004 Didier Dagueneau (vous savez pourquoi… un vin lumineux !)
Meursault 1996, Coche-Dury (encore marqué par un mercaptan de bois, assez austère, attendre)
Jasnières 2005, Calligramme, Eric Nicolas (une suggestion de Sergio Calderon, le sommelier argentin de Bras, le vin relaie et prolonge le trait de réglisse)
Cornas 1999 Les Reynards, Thierry Allemand (encore beaucoup de jeunesse, très expressif mais les tannins finissent un peu « secs »)
t. 05 65 51 18 20 f. 05 65 48 47 02
info@michel-bras.com
35 Comments
Si la maîtrise des techniques obsidionales est certes nécessaire pour une telle forteresse, M Mauss, c’est le coup de fourchette final qui fait la différence et là on est gâté! merci
si vous aimez les observations d’un gastronome américain
http://www.alifewortheating.com/
J’y suis allée une fois. Quel endroit et les Bras sont tellement modestes et vrais. Un grand bonheur. Merci pour ce reportage.
Yves :
Merci du lien avec cet américain qui parle si bien et si longuement du Château Robuchon à Tokyo.
Mais vous verrez que le Grand Jacques, dans le prochain n° de VINIFERA, rapporte notre séjour à Tokyo avec une passion rare !
Merci pour m’avoir appris quelques nouveaux mots. Je vais morigéner mes éducateurs jésuites qui n’ont point su nous apprendre cela !
Visiblement l’adresse vous a plu ! On va mettre cette destination au programme mais dites-moi faut-il s’y prendre longtemps à l’avance pour réserver ?
Cette lecture nous fait un plaisir fou, tant nous avons de souvenirs épatants à cette adresse où il faut parler de la Famille Bras, car c’est resté une grande affaire de famille, d’un sérieux et d’une simplicité cordiale.
Tout a été pensé, élaboré pour mettre en valeur ce qui vient de la cuisine et de la cave, sans oublier les végétaux de ces grandioses plateaux, d’où votre regard vous transporte à perte de vue…
Je n’ajoute rien tant votre description des plaisirs proposés est fidèle.
Juste, qu’il faut y passer la nuit. On ne peut pas être pressé dans cette excellence de l’accueil.
Ainsi, le lendemain, ne pas manquer dans la région, un chef-d’œuvre de l’architecture religieuse qui à lui seul vaut le voyage, l’abbatiale Sainte-Foy à Conques et ses 104 vitraux réalisés par Pierre Soulages. Elle se trouve à 74 km au Sud-Ouest de Laguiole (1h15).
L’abbatiale de Conques et le pont des pèlerins sont inscrits sur la liste du Patrimoine Mondial au titre des chemins de Compostelle.
Lou Mazuc : du temps du mexicain, du temps des grandes heures ! Toute une époque.
C’était la grande gloire des deux compères, Gault & Millau.
Grand Jacques : je sais que tu es un jeunot, mais as-tu connu la cuisine de la belle Edith, au Petit Truc, à Vignoles près de Beaune ?
On se compliquait pas la vie avec des pipettes !
Al Dente, un conseil, consultez le (mauvais) site de Michel Bras dès la réouverture fin mars 2009 pour réserver. Et en attendant si vous retrouvez CRITIQUE "La gastronomie" de juin-juillet 2004 (685-686) Allen S. WEISS universitaire et philosophe américain vous parlera du gargouillou mieux que nous.
Merci pour le conseil, Yves et je vais me procurer cet ouvrage, diantre: un philosophe qui parle du gargouillou. Sans se gargariser, je l’espère.
Merci pour le conseil, Yves et je vais me procurer cet ouvrage, diantre: un philosophe qui parle du gargouillou. Sans se gargariser, je l’espère.
Philippe Margot, bien évidemment l’idéal c’est de partir du puy en velay à pied, arrivé à Nasbinals bifurquer un peu jusqu’au Suquet et le lendemain repartir vers Saint Chély d’Apcher et son pont des pélerins (meilleurs croissants mangés depuis 20 ans à la pâtisserie du village). Je vous recommande la chambre d’Hôte du belge à 50 mètres du dit pont et sa cusine assez spéciale (bref un personnage) …… (ça vaut aussi pour vous M Mauss allez, une deux, une deux)
AL DENTE à l’américaine: la dernière fois où j’ai mangé au Suquet il y avait toute une tribu d’universitaires américains (séparés par une closon mobile) qui tentaient de sauver la viticulture française!!
je vous conseille un lendemain de tempête sur l’Atlantique au coucher du soleil, les lumières….. Ceci dit je ne suis pas un inconditionnel de l’emplacemnet de ce restaurant dans un lieu jusqe là totalement préservé. vous verrez Véronique Bras est une très jolie hôtesse.
Et bien sûr Conques pour son abbatiale et son Trésor mais surtout pas pour les vitraux de Soulages, caramba quelle catastrophe et dire que c’est là qu’il a découvert sa passion pour l’art à 10 ans. Un malheur n’arrive jamais seul!!
Yves s’est manifesté à maintes reprises, n’a heureusement pas cassé les vitraux à Conques, mais le voilà " Soulagé " !
P margot: beaucoup trop c’est certain! bien à vous
Rarement vu Yves se lâcher autant ! On en redemande. Cela dit, pour compléter votre réponse à Al Dente : attention, les réservations ouvrent pour l’année au mois de janvier. Si vous attendez l’ouverture officielle du restaurant, en mars, vous n’aurez droit (peut-être) qu’à un strapontin. J’ai réservé en janvier pour le mois d’octobre… eh oui ! Et il paraît que c’est comme ça même pour les jours de la semaine.
Vous n’avez qu’à être mauvais on écrira moins: allez faire un stage chez François Simon par exemple!
Du tout grand Yves, sacrebleu !
Allez : c’est décidé : cette année, l’Auvergne, ce sera pour St Bonnet le Froid !
L’Aubrac une région magnifique, parmi plusieurs escapades à Laguiole, une avait pour but une étape gastronomique chez Michel Bras. Quelle déception. Tout de même, j’ai aimé la présention des mets et les saveurs de sa cuisine. C’est l’essentiel me direz-vous. Mais seulement cela et rien d’autre. Je n’ai pas été séduite par cette bâtisse (bien située) mais que j’ai trouvée hideuse et ordinaire dans ce paysage grandiose. Passer la porte d’entrée m’a donné l’impression de rentrer dans un hôpital. La vue depuis le salon est majestueuses et les fauteuils râpés et usés. Je n’ai pas été séduite par le choix des mets et ses nombreuses évocations à l’enfance, oeuf coque et mouillettes et barbe à papa par exemple, et tout cela faisant l’objet d’une explication sur papier.La mise de table et notamment le nappage m’ont déplu. On dirait que les tables sont recouvertes d’un molleton, et que l’on a pas eu le temps de les napper. Un service déplorable. Un sommelier pas digne d’un restaurant qui propose une pareille carte des vins.
Même si je crois avoir compris le message du Chef (il s’explique aussi à ce sujet) je n’ai pas apprécié de déguster autant de saveurs différentes, en utilisant le même couteau tout au long de ce repas. Je me ferais un plaisir de retourner déjeuner chez Régis Marcon (St Bonnet le Froid)ou chez Anne Sophie Pic (Valence)….mais trop déçue, pas chez Michel Bras. Dans un registre très différent, à Aubrac ,l’Aligot c’est chez Germaine que j’irai le savourer
Votre commentaire, Bénédicte, est la preuve même que l’univers du goût est complexe. Je ne discute pas de vos goûts mais de vos préjugés. Il n’est pas possible de laisser dire n’importe quoi sur un tel restaurant. Non, cette bâtisse n’est pas hideuse. Non, le service n’est pas déplorable et, surtout, cette cuisine, même si elle ne vous plaît plas, porte l’empreinte d’un style et d’une approche vraiment uniques. Vous citez Régis Marcon ? Très bien : mais c’est exactement la même démarche ! Bref, nous n’avons pas vu exactement le même film et c’est ce qui fait le sel de l’existence.
Désolé de vous contredire mais un sommelier incapable de vous donner les caractéristiques et la provenance d’un vin en suggestion. c’est professionnel?
Un serveur qui renverse les mets en arrivant à votre table, ce n’est pas déplorable? Quant à la tenue de service peu soignée,
Pour l’établissement et les matériaux utilisés, je ne les ai trouvé ni noble, ni authentique et donc pas à la hauteur de la cuisine.
Quant à Régis Marcon, je ne comprend pas la comparaison que vous faites. Dans les deux cas, s’il y a recherche de l’excellence et de la rigueur, les personnalités sont très différentes et les prestations offertes ne sont pas comparables. Je Je suis allée plusieurs fois chez Régis Marcon, la cuisine et l’établissement de Régis Marcon témoignent des sa créativité, de sa générosité, et de l’envie de faire plaisir à ses hôtes. L’équipe de service est compétente et courtoise. Le chef des vins est exceptionnel.
Probablement que la seule fois où je suis allée chez Michel Bras, je suis mal tombée…..
"Probablement que la seule fois où je suis allée chez Michel Bras, je suis mal tombée….."
Vous n’avez probablement pas rencontre Sergio Calderon, le sommelier.
L’argentain sergio calderon que j’ai vu débuter (bonjour l’accent! au couteau!) est quelqu’un de remarquable et de très compétent, parfois en pleine saison il est fait appel à des aides sommeliers un peu moins expérimentés……. Les petites rédactions un peu naîves de M Bras sont parfois légèrement irritantes et certains plats en retrait mais il ne s’agit que de détails au regard des repas exceptionnels qu’on y fait! et manger au Suquet un lendemain de tempête avec un ciel digne des feux de l’enfer et le froid: 7° à 21 h un 10 août ça laisse des souvenirs! et Véronique Bras est si charmante……
Le (même) couteau, est donc pour l’accent du sommelier … 🙂
C’est aussi un clin d’oeil à la période Mazuc.
Ce soir, javais envie de respirer un peu l’air du Suquet et, en surfant sur le net, je découvre votre blog … Merci à vous M. Perrin et à vous tous pour vos commentaires qui m’ont fait voyager pendant quelques minutes.
J’habite à Nice et nous allons rendre visité à la famille Bras depuis cinq ans.
Leur maison est un coin de paradis. L’assiette est merveilleuse et émouvante. L’accueil est chaleureux et prévenant.
Yves a bien raison : Véronique est charmante et toujours souriante.
Et Michel Bras est d’une humilité … à la hauteur de son immense talent.
Comme le suggère un autre Philippe (les meilleurs, selon moi), si vous le pouvez, essayez de rester dormir au Suquet pour pouvoir goûter au petit déjeuner.
Encore merci à vous tous pour vos échanges que j’ai lu avec un grand plaisir.
A bientôt au Suquet !
Ayant beaucoup fréquenté les restaurants français de haute volée, j’avoue que j’ai vraiment un faible pour le restaurant de Michel et Sébastien Bras (ne l’oublions pas ce cher prodige).Et ce pour beaucoup de raisons evidentes comme le paysage à couper le souffle (prenez les petites routes de traverse pour venir et vous comprendrez beaucoup de la magie du lieu), les chambres dépouillées au luxe simple sans clinquant et pour la cuisine la plus envoûtante que j’ai approché, avec un service intelligent et gentil (sans se forcer ça devient très rare…!!) Le petit déjeuner savoureux fini on finit un séjour émouvant en cuisine à discuter "le bout de gras" avec Sébastien… Bravo pour votre reportage qui retransmet bien ce moment inoubliable et rare
madame.lefigaro.fr/celebr…
http://www.omnivore.fr
http://www.dailymotion.com/video...
Superbe video ! A voir et à revoir. Toute la cuisine que j’aime. Précise, subtile, VRAIE ! Merci pour ce lien !
Un chef voyageur, pacifique …
Il faut que je reponte sur Laguiole un de ces 4 (avant les rudesses hivernales) …
Dégusté une selle d’agneau au lard de Colonnata dans un nouveau restaurant italien au centre de Toulouse (le convivium) : une belle adresse, utile pour une ville chiche en pistes gastronomiques (et une équipe talentueuse en ce qui concerne les approvisionnements, les cuissons … mais la carte des vins – tous italiens – est largement perfectible).
Je dois retourner y goûter la mozarella, qui arrive je crois le mercredi.
Remonte (pas reponte, qui concerne plutôt les saumons de l’Adour).
Le convivium compte s’équiper d’une indispensable cave à vins (car un Valpolicella servi à 24° …).
Laurent,
Mangez le gargouillou avec les doigts.Je me souviens également de la cuisine d’Isabelle Auguy au grand hôtel Auguy à Laguiole,c’est vrai je le concède j’ai un faible pour la cuisine de femmes!
Pascal,
Bien aimé aussi le clin d’oeil de Ferran Adria : gargouillou dulce (version dessert).
C’était le jour de mes 40 ans, en aôut, dans les effluves d’eucalyptus chavirants de la Cala Montjoi. 🙂
L’aubrac et ses Merveilles, la rigueur des paysages sans concession, ses "non couleurs" de pierres et lychens, sa lumière même quand le brouillard se lève..
Les Bras, dont la cuisine faite de modestie est virtuose….Conques et ses sublimes vitraux du non moins sublime Soulages, qui arrache à la lumière ses plus subtiles vibrations,ses verres semblant par moments du zinc oxydé et à d’autres des grains de sel écrasés rendant à l’architecture toute sa place..bien mieux que ses roboratifs vitraux XIXeme….
C’est la terre de ce pays qui dicte sa loi aux artistes, des ponts évidents se font entre ses paysages et ceux du Japon, rien d’étonnants que ces artistes en soit si imprégné.
La famille Bras au cinéma …
Et le lien : http://www.cinemas-utopia.org/to...