Nicolas de Staël naît à Saint-Pétersbourg en 1913. Il est le fils du général de Staël von Holstein, vice-gouverneur de la forteresse Pierre et Paul, et de Lubov de Staël von Holstein, riche héritière. La Russie des tsars vit ses dernières années et, dans la quiétude hautaine des bals et des soirées donnés dans les riches demeures de la perspective Nevski, on pressent déjà les craquements de l’histoire. Six ans plus tard, les Staël fuient la Russie pour la Pologne. En 1921, le général Vladimir de Staël meurt. Un an plus tard, c’est le tour de Lubov von Staël. Nicolas et ses deux sœurs, Marina et Olga, sont orphelins !
Grâce à l’aide de la galeriste Jeanne Bucher qui leur a prêté les clés, le couple campe dans un hôtel particulier des Batignolles, momentanément déserté.
Malgré l’intérêt que lui témoignent certains galeristes et collectionneurs, Staël vend très peu de tableaux. Pour peindre, il sacrifie tout. Le peu d’argent qu’il gagne est utilisé pour acheter les pigments les plus rares, des bleus de céruléum, des rouges de cadmium, et toutes la gamme des noirs : »pourquoi Véronèse, Vélasquez, Franz Hals possédaient plus de vingt-sept noirs et autant de blanc ? »
Février 1946, l’année du tableau Porte sans porte : le cœur de Jeannine cède, à la suite à une intervention chirurgicale. « Pour ma part, écrit Staël, je serai heureux de pouvoir mourir dans une telle densité. Il n’y a pas un des hommes dont l’esprit ou le travail illuminent ce monde qui ne l’ait saluée selon sa grandeur. »
Aller jusqu’au bout de soir… tour de passe-passe, acrobate et compagnie, la mort. » (avril 1950)
Voir Nicolas de Staël à Martigny, fondation Gianada, jusqu’au 21 novembre.
Lire Laurent Greilsamer, le Prince foudroyé
7 Comments
Et pourquoi ce Nu Couché Bleu, si simple d’exécution, me porte les larmes aux yeux ?
Jacques,
Merci.
Il faut dire que la résonance avec le tragique de la relation Schoenberg-Webern à de quoi, si caractéristique de la Vienne d’avant guerre avait de quoi nourrir le pessimisme le plus noir sur l’humanité.
Morne esprit, autrefois amoureux de la lutte,
L’Espoir, dont l’éperon attisait ton ardeur,
Ne veut plus t’enfourcher ! Couche-toi sans pudeur,
Vieux cheval dont le pied à chaque obstacle bute.
Résigne-toi, mon coeur, dors ton sommeil de brute.
Esprit vaincu, fourbu ! Pour toi, vieux maraudeur,
L’amour n’a plus de goût, non plus que la dispute;
Adieu donc, chants du cuivre et soupirs de la flûte !
Plaisirs, ne tentez plus un coeur sombre et boudeur !
Le Printemps adorable a perdu son odeur !
Et le Temps m’engloutit minute par minute,
Comme la neige immense un corps de roideur;
Je contemple d’en haut le globe en sa rondeur,
Et je n’y cherche plus l’abri d’une cahute.
Avalanche, veux-tu m’emporter dans ta chute ?
Charles Baudelaire
Merci pour cet article fouillé.
Il est intéressant, je trouve, de voir les liaisons qui peuvent exister entre tous les peintres qui ont inspiré Staël ou tout simplement qu’il a aimé. J’ai fait un travail sur ce thème en partant du lien de la composition et sur les constances qui peuvent se retrouver entre tous ces peintres au travers des âges (Seghers, Rembrandt, Domela, Jeannine Guillou, Braque…).
A voir sur :
http://www.francois-murez.com/co...
Merci pour ce lien, François !
Quelle écriture bouleversante. Merci d’avoir fait naître ces emotions subtiles avec vos mots choisis.