Un petit tour dans un paradis encore (presque) secret, ça vous tente ? C’est comme ça que les histoires commencent parfois. Et c’est ainsi qu’on se retrouve au milieu d’un endroit qu’on croyait bien connaître, transi, secoué par tant de beauté !
Accrochez-vous. Faites votre sac. Prenez vos skis, vos raquettes. Partons sur les routes. Direction le Piémont. Le Piémont occitan, plus précisément. Le Val Maira.
Les randonneurs connaissent. Les pèlerins du goût et les autres, aussi.
Traversée par la Maira, cette vallée sauvage est située à la frontière de l’Italie et de la France (Ubaye et Queyras). Le point d’orientation est la petite ville de Cuneo non loin d’Alba, ville à partir de laquelle s’ouvrent en éventail les Alpes cotiennes méridionales, dont le Val Maira fait partie.
L’histoire de ce lieu, et de douze autres vallées piémontaises, est très liée à la culture occitane dont elle représente la pointe orientale avancée. Isolé et protégé par les montagnes, le val Maira fut successivement une terre d’asile pour les cathares, les Vaudois et, beaucoup plus tard, pour la résistance.
L’empreinte de la langue des troubadours et de la culture occitane est encore très vivace dans cette vallée.
Si, l’été, la nature est altière, lumineuse, pacifiée. Avec ses vastes plateaux, ses cols, ses lacs couleur émeraude, c’est l’endroit rêvé pour y faire de la randonnée ou du VTT. Il existe même un parcours des sentiers occitans en dix-huit étapes.
En hiver, l’endroit paraît plus austère. Coupé de tout, barré par de sombres murailles. Plus haut, dans les vallées latérales, de petits hameaux perdus bordés de montagnes. Des maisons aux toits de lauze. Des églises silencieuses. Le silence parfait. Heureusement, quelques amoureux du coin y maintiennent l’hospitalité qui fait la réputation de ces lieux.
C’est le cas d’un couple de passionnés, Jennie et Beppe qui tiennent une sorte de refuge monastique et gourmand à Preit di Canosio au fond d’un vallon secret, La Locanda degli Elfi. Une cuisine qui goûte bon, tout droit sortie du beau répertoire occitan piémontais, roborative juste ce qu’il faut quand on vient de swinguer dans les pentes abruptes de la Rocca della Meia, après avoir ahané à la montée durant des heures.
Le temps d’admirer un paysage vaste et vierge et de méditer sur cette pensée du poète zen Gary Snyder :
« Il existe un univers situé au-delà du monde que nous voyons, qui est le même monde mais plus ouvert, plus transparent, sans blocs. »
Avis aux randonneurs : il existe plus de 200 itinéraires différents de randonnées à peaux de phoque dans le Val Maira et, malgré l’altitude relativement peu élevée des sommets, la neige y est toujours abondante. Beppe m’a raconté l’épopée de trois jours de chutes de neige ininterrompue en décembre 2009, je crois. Dix mètres de neige au total. L’hôtel coupé du monde pendant une semaine. Plus d’électricité. Plus de téléphone. Il lui a fallu trois jours pour joindre sa plus proche voisine et prendre des nouvelles de sa santé, une vieille dame qui vivait à 50 mètres de l’hôtel !
On entre dans le Val Maira par la petite ville de Busca qui mérite une halte pour son église baroque de Francesco Gallo. C’est là que commençait la route de l’anchois : le bourg suivant, Dronero, a été pendant longtemps le plus important marché de l’anchois en Italie. Les paysans et les bergers, l’été venu, se transformaient en chiapparoli et transportaient l’anchois venu de Gênes et de la côte ligure vers la haute Provence en passant par le col Soutran. Aujourd’hui encore, le repas du Piémont occitan comporte toujours de l’anchois accompagné d’une sauce verte à l’ail et au persil appelée bagneta.
Dans cette vallée, l’agriculture et l’élevage de montagne sont un joyau pour l’amateur de fleurons gastronomiques. C’est notamment la source de superbes fromages. Le Castelmagno n’est pas loin. On peut s’arrêter en chemin à l’Azienda Agrituristica Lo Puy à San Damiano Macra pour faire provision de fromages de chèvre. Ou les tommes de la Caseificio Valle Macra à Mulino della Riviera.
Vu mon emploi du temps, je n’ai pas eu trop le temps d’explorer les restaurants en cette saison de l’année (début janvier), mais le coin comporte quelques belles adresses, telle la Pinetta à Roccabruna où l’on peut déguster le vrai Fritto misto piémontais en lampant des rasades de Dolcetto.
On reviendra. Pour goûter le lard du Val Uaraita et admirer le sanctuaire de San Magno et les fresques du maestro d’Elva, le mystérieux peintre flamand Hans Clemer. Celui-ci était sans doute au service du marquis de Saluces.
C’est d’ailleurs dans l’admirable petite ville de Saluzzo, à une heure de route de là, qu’on peut voir la plupart de ses œuvres.
Quelques joyaux sont restés dans la vallée, à la Parrocchiale romane de San Maria Assunta, entre Sampeyre et Stroppo. On reviendra aussi pour monter au refuge Vivere dans la haut Val Maira. Et rayonner depuis là.
En attendant, voici une belle adresse déjà testée :
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Pour moi qui suis originaire de Roccabruna, vous m’avez plongé avec plus que du plaisir dans ces lieux que j’adore. merci pour votre blog très bien documenté et très intéressant.