A ce jour, un peu plus d'un tiers environ des châteaux sont sortis en primeurs. Après Vinexpo à Hong Kong, on nous avait promis un réveil. Pour l'instant, on n’a pas vu grand chose… Tout le monde a l’air d’attendre frileusement Godot. Si ça continue, nous finirons tous par jouer dans un remake de la célèbre pièce de Beckett dont vous pourrez lire un extrait ci-dessous…
Revenons à la dégustation. Les vins ont été collectés un lundi. Deux jours plus tard, ils étaient chez nous (voyage en camion isotherme). A l’arrivée, nous les avons tous vérifiés, bouteille par bouteille. Les vins ont été servis à 15 degrés, présentés selon l’ordre ci-dessous.
Patrick Fernandez (à gauche), ne s'est pas contenté d'organiser toute la logistique du transport de ces vins de Bordeaux à Genève : en plus, il les sert !
Sur les 150 personnes qui s’étaient déplacées pour la dégustation, nombreux sont ceux qui ont souligné la difficulté d’un exercice qu’ils pratiquaient pour la première fois. Et c’est vrai que, même si 2009 est un millésime qui se prête particulièrement bien à cet exercice, ce dernier n’est pas évident.
A plusieurs reprises, des amateurs m’ont demandé :
– Comment faites-vous pour déguster autant de vins en primeur ?
– C'est presque simple, ai-je répondu, il y faut deux préalables : beaucoup de lenteur en amont, un travail de coureur de fond, durant des années (25 pour ce qui me concerne) avec des milliers d’échantillons dégustés et, à partir de là, une forme de vitesse paradoxale dans la dégustation. Pas trop d’analyses, de descriptions alambiquées des profils aromatiques (qui vont de toute manière évoluer, s’affiner, se préciser à travers l’élevage) mais une approche instantanée, qui va vers le cœur intime du vin, ce qu’il est dans sa forme, sa construction, ses sensations tactiles. Cette approche est très proche de la perception musicale, de la description du rythme et des harmoniques.
En compagnie de l'une des fidèles lectrices de ce blog.
Les vins présentés ces derniers font partie de mes coups de cœur du millésime et l’expérience de les « revoir » après deux mois d’élevage supplémentaire était pour moi particulièrement intéressante. La preuve en tout cas que les dégustations Primeurs, fin mars, ont lieu beaucoup trop tôt !
Clos Alphonse Dubreuil, Côtes de Bourg
Château Les Jonqueyres, Blaye
Deux vins produits par Pascal Montaut, viticulteur exemplaire et méconnu. Charnu et souple, le château Les Jonqueyres est un vin très agréable, au rapport prix/plaisir angélique alors que le Clos Alphonse Dubreuil séduit par son dynamisme et sa très belle définition.
Château Les Jonqueyres, Blaye
Deux vins produits par Pascal Montaut, viticulteur exemplaire et méconnu. Charnu et souple, le château Les Jonqueyres est un vin très agréable, au rapport prix/plaisir angélique alors que le Clos Alphonse Dubreuil séduit par son dynamisme et sa très belle définition.
Château Faizeau, vieilles vignes, Montagne St-Emilion
Toujours aussi beau, sur la violette, le tabac avec une belle vinosité finale.
Toujours aussi beau, sur la violette, le tabac avec une belle vinosité finale.
Haut Carles, Fronsac
Davantage marqué par l’élevage qu’en mars, il l’intègrera sans problème et son caractère très chatoyant est un vrai régal !
Davantage marqué par l’élevage qu’en mars, il l’intègrera sans problème et son caractère très chatoyant est un vrai régal !
Domaine de l’A, Castillon
Toujours aussi superbe. Texture d’une noblesse incroyable et profondeur aromatique. Une régal !
Clos Puy Arnaud, Castillon
Grand vin d’avenir mais plus difficile à apprécier, à ce stade, par des amateurs. Il est sur un versant plus austère mais donnera une merveilleuse bouteille dans quelques années.
Le plaisir de découvrir un millésime placé sous le signe de l'exception.
Château Villemaurine, St-Emilion
Beaucoup de finesse et d’éclat. Un vin pour esthètes !
Château Feytit-Clinet
Les amateurs l’ont repéré aisément. Charnu, ample et volumineux, il a beaucoup plus aux aficionados de la rive droite.
Beaucoup de finesse et d’éclat. Un vin pour esthètes !
Château Feytit-Clinet
Les amateurs l’ont repéré aisément. Charnu, ample et volumineux, il a beaucoup plus aux aficionados de la rive droite.
Château Canon La Gaffelière, St-Emilion
D’une droiture exemplaire, épicé, il se présentait sur la réserve mais quelle classe !
D’une droiture exemplaire, épicé, il se présentait sur la réserve mais quelle classe !
Château Pavie-Macquin, St-Emilion
Dans le duel amical qui l’opposait à Larcis-Ducasse, Pavie-Macquin a, semble-t-il, momentanément « perdu » ce jour-là, victime de la somptueuse texture de Larcis-Ducasse. Je persiste à croire que c’est là un très grand vin, d’une fraîcheur étonnante pour le millésime.
Château Larcis Ducasse, St-Emilion
Superbe, évidemment… Et le caractère un peu confit que je lui trouvais en mars s’est estompé. Bientôt davantage de détails sur cette propriété que j’aime beaucoup : dans deux semaines, je participerai à une verticale à Bordeaux.
Superbe, évidemment… Et le caractère un peu confit que je lui trouvais en mars s’est estompé. Bientôt davantage de détails sur cette propriété que j’aime beaucoup : dans deux semaines, je participerai à une verticale à Bordeaux.
Clos Marsalette, Pessac-Léognan
C’est fou le nombre de personnes qui sont venues me dire qu’elles avaient adoré ce vin ! Et elles ont cent fois raison. C’est une des priorités d’achat du millésime !
C’est fou le nombre de personnes qui sont venues me dire qu’elles avaient adoré ce vin ! Et elles ont cent fois raison. C’est une des priorités d’achat du millésime !
Château Monbrison, Margaux
Quelle finesse, quelle style (même si plus difficile à percevoir, à ce stade, par la plupart des dégustateurs.
Quelle finesse, quelle style (même si plus difficile à percevoir, à ce stade, par la plupart des dégustateurs.
Château Tour des Termes, St-Estèphe
Lecteur attentif, veux-tu un scoop ? Après avoir dégusté le vin, j’ai regardé le prix (22.50 /bt) et j’ai cru que nous avions fait une erreur. C’est superbe : foncez !
Château Haut Marbuzet, St-Estèphe
Plusieurs dégustateurs, amateurs du cru, ont cru percevoir un changement stylistique ici. Je ne sais s’ils ont raison ; peut-être le vin est-il moins démonstratif que par le passé. En tout cas, c’est excellent !
Plusieurs dégustateurs, amateurs du cru, ont cru percevoir un changement stylistique ici. Je ne sais s’ils ont raison ; peut-être le vin est-il moins démonstratif que par le passé. En tout cas, c’est excellent !
Château Sociando-Mallet, Haut Médoc
C’est toujours la grande cote d’amour pour Sociando-Mallet. Un des trois vins en tête du hit-parade des meilleures ventes du jour. C’est tout dire !
Clos Manou, Médoc
Je n’avais pas eu l’occasion de le goûter en Primeur ! Voilà un autre merveilleux rapport prix/plaisir. Sa précision, sa densité et son style sont celles d’un très grand. Qu’on se le dise…
Château Poujeaux, Moulis
Et rebelote ! Je n’ai jamais goûté un Poujeaux de ce niveau. Superbement fait.
Et rebelote ! Je n’ai jamais goûté un Poujeaux de ce niveau. Superbement fait.
Château Prieuré-Lichine, Margaux
Il a magnifiquement évolué depuis mars et a conquis de nombreux participants.
Château Phélan-Ségur, St-Estèphe
Beaucoup de noblesse dans l’expression.
Château Langoa Barton, St-Julien
Château Léoville Barton, St-Julien
Chacun dans leur style, les deux vins de l’ »écurie » Barton ont affiché leur classe et leur style très pur.
Château Léoville Poyferré, St-Julien
Il confirme sa très grande réussite. (voir mes notes dans Vinifera…)
Il confirme sa très grande réussite. (voir mes notes dans Vinifera…)
Château Doisy-Védrines, Barsac
Beaucoup de dégustateurs ont à juste titre adoré ce vin pour son éclat, son dynamisme et son style très pur ! Superbe rapport qualité/prix. C’est l’année où acheter des liquoreux !
Beaucoup de dégustateurs ont à juste titre adoré ce vin pour son éclat, son dynamisme et son style très pur ! Superbe rapport qualité/prix. C’est l’année où acheter des liquoreux !
Château Sigalas-Rabaud, Sauternes
Profond, complexe, il était moins éclatant, moins évident dans sa beauté qu’en mars mais aucun souci, c’est un très grand !
En attendant Godot à Bordeaux… (extrait de l'acte I)
VLADIMIR
Il y a du nouveau ici depuis hier ?
ESTRAGON
On n'était pas là hier.
VLADIMIR
Comment allez-vous ?
ESTRAGON
Je ne vais pas. J’attends.
VLADIMIR
Quoi ?
ESTRAGON
Ce que les autres attendent… Plus ça va, plus ils attendent… Dites-le leur vous !
VLADIMIR
Et ces messieurs aux chapeaux mous, ils peuvent pas leur dire aux propriétaires, de pas faire les cons et de sortir du bois ?
ESTRAGON
Eux, les courtiers, s’ils peuvent t’empapaouter, ils le feront !
VLADIMIR
On va continuer d’attendre donc. Parlons plutôt des paysages et du sous-sol…
Toute ressemblance, de près ou de loin, avec des personnages (de fiction ou réels) ou des situations que nous aurions connues par le passé, serait bien évidemment purement fortuite.
7 Comments
Gé-nial "En attendant Godot à Bordeaux", gé-nial, ça résume parfaitement l’ambiance, très très bon!!!
Tout cela est bien beau, mais, à trop attendre, l’exégète de l’inaction se dessèche…
Alors, je vous le demande en attendant "Bodo", que boit-on ?
Un crozes 2008 de combier (à ne pas confondre avec le "combien?" de certains bodelais) pardi!
Mathieu,
Il faudra dire à M. Combier de moins boiser son Clos des Grives 2006 ! (enfi, à mon goût, hein)
Enfin quelqu’un qui parle de mon ami Pascal Montaut (à corriger, cher Jacques), un des vignerons les plus injustement oublié de Bordeaux.
Ravi d’apprendre que tu le distribues !
Merci Hervé ! Je connais Pascal depuis 25 ans et je ne comprends pas pourquoi les journalistes ne s’intéressent pas davantage à ses vins. J’ai des Clos Alphonse Dubreuil dans ma cave sur pas mal de millésimes (y compris des millésimes réputés "difficiles") et ce vin affiche une tenue magistrale. C’est un des meilleurs rapports qualité/prix de tout Bordeaux. Peut-être devrait-il vendre plus cher pour être reconnu ?
Bonjour Jacques,
Votre proposition "limitée" à une vingtaine de vins fût très agréable à la dégustatrice que je suis; je n’ai pas eu l’impression d’être écrasée par le(s)sujet(s)…
Au delà des éventuelles affinités qui se révèlent au fil de la dégustation,se dessine comme une ligne,une exigence,densité,fraîcheur et pureté malgré les styles différents.Un beau morceau de millésime! D’accord avec vous sur Clos Manou et Monbrison pour n’en citer que deux,mais peut-être aussi passée à côté de certains autres au lu des commentaires ci-dessus…Mais ça fait partie du jeu,de l’instant, l’instantané.
Vraiment excellent le lien avec cet extrait!Trop drôle,un vrai plaisir de le relire sous cet angle-là! C’est l’universalité du génie de Beckett…
Merci Françoise, fidèle lectrice de ce blog ! Samuel vous dit aussi merci, s’il vous lit…