J’ai sorti ma polaire Arct’eryx (pub gratuite) rescapée des cascades de glace. Je retrouve en fin d’après-midi Jean-Pierre Pellegrin dans son magnifique domaine de Grand-Cour à Peissy. Il est là, calme, zen.
En phase avec l’atmosphère qui règne dans la succession de petits chais où il élève ses vins. Des fûts de haute futaie signés Taransaud et quelques amphores qui visiblement ravissent Jean-Pierre. Elles sont signées Nomblot à Ecuisses (www.cuves-a-vin.com). Un artisan qui vous façonne des cuves rebondies comme des ventres de moines, au tracé toutefois aussi peu aléatoire qu’une projection de Ptolémée, des cuves ovoïdes qui évoquent irrésistiblement le premier contenant du vin, les précieuses amphores (les dolia) romaines. Ces cuves, faites à partir d’un mélange de béton, de chaux, de sable et d’eau, auraient, paraît-il, des vertus précieuses pour l’élevage des vins (moins de réduction notamment que dans une cuve inox). On retrouve (presque) les mêmes chez Chapoutier à Tain l’Hermitage ou au château Pontet-Canet, mais aussi chez d’autres vignerons suisses. En perfectionniste, J.P. Pellegrin élève le même vin en amphore et en fûts de chêne afin de pouvoir comparer les deux versions durant toute la phase d’évolution.
Cette visite est pour moi l’occasion de faire le point sur un des domaines les plus intéressants du canton de Genève. Parmi les vins encore en cours d’élevage, je retiens tout particulièrement le Chardonnay 2006, gras et doté d’une belle plénitude aromatique, le Viognier 2006 trop prometteur pour une deuxième récolte, le Pinot 2006, version non égrappée élevée en fûts de François Frères : couleur rubis léger, nez expressif, dansant et bouche incroyable de sapidité et de naturel d’expression. Je citerai le Gamaret 2006 (je n’apprécie guère ce cépage) car c’est tout simplement un des meilleurs Gamaret dégusté à ce jour. Ainsi que la base de Cabernet Franc qui entrera dans l’assemblage du Grand’Cour 2006. Très réussi également le Peissy Noir 2006 qui est un des meilleurs « entrée de gamme » dont on puisse rêver : les plus jeunes vignes de Syrah, du Garanoir et un peu d’un cépage dont je ne divulguerai pas le nom… On passe ensuite à côté pour déguster quelques vins en bouteilles. Le Grand’Cour 2005 (30 % Cabernet Sauvignon et 70 % Cabernet Franc), noble dans son expression, parfaite fusion du bois, rien de végétal, des tannins juteux et ciselés et une finale d’une bonne longueur. La Syrah 2005, exubérante mais assez linéaire. On termine sur un comparatif entre le P’ 2003 et le P’ 2005, le Pinot noir haut de gamme de Pellegrin. Le 2003, comme les Rissieux d’hier, généreux, solaire, ample, déjà très épanoui et qu’il ne faudra pas attendre trop longtemps et le 2005, certes un peu moins dense au niveau de la matière, mais élancé, frais, de très grande race : un vin qui plaide en faveur de la vendange non-égrappée (en 2005, 3 fûts sur 5 sont en raisins entiers). Avec le repas qui suit et le beau moment d’amitié partagée, on goûte les mêmes vins, plus une surprise, le Grand’Cour noble 2005, un liquoreux étonnant au nez incroyablement floral, élevé avec faste en bois neuf. Retour dans la nuit et les étoiles en écoutant un CD audio consacré à l’éternité et l’immortalité chez Spinoza.
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