Une succession de petites salles, boiseries chaudes et granite au sol. L’endroit incite à une forme de recueillement, une façon de se centrer sur l'essentiel.
Daniel Bumann avec une partie de sa brigade.
Ingrid Bumann est originaire de la région de Naters dans le Haut-Valais Juste au-dessus se trouve le petit village de Mund, où l’on produit un safran aussi rare (3 kg par année en moyenne) que prisé, AOC depuis 2004. C’est le seul endroit en Suisse où l’on cultive le safran. Un peu plus d’une centaine de producteurs cultive l’équivalent de 14 000 m2 de champs de Crocus sativus L. Parmi eux, la famille d’Ingrid Bumann qui réserve à la Chesa Pirani l’exclusivité de sa récolte. Comme l’explique Mme Bumann, le calcul est simple. Chaque crocus donne 3 pistils et il faut environ 180 fleurs pour obtenir 1 g de safran. « Parfois, ajoute-t-elle, quelqu’un trouve une fleur avec 5 pistils. Il faut le voir alors parader. Il est le roi du village ! »
Daniel Bumann, le chef, est natif de Saas-Fee.
Le safran sera le fil rouge, la mélodie épicée du menu qu’ils proposent en ce moment.
Daniel Bumann, le chef, est natif de Saas-Fee.
Le safran sera le fil rouge, la mélodie épicée du menu qu’ils proposent en ce moment.
La raclette.
On démarre, quelle surprise ! avec une vraie raclette valaisanne, escortée d’une ricotta au safran, des bricelets au safran et un potage à l’orge perlé. Un clin d’œil et une manière de rappeler qu’ici on ne perd pas de vue le terroir.
Une première entrée qui ne rate pas sa cible, tonique, craquante, aria joyeuse, le Saumon d’écosse au concombre et safran. Le saumon est présenté de deux façons, décliné : le filet légèrement poêlé, un tartare secret, enroulé dans une crêpe au safran. Le tout posé en équilibre sur un drôle d’escargot, un long spaghetto de concombre, lové sur lui-même, façon escargot. « C’est une particularité du concombre de La Punt, il arrive du jardin comme ça… » commente, pince sans rire, Madame Bumann.
Les Fruits de mer édition 2008 ne manquent pas d’allant. Ils ont fait un long voyage mais sont frais comme des gardons. Chacun est présenté dans son écrin naturel. La St-Jacques dans sa coquille, juste énamourée d’une crème au safran ; le couteau avec une vinaigrette aux herbes et oignons rouges et le homard qui en pince pour une mayonnaise au pamplemousse.
Ne manque que la soupe qui cache le décor : c'est vrai qu'elle est trop bonne !
Saskia, la plus jeune des mes filles, a craqué pour le plat suivant, une Soupe de coco, aubergine, poulet et safran. Moi aussi. Dommage toutefois d’utiliser pour un tel plat des aubergines naines, le genre de gadget inutile dans un restaurant de ce niveau.
Je suis prêt à retirer ce que j’ai écrit récemment à propos des plats dits « principaux » en dégustant la composition suivante, le Veau au safran et citron, courgettes. Une merveille de simplicité et de saveurs justes, précises. Pourquoi le génie devrait-il toujours faire dans la complication ? Le genre de plat qui, à coup sûr, vaut trois étoiles et, comme on dit, le détour ! Viande superbe – on trouve dans les environs des viandes de toute grande qualité – pochée rosée. Elle est panée d’un mélange d’herbes, citron confit et herbes des montagnes. Le jus de cuisson sert de base à la sauce au safran et poivre rose qui l’accompagne. Une garniture maligne de courgettes (en tronçon large et crue, façon carpaccio, juste citronnée) ainsi que des frites coupées à la main que je n’hésiterais pas à qualifier d’émouvantes (et pourtant je déteste les frites !).
Le plateau de fromages, remarquable, est orienté exclusivement sur les fromages suisses. Quarante-deux fromages présentés ce soir-là. En hiver, il y en a encore davantage, paraît-il.
Le plateau de fromages, remarquable, est orienté exclusivement sur les fromages suisses. Quarante-deux fromages présentés ce soir-là. En hiver, il y en a encore davantage, paraît-il.
Très jolis desserts tel ce Melon de Cavaillon avec crème de mascarpone au safran et glace florentine.
L’adresse Bumanns Chesa Piranni
La Punt bei St-Moritz
t. 081 854 25 15 – f. 081 854 25 57 – bumann@chesapirani.ch
La carte des vins intéressante ; grand choix de vins valaisans (c'est normal), un peu faible sur la Bourgogne. Les prix sont sérieux mais sans doute loin de rivaliser avec ceux de certains autres restaurants réputés de la région.
Service d'une grande courtoisie et professionnalisme
Les prix le menu Safran (legendäre Safranmenu) est à 148 (5 plats) ou 178 (6 plats).
15 Comments
Pouh : la première photo fait peur !
Mais les autres me donnent envie !
Comme je dois aller avec le petit Vialette à Romme chez Heinz Beck pour recevoir dignement le chef Ménard qui nous a si bien reçu au Japon, et qu’ensuite je roule tranquillement pour Stuttgart, ce serait là un arrêt possible sur la route ?
Va falloir consulter Mappy !
Merci pour l’adresse, Oh Grand Jacques !
Mine de rien : tu devrais nous sortir un de ces jours un petit vademecum de visites intelligentes dans ces coins helvètes dont tu as le secret ?
On a le droit de te soudoyer ?
Oui, oui, tu peux. Attention, samedi, sans doute une autre adresse majeure. Un très grand de demain, perdu au fond des Grisons ! Pourquoi la première photo ferait-elle peur ? c’est le style très montagne zen du restaurant. Je n’ai rien ajouté, ni retranché ?
J’aimerais savoir, cher Jacques, en quoi des aubergines naines, utilisées de tout temps par les indiens et les thaïlandais pour leurs curries seraient un gadget déplacé pour un plat safrané?
Une région que j’adore pour y avoir joué depuis l’âge de sept ans, puis évolué en montagne à la belle saison pendant des années.
A La Punt, précisément, j’étais passionné par la course de deux balles de ping-pong de couleur différentes que l’on jetait dans le bisse, après avoir compté jusqu’à trois. Mon adversaire préféré étant ma maman.
Le soir, en rentrant à l’hôtel, mes parents croisaient un autre fidèle du nom de Fritz Weggelin, passionné de faune sauvage.
"Qu’avez-vous rencontré aujourd’hui ?" demandait mon père…
"J’ai vu l’aig – guel ", avec un accent pas possible…! comme s’il s’agissait d’un rapace unique.
Dans notre famille, il nous arrive souvent de voir "l’aig-guel" et nous le disons, avec l’accent de Fritz, même si nous avons admiré le couple.
Ne pas oublier Johri’s Talvo à Champfèr…. mais je m’arrête car j’en aurais pour 50 ans à raconter.
Et l’architecture…
Jacques,
vous semblez tenir une forme olympique et c’est tant mieux pour nous, vos lecteurs.
Dans 15 jours je serai dans les Grisons, de fait, vos reportages sont une véritable aubaine pour moi. Merci.
Laurent
Bien vu, Armand, elles sont thaï ces aubergines et le plat est visiblement de cette inspiration-là. Thaï ou pas, je ne peux pas m’y faire. C’est plus beau que savoureux. La peau est aussi dure que du pemmikan, comme si le légume n’était pas arrivé à maturité, et la chair est plutôt insipide par rapport à celle d’une violette florentine. Mais peut-être est-ce un fantasme ?
A mon humble avis, les aubergines vertes, surtout les aubergines pois sont utilisées pour leur "croquant" et leur légère amertume pour équilibrer le côté douceâtre des curries thaï ou malais à base de lait de coco, les indiens utilisent souvent des violettes plus grosses et de forme allongée qui font jusqu’à 5cm de long et comparable d’aspect aux aubergines toscanes.
Merci pour cette précision qui "éclaire" la construction. Donc, ce n’est pas un gadget dans cette perspective. C’est fou ce qu’on peut trouver dans l’aubergine !
Tout juste Armand,
Dévoré ce soir, sur Lyon, dans un super restaurant thaïlandais de famille ("Maï Thaï" rue de Créqui), un Curry vert de St Jacques (ultra fraîches) aux aubergines pois et mangetout.
Une merveille d’équilibre entre fraîcheur des feuilles de cumbava, brûlant du piment, douceur du lait de coco, amer croquant de l’aubergine et moelleux des St Jacques.
Un plat étoilé, assurément.
Superbes plats thaï ce midi avec une Tom Yam et un curry vert resplendissants.
Bon, paul, tu vas me trouver à côté du sujet mais j’avais de fait une contravention sur mon pare-brise, déposé par une aubergine retorse.
🙂
Merci en tout cas pour ton post qui m’a donné cette envie d’Asie.
A french "Tom Yam" avec de la tomate?
Armand,
Tomate, haricots tarbais et lentilles du Puy (+ un pied de cochon béarnais).
Tom miam miam !
C’est bien ce que je pensais, il manquait le piment d’espelette !
Et puis, ce ne sont plus des aubergines qui mettent les contraventions, pour la curie parisienne.