Cette étape, il est vrai, fut précédée par un prologue appétissant, la semaine dernière, avec la visite au domaine Belluard à Ayze.
Aujourd’hui, cap sur Jongieux, à l’envers du val du Bourget. La route s’élève en direction du col du Chat. Passé le tunnel du même nom, on plonge en douceur, à l’aplomb des monts de la Charvaz, direction Jongieux-Aimavigne.
Noël Dupasquier, au milieu de ses vieilles vignes du cru Marestel.
Dans ce village (presque) d’un autre âge, se trouve le domaine Dupasquier dont la Roussette de Savoie issue du cru Marestel est un véritable joyau. Celui-ci fait partie à mon sens des très grands vins blancs de France !
A peine arrivés, nous filons dare-dare en direction du vignoble en compagnie de Noël Dupasquier. Ames sensibles et chaussé Berlutti s’abstenir. La déclivité impressionne même un Valaisan : elle n’est pas sans rappeler celle de certains vignobles mosellans !
La plus vieille vigne du domaine Dupasquier, plantée par l'arrière grand-père de Noël Dupasquier.
C’est ici un des royaumes de l’altesse qui trouve ici, sur ce sol pauvre et abrupt d’éboulis calcaires, un terroir d’expression idéal. Tout en haut, sous la forêt, au milieu des roches en suspension et des talus de fortune, la joie vous cueille.
Elle a la forme de ce paysage étonnamment contrasté, ce coteau orienté à l’ouest, abrupt et minéral, qui fait face au moutonnement des collines et des champs. Le Rhône, assagi, dessine ici une courbe parfaite. Les traitements de la vigne sont terminés. Il fait chaud. Que sera 2010 ? Trop tôt encore pour le dire. Dans l’œil de Noël Dupasquier, une légère inquiétude. Il a fallu être très attentif, cette année (l’oïdium…).
Une partie du cru Marestel et Jongieux-Aimavigne
Nous sommes devant sa plus vieille vigne, une centenaire plantée par l’arrière grand-père de Noël. Sans doute la plus ancienne du cru dont la superficie dépasse à peine les 20 ha : il y a une vingtaine d’années en effet, un important remembrement du coteau de Marestel a été effectué (pas toujours avec le plus grand bonheur d’ailleurs…).
Cette vigne plantée sur la roche, au sommet du cru Marestel, appartient à un certain Carrel, un viticulteur au nom d'alpiniste…
La vue plonge sur Jongieux-Aimavigne, que l’on aperçoit entre les ceps. Des fumets arrivent jusqu’à nous. Ce sont ceux des cuisines du restaurant Les Morainières, idéalement situé au cœur du cru Marestel. Ce sera pour tout à l’heure mais, au préalable, nous irons, voulez-vous bien, nous rafraîchir les idées avec une Jacquère 2008 du domaine Dupasquier, toute en fringance. Je vais la retrouver souvent sur ma route, ces prochains jours, la Jacquère, fille naturelle du Gouais blanc aux vertus apéritives ! On enchaîne avec une mini verticale de Roussette de Savoie – Marestel. Le millésime 2007 aux notes de pêche de vigne, de mirabelle, se déploie en bouche sur le versant généreux, solaire, ample, contrebalancé par une salinité présente. Magnifique vin de gastronomie.
Voici la Roussette de Savoie – Marestel 2005 dans sa gloire à peine native : un sillage de miel, des fleurs blanches, de la verveine, des notes grillées qui flirtent avec le café et ce corps splendide, imposant, finement tramé, à la finale sapide, aiguisée. On rêve de le voir à table, tout à l’heure, mais chut ! c’est trop jeune encore…
Voici la Roussette de Savoie – Marestel 2005 dans sa gloire à peine native : un sillage de miel, des fleurs blanches, de la verveine, des notes grillées qui flirtent avec le café et ce corps splendide, imposant, finement tramé, à la finale sapide, aiguisée. On rêve de le voir à table, tout à l’heure, mais chut ! c’est trop jeune encore…
Ecrevisses tièdes du Léman en bouillon,
Blanc monté et toast de pinces
Blanc monté et toast de pinces
Roussette de Savoie – Marestel 1987 : on lui donne à peine son âge et, pourtant, ce n’est pas un très grand millésime. Il est sur les notes d’infusion, d’herbes sèches, de tilleul, vétiver avec un corps élancé, tendu mais sans rigidité et une belle finale pleine d’énergie.
On déguste encore la Fleur d’Altesse 2005, une vendange tardive (11 novembre) au corps onctueux, sur des notes de fruits secs, d’acacia, de coing, doté d’un bel équilibre avec une cinquantaine de g de sucre résiduel.
Voilà qui donne des ailes pour remonter le chemin de Marétel et rejoindre Les Morainières où Mickael Arnoult (qui fut le second d’Emmanuel Renault à Megève), a pris déjà décroché une étoile.
Une agréable terrasse qui donne sur les vallons verdoyants, un public (ce jour-là…) délicieusement décalé par rapport à la cuisine proposée, contemporaine, créative, techno-émotionnelle : pour un peu, on viendrait bien ici plus souvent couler des jours heureux.
L'astucieux toast de pinces d'écrevisses dont on trouve une version ici…
Un menu du jour à 28 euros, un menu Terre et Mer, un autre Mer et Lac à 42 euros. Les intitulés sont alléchants. Restons donc entre la mer et le lac :
Ecrevisses tièdes du Léman en bouillon,
Blanc monté et toast de pinces
Maigre de Ligne poché, pommes de terre écrasée,
Tomate, coquillage et parfum d’agastache
Tomate, coquillage et parfum d’agastache
La carte des vins propose un joli choix de vins de la région, avec six millésimes du vin-phare du lieu, le Marestel de Dupasquier (1987, 1993, 2000, 2001, 2004 et 2005).
J’ai jeté mon dévolu sur le superbe Marestel 2000 à la couleur dorée. Il est rare de pouvoir goûter un grand vin de terroir sous de tels auspices, dans le lieu même où il a pris naissance. C’est un des privilèges que nous offre Les Morainières et, compte tenu de la qualité de la cuisine, croyez-moi, ça vaut le voyage. Notes de fruits jaunes légèrement confits, de carambole, d’ananas avec un côté épicé. Corps splendide, d’une amplitude étonnante, sans mollesse, concentré et énergique.
J’ai jeté mon dévolu sur le superbe Marestel 2000 à la couleur dorée. Il est rare de pouvoir goûter un grand vin de terroir sous de tels auspices, dans le lieu même où il a pris naissance. C’est un des privilèges que nous offre Les Morainières et, compte tenu de la qualité de la cuisine, croyez-moi, ça vaut le voyage. Notes de fruits jaunes légèrement confits, de carambole, d’ananas avec un côté épicé. Corps splendide, d’une amplitude étonnante, sans mollesse, concentré et énergique.
Oursin, crème petit-pois verveine.
Et la cuisine, qu’est-ce qu’elle vaut ? Remarquable, précise, millimétrique, malgré une tendance à juxtaposer les goûts et un maniérisme parfois inutile (ces œufs en sucre filé sont sans doute virtuoses mais, dans le cas d’un plat salé, amènent en se dissolvant une note sucrée désarmante). Anyway, on sent ici une telle envie de se surpasser alliée à une joyeuse technicité que ceci n’est qu’un détail.
Un dessert sur le thème de la cerise. Beau…
Le restaurant Les Morainières, route de Maretel, Jongieux (à 1.20 de Genève) tél. 04 79 44 09 46
9 Comments
Superbe !
J’ai goûté 7 fois cette Marestel 2005.
La denière dégustation de février 2010 fut très probante (expression fruitée et miellée, de belle tenue).
A l’aveugle, on peut s’égarer un peu vers le chenin ou le pinot gris (voire vers la roussanne).
Déjà abordable avec du potentiel.
Bien aimé la jacquère 2006, avec moins de coffre.
Goûté aussi le chardonnay 2004, plutôt délicat.
Un bien beau domaine en tout cas.
Grand Jacques :
Pour toi, on sait que le mot coïncidence n’est que la pelure d’un fruit caché.
Quelle application de la théorie quantique qui fait que tu visites quand on le boit.
A quand un Nobel du Vin ?
Jacques avant de répondre à François, je te signale que ton "Savoie sérénissime", suite à l’info d’Oliv, sur LPV, a contribué à déclencher un sujet: "Qu’est ce qui fait que certains vins ne sont pas payé à leur juste valeur?" dans "A propos".
Contrairement, aux peu de réactions sur "Milles plateaux", sur LPV, c’est déjà 3 pages de noircies en quelques heures.
François,
Dans la théorie de la probabilité, le destin a été forcé:
-Jacques et toi, c’est le vin qui vous rapproche, entre autre.
-Oliv et Nicolas, de grands amis, un peu vaccinés par la Savoie viticole.
-Vous allez voir Philippe Bourguignon qui est un amoureux de la Savoie.
-Et sur le carte des vins, vous avez craqué pour ce Marestel d’exception à prix doux.
Après que le tempo vous rassemble???
Ce peut-être de la télépathie, des ondes sensibles???
Michel,
Synchronicité …
Un forum n’est pas un blog.
Michel :
Rendons à César…
Le Marestel était un superbe cadeau d’Oliv.
Bien à toi,
Le mystère des affinités électives, Michel ! 🙂
S’il est quelqu’un qui m’a permis de rencontrer et de mieux connaître les vins de Savoie, c’est bien toi !
Bravo pour ton ardeur à défendre et à valoriser ces cépages si particulier et merci à M. Perrin pour ce superbe article.
Amitiés,
Oliv
C’est vrai qu’il y a de belles synchronicités. Je parlais précisément de Philippe Bourguignon avec Louis Magnin, il y a quelques jours. Michel, encore un grand merci pour ton accueil. Je suis rentré de ce bref voyage avec un vrai bonheur de découvrir des vins et des hommes comme je les aime, qui racontent une histoire vraie et partagent une passion ! La suite, à très bientôt, donc !
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