Sanson et lumière.
C’est Pascal, je crois, qui disait « je porte mon brouillard et mes beaux temps à l’intérieur de moi ».
Avec toi, c’est le contraire. Tes blessures, tes bleus à l’âme, tes doutes, tu les portes à fleur de peau. Comme un don.
C’est Pascal, je crois, qui disait « je porte mon brouillard et mes beaux temps à l’intérieur de moi ».
Avec toi, c’est le contraire. Tes blessures, tes bleus à l’âme, tes doutes, tu les portes à fleur de peau. Comme un don.
Tu chantes ta vie pour ne pas désespérer d’elle.
Parfois, ça dérange.
C’est ce qui est beau, émouvant, dans tes concerts, qui fait de toi à jamais une très grande chanteuse.
Tu as parlé de ce qui passe entre nos vies, de ce qui fuit à travers les coutures incertaines, du "temps qui est assassin", plaqué sur nos rêves ravaudés.
A la fin du concert, tu as présenté tes guitaristes, les nommant « les vieux ». Avec eux, tu as osé ceci : t’agenouiller sur scène, face au public, « devant les jeunes parce qu’ils ignorent les grandes douleurs de la vie ».
Véronique Sanson, Zinal, le 8 août.
Tant pis pour ceux qui n’ont rien compris, qui en sont restés à ces clichés dans lesquels ils tentent de t’enfermer : l’alcool, la chandelle brûlée par les deux bouts, les addictions, toutes ces fadaises que les distraits se racontent entre deux chansons.
J’en ai entendu, hélas, sous le « chapiteau de fête » de Zinal, vendredi soir, après le concert (magnifique) de Véronique Sanson.
Il est vrai qu’inviter une telle artiste, la plus grande chanteuse francophone vivante, dans un décor de comices agricoles, avec saucisses grillées et raclettes, défie l’entendement, un peu…
Même avec le paysage et l’air pur des montagnes en prime, c’est pour le moins incongru.
On a eu droit pourtant à trois rappels superbes et notamment à Ma révérence avec la Sanson seule au piano, émouvante, vraie, d’une présence énorme.
Au loin, déjà, se rallumaient les feux des grillades…
Au loin, déjà, se rallumaient les feux des grillades…
C’est bien valaisan ça, croire qu’un dieu bienveillant veille sur nous et nous sauvera toujours du ridicule !
Le Weisshorn (4512 m) et la cabane de l'Ar-Pitettaz.
Ce qui n’est pas ridicule, ce sont les paysages, ceux dont on rêve, quand les circonstances nous éloignent d’eux trop longtemps, qui nous ont précédés et nous survivront. La vallée de l’Arpitettaz, au-dessus de Zinal, en fait partie.
Le lendemain de ce concert, je suis monté jusqu’à la cabane de l’Arpitettaz, au pied de la face ouest du Weisshorn. Je voulais revoir de près cette montagne aux dimensions himalayennes. Avec la Dt-Blanche et le Bietschhorn, le Weisshorn fait partie de ma mythologie personnelle dans les Alpes valaisannes.
Une journée comme ça en montagne, ça vour recharge les accus pour l'éternité. Pur bonheur !
9 Comments
Je vois que la vieille conception hegelienne de la montagne comme lieu de la pureté préservée à la peau dure.
Moi j’ai le souvenir d’un concert à l’Olympia vers 1972 je crois et d’un sein aperçu dans l’échancrure de son corsage presque aussi beau que ses chansons
Et pourtant, Armand, je vous jure que ne suis pas hégélien ! Tiens, je croyais qu’il aimait plutôt respirer l’air des bibliothèques…
Je pensais à "Journal d’un voyage dans les Alpes bernoises"
http://www.lekti-ecriture.com/ed...
Je ne peux pas résister…(tiré de la revue du Mauss;-))
Dans son Journal de voyage dans les Alpes bernoises [ 1796], Hegel échoue à jouir d’un paysage « sublime » :
« Bien que nous nous trouvions à proximité de ces montagnes et que nous les voyions de leur pied à leur sommet, elles ne nous donnèrent pas l’impression ni n’éveillèrent le sentiment de grandeur et de sublime auquel nous nous étions attendus. »
Informé des expériences visuelles alors en pleine gestation et du code artistique qui les soutient, le jeune Hegel juge les montagnes « horribles », « laides », mais s’émerveille cependant à la vue de la chute de Reichenbach qu’il qualifie de « spectacle majestueux » [Hegel, 1988, p. 55].
Intéressant, très intéressant : Hegel peine à jouir d’un paysage "sublime" et le reste ? Et voilà comment on est passé de la Sanson à Hegel pour venir échouer sur les alpes bernoises !
Hélas, ces derniers temps l’on s’est davantage noyé et écrasé que échoué dans les Alpes bernoises, ce qui, finalement, est un moindre mal.
Laurent
Une très grande chanteuse, vraiment. Je l’adore. Merci pour ce portrait !
Cher Jacques, aujourd’hui j’ai eu plus qu’une pensée pour vous, une proximité, une complicité d’émotion. En effet, plus de 10 ans après avoir commenté un jour votre goût immodéré pour une chanteuse (était-ce Véronique Sanson ? Peut-être ) et m’être désolé qu’après Coltrane vous soyez revenu à des amours que je considérais comme moins à même de narrer toute la profondeur de l’âme humaine, je me suis moi même épris éperdument de la voix de Juliette Armanet et me suis souvenu de mon jugement hâtif… cela ne me fera entrer dans le club très large du relativisme… Mais je ne gâche pas mon plaisir d’être amoureux et j’ai une amicale pensée pour vous Cordialement Manuel Casel