Non. Un trader ! Un presque anonyme sorti tout droit des coulisses de Wall Street.
lls s’appellent Ben Sadgrove, Ken Cunningham, Kelly Vergamini. Ils ont entre 25 et 35 ans. Parfois, ils en paraissent dix de plus. Usés par le stress, le métier, les heures de métro pour arriver très tôt le matin dans l’antre de Manhattan où se décide une partie du destin économique du monde.
Ce soir, en pleine crise, ils ont revêtu leur habit de lumière à l'occasion du Wall Street Boxing Charity Championship. Arnachés de cuir et de bandelettes, ils montent sur le ring comme si leur dernier jour était arrivé. Ils se sont affublés de noms de guerre et de dérision : Bonecrusher, The Carnivore, Big Daddy, Hot Commode, Machine Gun, Greek Hero, Who’s my father ?
Ils se battent pour de vrai. Chacun veut être le meilleur. Petits soldats du grand capital en déréliction. Faites-moi une place dans votre coin de ciel bleu que j'y cloue mon silence… Chacun veut gagner même si l’on devine que tout est perdu, que l’on appartient au camp des loosers.
Wall Street va très mal en ce 14 septembre 2008. Lehman Brothers est en train de sombrer. Pire que le Titanic. Ce choc les ébranle dans leurs certitudes. Leur monde implose.
Alors après le combat, ils parleront. Pour panser des destins tuméfiés.
C’est le pari du réalisateur Jean-Stéphane Bron qui présentait hier son remarquable documentaire, Traders, dans le cadre du festival Visions du Réel à Nyon.
Pour y parvenir, Jean-Stéphane Bron a obtenu plus de 150 rendez-vous avec des financiers, des gérants de hedge-fund, des banquiers. Aucun n’a accepté d’être exposé à ce risque incroyable : être filmé et parler…
Le cheval de Troie du réalisateur aura été finalement cette soirée de boxe au cœur de Wall Street qui lui a permis d’entrer en contact avec un certain nombre de traders et de gagner leur confiance.
Donner la parole à ces derniers, oh pas les brillants bien sûr, ceux qui se tiennent dans la lumière et les paillettes, mais les sacrifiés, les sans-grades, les petits soldats, les fantassins que l’on envoie devant au front. Et qui le plus souvent sont les premiers sacrifiés. Car la finance, à ce niveau-là, n'est que la poursuite d’une autre forme de guerre. Et de quelques chimères faute de quoi tout ceci ne serait que trop réaliste.
Donner la parole à ces derniers, oh pas les brillants bien sûr, ceux qui se tiennent dans la lumière et les paillettes, mais les sacrifiés, les sans-grades, les petits soldats, les fantassins que l’on envoie devant au front. Et qui le plus souvent sont les premiers sacrifiés. Car la finance, à ce niveau-là, n'est que la poursuite d’une autre forme de guerre. Et de quelques chimères faute de quoi tout ceci ne serait que trop réaliste.
Filmés dans un appartement de Brooklin (caméra cachée derrière un miroir sans tain dans lequel se reflétait le regard du réalisateur), les prolétaires de Wall Street se livrent et révèlent beaucoup d’eux-mêmes dans ce documentaire choc, entrecoupés d’images d’archives liées à la faillite de Lehman Brothers et au procès de son grand patron, Richard Severin Fuld, Jr., surnommé Big Dick ou encore le Gorille, qui a continué à se servir des bonus faramineux (480 millions de dollars) alors que tout allait mal. Superbe travail de montage de Jean-Stéphane Bron qui, à travers l’échange des regards et les silences et les déglutissements laborieux de Big Dick nous donne à voir la faillite d’un système !
Traders de Jean-Stéphane Bron sera certainement visible prochainement sur les écrans, grands et petits. Ne le manquez pas !
© SAGA Production
16 Comments
Quelques morceaux choisis de l’interview de J.-Stéphane Bron parue dans Le Temps de samedi 25 avril :
"Ce qui m’a frappé, c’est que les traders du bas de l’échelle jusqu’à son sommet ne se distinguent entre eux que sur un aspect : le luxe vestimentaire. C’est à dire le confort matériel.
Le trader type est un individu très autocentré, avec peu de conscience du monde qui l’entoure. (…)
Dans ce métier, le bagage intellectuel reste assez faible. On est dans l’intra politique, l’infra-intellectuel.
A New-York, la frénésie de tout reprendre comme avant est dàjà là. (…)
La communauté financière ne gardera pas de mémoire de la douleur de cette crise.
Les pertes d’emplois sont tout au plus perçues comme des dommages collatéraux.
On n’a pas pris conscience que le prix de ce système fait payer au monde ne figure sur aucun bilan".
A se demander si Mao n’était pas un génie visionnaire, lui qui faisait bosser les intellos dans les champs…
laurent
Mao, génie visionnaire ? Et quoi encore ? On aimerait bien vous y voir, vous, bosser dans les rizières…
Energies renouvelables, Constitution, Ballade du concours de Blois
A lire aujourd’hui sur Mediapart un article intéressant de Ludovic Lamant sur Timothy Geithner, l’actuel secrétaire au Trésor américain. Ce dernier a passé 5 ans à la tête de la Réserve fédérale de New York et, selon une enquête du New York Times, il a systématiquement privilégié les intérêts de Wall Street. Il était notamment très proche des dirigeants de Citigroup et a fait partie de ceux qui, pendant longtemps, ont cherché à minimiser la crise des subprimes. Alors loyauté ou amours ancillaires ?
http://www.mediapart.fr/
Laurent Mao 40 millions de morts vous avez un sacré sens des génies et des visionnaires et Pol pot qu’est ce que vous allez nous trouver de concis (y a peut être 3 lettres de trop?)
Mais ou avez-vous lu une affirmation dans ma phrase ?
laurent
Oui, oui, Laurent on a bien compris que tu cautionne pas Mao.
A propos de la culture de ces gens là (les traders) et des élites actuelles, connais tu les thèses de Jean Claude Barreau ? Entendu chez Yves Calvi sur France Inter la semaine dernière.
Ils sont incultes, la seule culture qu’il défendent est la culture du jackpot. Ainsi, on fonce …. dans le mur, mais toute la société avec eux !!!
Regarde moi un peu le Bouton aujourd’hui. Faut le faire quand même.
Le monde moderne est devenu le théâtre de l’affrontement "court terme" VS "long terme".
Dans tout : la finance, le vin, l’éducation, la quête de la célébrité, les constructions immobilières, la production d’énergie, etc.
Nous vivons en moyenne beaucoup plus vieux qu’il y a 500 ans, mais sommes de moins en moins patients, comme si tout pressait, comme s’il on avait peur de mourir demain.
La condition humaine pèse-t-elle de plus en plus lourd ? Que craint-on ? Pourquoi sommes nous si pressés ? En oublierait-on de vivre ?
J’aime encore mieux écouter Rubinstein et Schubert tiens…
http://www.deezer.com/track/9617...
Au moins pendant ce temps là on pense à autre chose. Quoi que ?
La condition humaine n’a pas changé, Nicolas. Elle ne pèse pas davantage. Ce sont nos rêves qui sont devenus de plus en plus lourds. Ils nous plombent littéralement. Nous manquons de légèreté. Alors, oui, écoutons de la belle musique !
EH oui Nicolas, nous vivons un temps où le temps manque (discussion en vue avec François Mauss et Jacques Perrin)
Pour ce qui est de la durée de vie, point n’est besoin de mettre 500 ans dans le rétroviseur.
L’affaire de la l’abstinence plutôt que la capote de Benoît XVI a rappelé à certains que dans des pays d’Afrique, aujourd’hui, l’on meurt en moyenne à 30 ans.
En Suisse, l’espérance de vie ne cesse de progresser. Soit plus de 84 ans pour une femme et quasiment 80 pour un homme.
La chose surprenante, c’est que ces trente dernières années, l’écart entre hommes et femmes a constamment diminué. En clair, les femmes sont (statistiquement) veuves moins longtemps.
Augmentation de la durée de vie qui n’est pas finie. Voici à peine un mois, j’ai rencontré une femme de 92 ans, opérée à coeur ouvert l’an passé. L’hôpital est devenue une fabrique de centenaires. Il est quasiment interdit d’y décéder.
Alors si le temps manque, à qui la faute ?
Ecouter Schubert ne rendra pas sa maison aux expropriés de Cleveland, et à tous les autres volés par le capitalisme sauvage. Pas plus que la vie ne sera rendue aux assassinés de Mao et Pol Pot, Staline, Napoléon, Hitler et tous les autres bourreaux de la terre.
C’est un autre sujet. Ainsi, pourquoi l’homme crée t-il des choses plaisantes alors qu’il pourrait se contenter de travailler pour survivre ?
Dîtes nous Jacques, il fera quoi l’homme quand il n’aura plus besoin de travailler ?
Orélie : oui et non… il me semble que l’environnement de l’être humain change sans arrêt, donc le terrain de jeu de sa Condition Humaine aussi, non ?
Armand : le rapport de l’Homme moderne au Temps est une grosse question, question qui permet à mon avis de balayer bon nombre de problèmes contemporains. J’y réfléchis beaucoup, et surtout observe quotidiennement les ravages sociétaux du "plus pouvoir/vouloir attendre".
Voir aussi la contradiction d’un monde qui est de plus en plus peuplé, mais où l’on sent en parallèle une montée écrasante du sentiment de Solitude chez une nombre important d’individus, de tous âges, j’insiste sur ce dernier point.
Laurent : à vouloir reculer constamment l’échéance, ne privilégierait on pas bêtement le quantitatif au qualitatif ?
Diogène de Sinope, reviens !
Million dollar baby
A Nicolas, ah Schubert….Indispensable..
Mort à peine à 30 ans, pourtant quand on voit sa production artistique, il a dû vivre un siècle. Comment est-ce possible ? Et Wolfgang idem
Nicolas, d’une certaine façon on peut répondre oui à cette question. Mais ce n’est pas si simple. Intervenir chez une patiente de 90 ans passés en lui offrant une chirurgie lourde (et coûteuse) ce n’est pas lui offrir la vie éternelle pour autant.
La justification médcale devait être : madame X a une excellente qualité de vie malgré ou en dépit de son grand âge. Le remplacement de la valve mitrale l’améliorera encore considérablement.
Nous sommes dans une logique de garagiste qui répare un véhicule "de collection" pour faire plaisir à un propriétaire qui peut se le permettre. La société paie, le chirurgien remplace. Le bonus est : quand ce jeune chirurgien devra opérer une personne jeune, il sera rôdé.
Aussi, je reste totalement convaincu que cette femme a été opérée parce que c’était une opportunité pour un jeune chirurgien de se faire la main (pardon pour la trivialité de l’expression usitée).
Quid des fameux dommages collatéraux ? Six mois après l’intervention, la patiente est sous anti-dépresseur, choquée qu’elle est toujours, de la réalité post-opératoire vécue à son réveil…
Bonjour la qualité de vie désormais !
A propos du King Arthur (Rubinstein), il disait à quelques mots près ceci :
"Comment ne pas penser quotidiennement à la mort, je suis habillé comme un croque-mort installé devant un corbillard".
laurent
http://www.youtube.com/watch?v=4...