– Ca dépend laquelle. Dites toujours…
– Je veux parler du gibier à plumes, du vrai bien sûr ! Car dans la plume comme dans le poil, il y a pas mal de faux-semblants et de leurres…
Avec l’Aiguillette d’oie rieuse grillée jus acidulé au vinaigre de coing, nous avons tenté un accord vertical, audacieux, et fait servir un grand Riesling mosellan, parfaitement accompli, un Auslese trocken 1983 Oberemmeler Karlsberg de Reichsgraf von Kesselstatt, dont les notes, à la fois hespéridées et fumées, s’accordaient à merveille avec la vinaigrette à base de Vino Santo et de coing, contrepoint à la chair goûteuse et ferme de la grande migratrice, juste saisie au Teppan-Yaki. Au lieu de surligner le gibier par des sauces telluriques, denses, Benoît Violier préfère jouer le contrepoint et trancher par des saveurs acidulées d’une grande rectitude d’expression.
Avec la Sarcelle d’hiver aux sucs d’ananas, on reste dans le sublime. Forcément. Le plus petit des canards d’eau douce d’Europe qui truffle (la jolie expression !) quand il chante est associé avec un émouvant Rayas 1979. Le vin, truffé et balsamique, se faufile en douceur, avec un étonnant regain de vigueur, parmi les saveurs subtiles de la sarcelle et la gastrique d’ananas qui lui sert d’écrin.
J’avais dit que je ne commenterai pas l’intégralité du menu et il reste encore trois plats. Vais-je me taire enfin ? Mais le Lagopède d’Ecosse (lagopède des saules) mérite lui aussi un hymne, pour son plumage immaculé, qui le fait ressembler au Lagopède alpin (improprement nommé Perdrix des neiges), et pour ce plat d’anthologie juste souligné par un contrepoint de raisins Muscat et la sauce au merlot, digeste et épurée.
A la question “combien avez-vous découpé de volailles durant votre carrière ?”. Louis Villeneuve répond, sans se départir de son flegme légendaire :” dans les trente-six mille environ !” Bien entendu, nous lui avons également posé cette question :”Et combien de tétras-lyre ?” Le chiffre est tombé, précis : vingt-cinq !
Le restaurant Philippe Rochat Restaurant de l’hôtel de ville – 1023 Crissier – Tél. +41 21 634 05 05
5 Comments
Bon, si LPV commence à semer à tout vent le VCC 69, ça va faire des dégâts qq part !
On doit écrire "à tout vent" ou "à tous vents" ?
Je partage votre enthousiasme communicatif pour Rochat où je me suis arrêté samedi dernier pour un déjeuner gibier:
superbe et je souscris à tous vos commentaires.
Mais que dire du décors crépis-pizzeria années 1970, de la salle bourdonnante des conversations pour ne pas dire bruyante, du Maître d’ Hôtel années 1950 avec une sollicitude distante pour ce client de passage.
Faut-il revenir ?
Oui sans hésitation pour la cuisine, mais avec une curiosité ethnographique et amusée pour cette demeure de la fin du XX siècle.
Heureusement, le tétras-lyre possède une bonne vue et une ouïe fine qui lui permettent de détecter les dangers. Il jaillit des fourrés et s’envole rapidement, plongeant ensuite dans un ravin à toute vitesse.
Autre ennemi, et non des moindres, l’homme, qui le chasse depuis toujours. Seuls les mâles adultes sont autorisés comme gibier. L’extension des activités de tourisme en montagne constitue un danger préoccupant pour l’avenir du tétras-lyre. Les stations de skis, les pistes de randonnées se multiplient, empiétant toujours plus sur le territoire d’hivernage et de reproduction des tétras-lyres. La population du gallinacé sauvage décline inexorablement depuis des années, malgré la mise en place de mesures de protection.
Ma-gni-fique!!!
Suggestion : l’an prochain, invitez Alain Bougrain-Dubourg …