Mai 2010 : triste, peu lumineux, avec des températures peinant à atteindre les 20 degrés. Tiens, ça ne vous rappelle rien ?
Juin 2010 : fécondation hétérogène, notamment sur le merlot, qui régulera naturellement la production.
Sur le plan phyto-sanitaire, c’est un millésime de grande facilité, c’est le millésime des bios.
Juillet 2010 : chaud, sans excès, très sec (65 % de précipitations inférieur à la normale). Conditions idéales pour rattraper le retard dû au froid printanier.
Contrainte hydrique idéale.
Août 2010 : marqué par la sécheresse, avec moins de 20 mm de pluies. 40 % de moins que la moyenne des 30 dernières années. Pourtant, il fait relativement frais, on ne dépasse guère les 25 degrés et les nuits sont très fraîches, préservant les acidités. Les peaux sont épaisses.
Septembre 2010 : la chaleur est revenue, mais les nuits restent fraîches.
Octobre 2010 : été indien. On peut vendanger à la carte dans des conditions idéales.
Millésime de lumière plus que de chaleur, 2010 ne se compare qu’avec lui-même… c’est un millésime hors normes avec des vins dotés d’une opulence, de structure extravagante, dont les équilibres font exploser les canons de l’idéal bordelais. Les degrés d’alcool et les indices de tanins sont comparables en 2009 et 2010, la différence est souvent notable au niveau des acidités, globalement plus hautes en 2010.
L’harmonie hors normes est le qualificatif que j’avais retenu pour présenter ce millésime en primeur !
Domaine de l’A 2010 robe grenat, un peu mate. Superbe fruit, mûr, cerise, baies des bois, moka, notes de fraîcheur. De l’ intensité aromatique. Entrée en bouche pulpeuse, belle texture expansive, impression chaleureuse, finale avec une très jolie trame tannique, légèrement épicée.
Domaine de Chevalier 2010 robe sombre. Nez très fin, aristocratique dans son expression. Notes épicées, balsamiques. Framboise et cassis. Entrée en bouche pleine de tonicité, superbe fraîcheur. Il est élancé, discrètement mentholé, fruits rouges et l’impression finale est celle d’une sapidité irrésistible.
Alexandre Thienpont, Vieux-Château-Certan
Vieux-Château-Certan 2010 robe intermédiaire. Le nez est un peu en retrait à ce stade, mais la profondeur est là. Notes boisées, havane, tabac, violette, qui apparaissent après quelques heures d’ouverture. Belle entrée en bouche, très caressante, avec de la fraîcheur. Souple, charmeur, il présent toutefois une profondeur de goût magique et sa finale laisse une empreinte interminable.
Clos Fourtet 2010 robe foncée. Nez très pur, cassis, truffe. Belle bouche, ciselée, on a la fraîcheur du calcaire. Très belle ligne en bouche, avec une trame tannique superbe, grande énergie sur ce vin. Son allonge et sa finesse sont magistrales.
Poujeaux 2010 robe un peu mate. Notes mentholées, fruits mûrs. Le nez est plus simple, pas totalement dégagé. Assez classique bordelais. Bouche souple, charnue, aux notes mentholées et de cerise. Finale savoureuse avec nuance de noble rusticité.
Marquis de Terme 2010 robe sombre. Le premier nez s’avance sur des notes boisées et balsamiques. A l’ouverture, notes de cacao, d’épices et touche florale. L’entrée en bouche est fine. Très joli ensemble, digeste, élégant, au tanin fin, fruité, très bien dessiné.
Château Gruaud-Larose
Gruaud Larose 2010 robe intermédiaire. Nez épicé, truffe, notes mentholées. Entrée en bouche, savoureuse, expressive, texture consistante, grande noblesse d’expression dans un style assez classique dans son expression aromatique mais d’une opulence de chair magnifique, presque inhabituelle. Belle et longue finale. Une réussite !
Léoville Poyferré 2012 belle notes fruitées et minérales. On a un côté graphite, très pur dans son expression. Attaque dense, précise. Superbe maturité du fruit, grande bouche, trame serrée, très lente montée en puissance, sève magnifique, très long.
Sociando-Mallet 2010 robe grenat. Nez racé, notes fruitées, très fines. Tabac, Belle bouche, ciselée, avec un attaque très marquée par le cassis. Beaucoup de fraîcheur d’expression. Un grand Sociando, ferme, précis, profond, avec un magnifique potentiel d’évolution, qui a pourtant dérouté certains dégustateurs par son profil très classique.
Calon-Ségur 2010 robe foncée. Nez très cabernet sauvignon (85 %). Il s’ouvre sur des notes florales, fruitées, très pures, avec une note mentholée. Belle trame. Beaucoup de continuité en bouche, superbe expression, pas dans un style très exubérant, superbe finale magique. Un parangon de finesse et d’élégance. Une partie de la récolte a été amputée par la grêle du mois de mai, d’où les rendements très bas : 32 hl/ha
Ambiance de la soirée
Pontet-Canet 2010 nez magnifique, crème de mûre, violette, la bouche est plus parlante que le nez à ce stade, vibrante, complexe. Très belle trame tannique, il offre un velouté superbe sur une assise puissante. Grande fraîcheur malgré l’opulence de la matière.
Les Forts de Latour 2010 très beau nez, complexe. On y décèle le cèdre, les épices, le santal, les fruits noirs. Bouche à la trame ciselée, finale superbe. Un vin d’une grande rigueur d’expression et d’une parfaite définition du terroir. Goûté sur plusieurs jours, il affiche une tenue incroyable. Superbe !
2 Comments
On est vraiment dans un grand, un très grand millésime.
Et c’est assez intéressant de constater que certains de ces vins peuvent déjà offrir des satisfactions de beau niveau.
Il y a quelques décennies, c’était simplement inconcevable. Jusqu’à quel point les domaines ont adapté leur process de culture, vinification et élevage pour tenir compte ainsi des impatiences des amateurs ?
Voilà un beau sujet d’étude !
Gros souci : je ne vois pas le Bonobo sur la photo : est-il en retraite dans quelqu’ordre monastique pour réapprendre la modestie ?
Ou alors est-ce cette tête lourde et pensante qui penche dangeureusement vers le Grand Jacques ?
Va savoir, Charles !
2010 à Bordeaux se révèlera avec le temps comme LE GRAND millésime de ce début de siècle. Moins charmeur que 2009 il eut l’inconvenient de venir après lui, pour lequel on avait déjà usé tous les superlatifs. Nombreux sont ceux qui n’ont pas vu tout de suite ses réelles qualités. Les 2010 sont plus riches, plus puissants, plus complexes… mais aussi plus austères dans leur jeunesse. Ils commencent tout juste à s’ouvrir.
Oui Mr Mauss, vinification et élevage ont été maitrisés pour que ces vins se révèlent assez vite, et donnent le meilleur d’eux-mêmes pendant plusieurs décennies. La qualité de la matière le permettait. Pour ma part, 2010 a été mon 25ème millésime, et incontestablement le plus grand. Et nous sommes de nombreux techniciens à penser de même.
Rendez-vous dans 10 ans…