La dégustation a été articulée dans cet ordre, afin de suivre l’évolution du domaine au fil du temps :
1989. Récolte généreuse avec 800 gr par m2, maturité de 97° Oe, récolte le 18 oct. Vinifié avec pigeages, sans rafles.
Notes de caoutchouc brûlé, de fumé et d’épices pour ce millésime de profil aromatique assez solaire. On retrouve ces arômes dans la saveur, le vin est souple, plutôt chaleureux dans la saveur et en rétro-olfaction. Il est à point aujourd’hui.
1991. Petite récolte avec un rendement de 600 gr par m2, maturité de 93° Oe, récolte le 25 oct. Au début des années nonante, il est décidé d’intervenir davantage dans la maîtrise des températures et de mettre en place des macérations à froid, avec également un recours à des cuves auto-rotatives afin de réaliser des macérations plus homogènes, douces.
Nez plus sauvage, frais, avec du poivre, des notes de menthol, de ciste et de poix. Le profil de la bouche est là également beaucoup plus frais, le vin est sapide, sensiblement plus dense et structuré, s’étirant sur du végétal très noble. Il est tenu de bout en bout et resplendissant actuellement. Quelle belle bouteille, bravo !
1992. Année de profil classique selon Jean-François Maye, « normale » dans le profil des fruits récoltés, mais tout de même marquée par des inondations dans l’été et un mois de septembre chaud.
Notes de fruits rouges compotés et d’épices chaudes, évoluant sur le poivre Voatsiperifery. La bouche est normalement avancée, de maturité plutôt équilibrée. Le vin est prêt à boire, affichant une vinosité pour le moins normale. Bonne surprise.
1993. Millésime comparable dans l’équilibre à 1991, maturité de 91° Oe, récolte le 11 oct., avec un automne irrégulier et pas mal de foehn et de pluie. Rendement plutôt élevé de 700 gr par m2.
Nez surprenant sur des arômes de bouillon de légumes, évoluant sur du beurré, du lactique et un boisé type « rhum-raisin ». La saveur semble lâcher et rattrape les arômes du nez, l’allonge se délite quelque peu, il aurait fallu le boire avant.
1994. Saison plutôt froide, beaucoup de pluie, récolte début oct. le 4 car on ne pouvait plus attendre, les grappes lâchaient. Rendement de 500 gr par m2 après tri, maturité de 90° Oe.
Premier nez assez fumé, épicé, qu’il faut un peu aller chercher. La bouche est acidulée, vive, peu charnue mais se tient étonnamment mieux que le 1993. Assez marqué « syrah », il est resté plutôt jeune dans l’expression, comme certains 96.
1998 (en magnum). Millésime précoce, petite vendange en quantité (millerandage), maturité de 95° Oe, récolte le 15 oct.
Nez explosif de syrah avec des épices, du lard et de la tomate séchée, évoluant sur du menthol. Bouche plus fraîche que le nez, grain de syrah marqué avec ce beau végétal si caractéristique. Le vin est assez précis, sensiblement plus que les millésimes que nous venons de goûter. Une superbe bouteille, qui évolue sur des nuances de pastèque et fruits exotiques qui rappellent certains grands nebbiolo.
2000 (en magnum). Année précoce, chaude, rendement de 550 gr par m2. Maturité de 98° Oe, récolte le 4 oct.
Nez plus évanescent, il paraît plus « sucré » et solaire dans le parfum, avec une petite touche d’élevage ; mais l’expression de grande syrah arrive à l’aération. La bouche est plus souple que le 98, coulante, avec une sensation de structure moins marquée. Par contre la texture est très hédoniste. Un très bon millésime, aujourd’hui agréable à déguster et surtout boire.
2002 (en magnum). Année d’équilibre, avec des saisons bien distinctes et marquées, maturité de 94° Oe, récolte le 22 oct.
Millésime dépouillé et sans esbroufe, 2002 a vu la naissance d’un vin classique et frais, très centré sur l’aromatique du cépage, avec des nuances qui rejoignent le variétal pur (olive noire, tapenade). La bouche est effilée, incisive mais pas maigre, pourvue d’une bonne allonge. Un magnum qui s’est d’ailleurs mieux dégusté le lendemain.
2003. Année la plus chaude ici goûtée et également très sèche, vendanges hyper précoces le 15 sept. pour la Syrah vieilles vignes, avec un rendement minuscule – dû à la chaleur – de 350 gr par m2, maturité de 100° Oe.
Bouquet étonnamment profond, épicé et surtout jeune, avec une densité aromatique assez incroyable ; saveur étonnante avec à la fois de l’acidulé et de la « sucrosité sèche » (haute maturité phénolique), mais aucune dureté ni sensation de blocage de maturité. Le vin est bien structuré, long et vraiment harmonieux. Une (grande) performance pour l’année !
2004. Millésime tempéré, productif et qui a rendu nécessaire un important travail pour diminuer la charge des pieds, maturité de 95° Oe, récolte le 21 oct., rendement final de 600 gr par m2.
Superbe bouquet d’encens et fleurs séchées, qui rappelle les grandes réussites de Robert Michel et René Rostaing (qui pourtant n’égrappent pas ou peu, contrairement au domaine Maye) ; la bouche affiche un profil véritablement racé, le tanin est parfaitement mûr, vin élancé, au « ventre » peu rebondi mais musclé, grand équilibre. Un pur sang !
2005. Année chaude, facile, maturité de 95° Oe, récolté le 3 oct., rendement de 500 gr par m2.
Nez typique du millésime sur les épices chaudes, le zan, évoluant sur un léger côté mélasse. Bouche en forme de boule, présence d’alcool remarquée pour ce vin rond et puissant, ferme dans le port, encore bien jeune et armé pour la garde. Les amateurs de sensations fortes l’ont beaucoup aimé, mais j’avoue lui avoir préféré le 2004 et surtout le 2006 !
2006 (en magnum). Année équilibrée avec des saisons bien marquées, rendement de 600 gr par m2, maturité de 100° Oe, récolte le 14 oct.
Nez exceptionnel avec des notes de poivron très mûr, de rose, de pivoine, fruits rouges, épices très fines et une évolution assez incroyable sur la fleur d’oranger : on pense aux plus grands bourgognes ! La bouche est tout simplement parfaite et de fait difficile à décrire ; définition de tanin idéale, grand respect du cépage qui est à la fois respecté et sublimé, c’est incrachable. Très grand vin, qui donne l’impression de tutoyer les sommets.
2009. Année de concentration et de millerandage, précoce, avec plus d’acidité que 2006, maturité de 100° Oe, récolte le 6 oct., rendement très bas de 450 gr au m2.
Profil de baies noires (mûre, cassis) profond avec une très légère note d’acétate d’isoamyle (banane-framboise). La bouche est complète, extrêmement dense et encore ramassée, peu nuancée dans la forme. Cette expression actuelle indique qu’il est urgent de l’attendre ! A noter que l’élevage semble plus et mieux intégré que sur mes dernières dégustations.
Puis pour finir, nous changeons de cuvée avec la Syrah de cuve 2010. Climatologie équilibrée, très bonnes acidités, maturité de 95° Oe, récolte le 14 oct. avec un rendement de 800 gr par m2 signent ce millésime.
Il s’exprime pleinement sur le côté juvénile du fruit de syrah mûr et frais (notes de crème de fruits noirs), le vin est plein, rond, souple, déjà plaisant dans la saveur, riche, mais il se tient parfaitement. Une gourmandise.
Pour clore ce compte-rendu, un très grand merci à la famille Maye d’avoir permis d’organiser cet évènement et d’y avoir si bien contribué. Cette dégustation est – et demeurera – une des plus belles verticales de l’histoire de l’Ecole du vin.
En savoir plus sur la charte Saint-Théodule :
Synthèse de la soirée et commentaires de dégustation : Nicolas Herbin
3 Comments
Brillant !
Merci de ce rapport sur des vins quasi-mythiques, si difficiles à trouver hors Helvétie.
Va falloir passer au CAVE fissa 🙂
…pour pré-réserver la Syrah cuve 2011 et la VV 2010, car tout est déjà sold-out depuis belle lurette !
Rançon de la gloire.
(merci de ton mot !)
Avis enthousiastes dans la salle, visiblement !
lapassionduvin.com/phorum…
Et je les comprends !
Oliv