Début des années quatre-vingt, dans la plupart des régions viticoles, une nouvelle génération arrive, des jeunes vignerons souvent novateurs qui vont, du Valais à la Bourgogne en passant par le Barolo, le Chianti ou, même, le Bordelais, à faire évoluer la tradition. « La tradition, c’est la somme des erreurs accumulées pendant plusieurs générations » aimait à dire, dans ces années-là, J.M. Guffens, vigneron (presque) sans vignes, fraîchement débarqué des brumes des Flandres dans le petit village de Vergisson.
Daltrey, Moon, Townshend, Entwistle : les Who dans toute leur gloire ! "My generation" : c'était à Woodstock.
Il est toujours difficile de prendre la mesure des changements au moment où ils produisent. Parfois, ce sont d’infimes déplacements, parfois de grands mouvements souterrains, comme si un armée de taupes était à l’œuvre sans même que, installés tranquillement à la surface, nous devinions sa présence. Après coup, il arrive que, quand on se penche sur le passé, on comprenne mieux l’ampleur de tel ou tel changement.
Durant mon exposé, j'ai insisté sur ce paradoxe : au cours de son histoire plusieurs fois millénaire, le vin a toujours été inscrit dans une dimension religieuse, symbolique et culturelle ; pour que demain le monde du vin ne ressemble pas à ces étoiles disparues mais dont la lumière nous parvient encore, il est vital, pour que le vin continue à nous faire vibrer et rêver, qu’il continue de s’inscrire dans cette dimension culturelle. A propos de la dimension sacrée, mediumnique, du vin, j’ai souligné ce déplacement. Depuis la révolution industrielle au XIXe siècle, le vin a progressivement perdu sa dimension sacrée, religieuse. Aujourd’hui, on assiste à une étrange re-sacralisation d’une partie des grands vins, qui deviennent inaccessibles, en accédant à une sorte d’empyrée qui met la barre très haut en terme de prix.
– Et que pensez-vous du prix des grands Bordeaux ? me demande leur professeur…
Et sans attendre ma réponse, celui-ci lâche ce qu’il a sur le cœur : »Quand je vois le prix de certains Bordeaux 2005, les premiers crus à 1500 frs la bouteille, moi j’avoue que je suis choqué, dit-il. Je l’ai d’ailleurs dit lors d’une assemblée des œnologues suisses. On m’a qualifié de troskyste mais, c’est comme ça, je suis choqué… »
Le temps avançait, tant de choses encore étaient encore à dire, face à ce jeune public, passionné et très réactif dans le meilleur sens du terme. On me donnait tout à coup trois minutes pour conclure et pour « délivrer un message » à ces œnologues de demain, venus d’horizons très divers :
« Vous vivez dans un moment particulièrement excitant de l’histoire du vin, avec des changements multiples, rapides, imprévisibles parfois : soyez passionnés, curieux, ouverts au monde, dégustez le plus possible, faites les rencontres qui vous seront vitales, provoquez-les si nécessaire, et inventez votre propre chemin. Sérendipité ! La seule voie de sortie pour la viticulture suisse, c’est vers le haut. Si nous sommes condamnés à quelque chose, c’est à la qualité. Ceux qui essaient de régater avec les vins industriels et tentent de s’aligner sur le prix le plus bas, se perdront. Nous devons aller de plus en plus vers des vins d’expression, des vins d’auteur parmi lesquels, peu à peu, quelques-uns émergeront comme des vins de terroir. »
2 Comments
Henri Jayer disait dans Ode aux grands vins de Bourgogne "J’aurais voulu qu’on s’intéresse davantage à la vigne, qu’on s’intéresse aussi à la philosophie du vin. C’est ce qui manque cruellement aux formations oenologiques moderne". Un peu de philosophie à Changins, merci Monsieur Perrin !
Où bat-il aujourd’hui le Keith Moon ? Dans quel paradis ? Il faut savoir que les Who, ce soir-là, on refusait que le grand Jimi passe après eux… Le lendemain, dans l’aube lancinante et blême, Hendrix a embrasé tous ceux qui étaient restés ! Pete est quasiment un minus à côté…