Frère Marie-Pâques nous accompagne. Il est le héraut des vins de l’abbaye, leur éminence lumineuse.
Avec son côté rabelaisien, un peu frère Jean des Entommeures, « hardi, aventureux, bien avantagé de nez », frère Marie-Pâques porte inlassablement la bonne parole des vins de Lérins d’une grande table à l’autre, d'un reportage à une émission de radio, intrépide et chaleureux.
Car il sait, Marie-Pâques, que cette île mystique, d’à peine 40 ha à la végétation paradisiaque recèle un autre trésor, un peu caché : un terroir apte à donner naissance, au milieu des vents, des embruns, du soleil, à des crus d’exception, qui vont bien au-delà des vins de messe.
Les frères en dégustation. A gauche, frère Marie, cellerier et frère Marie-Pâques.
Depuis cinq ans, Jean-Michel Novelle aide les moines à mettre en forme ce rêve et cette intuition. Je l’accompagne aujourd’hui pour déguster le millésime 2008, encore en cours d’élevage. Soit, au total, la bagatelle de 150 échantillons de vins différents. C’est une promesse que j’avais faite il y a quelques mois et dont j’avais déjà parlé ici. Avec nous sont présents également frère Marie, cellerier de l’abbaye et Alain qui l’assiste dans cette tâche.
L’occasion de partager durant deux jours un peu de la vie de ces frères cisterciens, véritables aventuriers de la foi, soumis à la Règle de saint Benoît, dont la joie de vivre, la simplicité, la décontraction même, m’ont épaté !
Préparatifs du déjeuner. En compagnie du Père-Abbé Vladimir (à gauche) et des frères Marie et Marie-Pâques.
C’est ainsi que nous avons effleuré cet autre rythme, la liturgie des heures qui scande la vie des moines, entre prière et travail.
Nous, notre travail, c’était, dans une salle à l’entrée de la Clôture, de déguster l’intégralité des fûts et des cuves. Nous en échappant pour rejoindre parfois l’église et partager avec les frères un moment de contemplation.
Le réfectoire des moines.
Assister ainsi à l’Office des Vigiles, à 4h15 du matin, est une expérience que je recommande à toute personne, croyante ou non.
Accessoirement, on apprendra des choses étranges, scandaleuses, que d’aucuns, prisonniers de leur siècle et des préjugés qui leur tiennent lieu d’horizon, jugeront peut-être futiles ou extravagantes.
Tel par exemple le Traité de saint Hippolyte concernant l’hérésie de Noët. De ce dernier à Noël, il n’y a qu’une lettre à changer. Voici sur fond de vagues qui viennent lécher les murs de l’abbaye cette parole vivante : « Vous avez été vendus pour rien, vous serez rachetés sans argent ! »
Un mot pour terminer sur les vins. L’abbaye de Lérins produit plusieurs cuvées sous l’ »appellation » Vin de pays de Méditerranée :
Cuvée saint Césaire, issue de chardonnay
Cuvée saint Pierre, issue de clairette et de chardonnay
Cuvée saint Honorat, issue de syrah
Cuvée saint Sauveur, issue de syrah avec un peu de mourvèdre
Cuvée saint Salonius, issue du pinot noir
Cuvée saint Lambert, issue du mourvèdre
Séance de dégustation en compagnie de Jean-Michel Novelle.
Tous ces vins sont d’un niveau qualitatif très élevé. La méticulosité, l’intransigeance de JMN, alliées à l’idéal de perfection des moines, expliquent (en partie) cela. Et puis, l’évidence du terroir (argilo-calcaire), est là avec un micro-climat très particulier. Les blancs sont superbement iodés, frais et ciselés. Les plus vieilles clairettes, émouvantes.
La syrah et le pinot noir conservent fraîcheur et style. Très beau saint Salonius 2007.
Quant au mourvèdre, c’est le joyau ! admirable, qui résout la quadrature du cercle, puissant, séveux et fin à la fois. Avec certitude, un des meilleur mourvèdre qui puisse se déguster en ce bas monde ! Mais attention, il est rarissime (900 bt par an).
Quant aux 2008, encore en élevage, ils valent le voyage. Si vous n’allez à Lérins, ils viendront à vous !
De gauche à droite, le Père-Abbé Vladimir, Jean-Michel Novelle, frère Marie, Alain et frère Marie-Pâques.
Une dernière chose : il existe au cœur de l’abbaye un merveilleux petit clos qui va prochainement être replanté en mourvèdre. Son nom ? Le Clos de la Charité. Il y aura 500 pieds au total qui donneront naissance, dans quelques années, à un vin dont la vente permettra de financer des projets d’aide aux nécessiteux. Ce projet existera grâce à de généreux donateurs, dont vous pouvez faire partie, quitte à vous grouper pour « financer » un pied de vigne.
Renseignements et bulletin de souscription ici.
– Que reçoît-on en retour ? ai-je demandé à frère Marie-Pâques.
– Rien et tout ! La Charité, c'est l'agapè, l'amour donné sans contrepartie, la générosité du cœur qui entraîne la générosité de l'intelligence…
– Que reçoît-on en retour ? ai-je demandé à frère Marie-Pâques.
– Rien et tout ! La Charité, c'est l'agapè, l'amour donné sans contrepartie, la générosité du cœur qui entraîne la générosité de l'intelligence…
Chères lectrices, chers lecteurs, merci de m’avoir accompagné jusqu’ici, dans ce voyage. Joyeux Noël à toutes et à tous et voici un diaporama pour célébrer ce moment !
3 Comments
Quand le Grand Jacques fréquente les églises, c’est toujours sur ses propres chemins de connaissance, en l’occurence, le vin qui trouble et qui ouvre l’esprit.
Va pas se hasarder, le coquin, sur les chemins escarpés de la dialectique augustine ou autre !
Tu as donc aussi chanter mâtines ! Du grégorien ? A capella ?
Chanté : ah, l’émotion du clavier trop vaillamment chargé !
Je n’ai pas parlé du chant grégorien. IL y a eu des moments sublimes à Lérins ! Quant à le chanter, il va falloir que je travaille…
En même temps, comme je le disais – ailleurs – à Fredy, on ne peut ni se couper une oreille tous les jours (Beuys) ni chanter I Can’t get no satisfaction en permanence !