– Si je découvre le nombre exact de moutons que comporte votre troupeau, me donnerez-vous l’un d’entre eux, en gage ?
– Essayez toujours… déclare le berger.
– Essayez toujours… déclare le berger.
L’homme sort son Blackberry dernier cri, fait chauffer son MacBook Pro Turbo Boost. Grâce à une clé d’entrée cryptée, il se connecte au WGS 84. Après quelques minutes de recherches intenses, il déclare sans sourcilller : "vous avez très exactement 623 moutons dans votre troupeau. Moins un que je ramènerai chez moi !"
– Le chiffre est exact. Prenez votre dû ! bougonne le berger.
L’homme s’empare alors d’un animal qui proteste avec véhémence et l'enferme dans le coffre de son véhicule.
– Si je devine le métier que vous exercez, me rendrez-vous euh… votre prise ? demande le berger.
– Dites toujours…
– Vous êtes consultant !
– Oh ! mais vous êtes plus malin que prévu, vous… Comment avez-vous deviné ?
– Pas très compliqué. Vous arrivez chez moi sans que je vous aie sollicité. Vous me donnez une information que je connaissais déjà et, pour le prix de cette dernière, vous tentez d’emporter mon chien que vous confondez avec un mouton…
– Dites toujours…
– Vous êtes consultant !
– Oh ! mais vous êtes plus malin que prévu, vous… Comment avez-vous deviné ?
– Pas très compliqué. Vous arrivez chez moi sans que je vous aie sollicité. Vous me donnez une information que je connaissais déjà et, pour le prix de cette dernière, vous tentez d’emporter mon chien que vous confondez avec un mouton…
Bon, revenons à des choses sérieuses. C’est-à-dire à la conférence donnée à la Villa d’Este par Stéphane Derenoncourt sur le métier de consultant dans le vin. Une conférence censée répondre à une question longue comme un jour sans vin : « Les conseils » : comment harmoniser le respect des spécificités locales et les apports de la culture vinicole européenne ? Presque du Lévi-Strauss au départ de la Mission Dakar-Djibouti !
Stéphane Derenoncourt a d’abord rappelé que c’est Emile Peynaud qui se trouve à l’origine de ce métier. Ensuite, lors d’une deuxième étape, est arrivé Michel Rolland, avec, selon SD, une idée assez géniale : il décide de quitter son labo pour aller dans les vignes…
Juste au même moment (début des années 80) où, en face, dans la critique, débarque Mister P.
Juste au même moment (début des années 80) où, en face, dans la critique, débarque Mister P.
La médiatisation se met en place; elle va donner un nouveau statut à l’œnologue-conseil. Et, toujours à propos de Michel Rolland, Stéphane Derenoncourt ajoute : »pendant 20 ans, tout le monde dit qu’il est génial puis on le critique, ce qui est une reconnaissance de son talent. »
Alors à quoi ça sert, le consulting en vins ?
Par son métier, précise SD, le consultant tourne beaucoup, voit une foule de choses et peut apporter des idées, des techniques nouvelles, voire une vision.
Par son métier, précise SD, le consultant tourne beaucoup, voit une foule de choses et peut apporter des idées, des techniques nouvelles, voire une vision.
A Bordeaux par exemple, il y avait un certain nombre de belles endormies et, à un moment donné, liée ou pas à un changement de propriétaire, il y a cette volonté de bouger, d’avancer. C’est également le cas de marques, installées depuis longtemps, qui veulent évoluer.
Par ailleurs, précise SD, nous avons beaucoup de demandes liées à des créations de domaines. Parfois dans des régions traditionnelles, parfois dans des régions nouvelles. Pour ces gens-là, je crois franchement que la viticulture française est une vraie vitrine qualitative.
Et Stéphane de citer quelques exemples de domaines, hors la France, où il intervient avec ses collaborateurs :
Turquie : domaine Kavalklidere à Akyurt. Les raisins vinifiés ici proviennent d’à peu près tout le pays.
C'est un pays très montagneux, au climat continental, où il pleut entre 200 et 300 mm par an.
C'est un pays très montagneux, au climat continental, où il pleut entre 200 et 300 mm par an.
Photo Château Marsyas
Au Liban avec le château Marsyas à Kefraya dans la vallée de la Bekaa, une vallée engoncée entre 2 montagnes, le Mt Liban et le Mt anti-Liban. Sols argilo-calcaires avec des argiles féroces, dixit Stéphane.
Il y a beaucoup de nouveaux projets qui se montent actuellement au Liban, précise à ce sujet SD.
En Syrie, à Lattaquié, avec le château Bargylus (qui appartient au même propriétaire que Marsyas). Le vignoble se trouve ici à 950 m d’altitude, sur un plateau. C’est très sec mais nous avons choisi de ne pas pratiquer d’arrosage, le tout c’est d’adapter la viticulture, précise SD.
Marsyas et Bargylus sont deux vins assez opposés, dans leur gamme aromatique. Ce qui est important, dit SD, car quand on multiplie les contrats, on a tendance à vouloir exporter ce qui réussi ici. Et en France, où toute réussite est suspecte, on a vite tendance à vous dire que vous banalisez les goûts.
Lutter contre l'alcoolisme en développant le vin, une idée originale
En Inde, au nord de Bengalore, Stéphane a entamé une collaboration avec l’Alpine Winery. C'est un domaine tout neuf de 500 ha. Avec de très jolies argiles ferreuses. Connaîre la surface interne de l’argile, ajoute SD, c’est savoir comment elle peut se comporter avec l’eau.
Pourquoi ce projet ? Parce que les Indiens veulent développer leur production interne de vins pour lutter contre l’alcoolisme dû à l’alcool fort.
C’est une approche de consulting originale, dixit Stéphane, Ici on est sur un climat équatorial, sans saison, la vigne ne s’arrête jamais de pousser, il faut la tailler deux fois et il y a deux récoltes par an. Ce qui signifie un vieillissement prématuré du vignoble. On a 26 cépages. Le cabernet franc est la plus belle réussite pour l’instant.
Mais, ajoute-t-il, le problème principal ici pour l’instant, c’est la communication. Quand vous dites des choses simples aux gens, encore faut-il qu’ils les comprennent. Et comme il y a 160 employés sur la propriété…
Et Stéphane Derenoncourt de définir la façon dont il envisage le consulting : moi, j’aime bien la philosophie d’autonomie, et j’essaie de faire en sorte que les domaines le soient le plus possible.
Structure de l’entreprise Vignerons Consultants : j’ai démarré le consulting par instabilité, affirme Stéphane. Me lever tous les matins et faire la même chose m’angoissait.
J’ai commencé mon activité en 1999 avec 7 clients en travaillant 90 heures par semaine. J’ai vite compris qu’il fallait que je forme des gens. Notre manière de travailler, c’est des projets où il faut être présent. J’ai donc modestement essayé de créer une école et de former des jeunes.
J’ai toujours eu, ajoute-t-il, une philosophie poétique plus que scientifique au vin !
Aujourd’hui Vignerons Consultants c’est 8 personnes sur le terrain et 4 personnes dans l’administratif pour 80 domaines conseillés.
Jusqu’à aujourd’hui, j’ai suivi personnellement tous les domaines. J’ai dû mal à valoriser tous les gens qui sont avec moi.
Evidemment que je travaille avec une équipe ! Et je ne sais pas si à 55 ans, j’aurai le même « jus » pour le faire.
Et puis, heureusement que j’ai mon domaine (Domaine de l'A) pour continuer mes expérimentations !
Evidemment que je travaille avec une équipe ! Et je ne sais pas si à 55 ans, j’aurai le même « jus » pour le faire.
Et puis, heureusement que j’ai mon domaine (Domaine de l'A) pour continuer mes expérimentations !
Question de Michel Bettane : est-ce que tes expériences à l’étranger ont un impact sur ce que tu fais en France ?
Stéphane Derenoncourt : moi je ne suis pas un fan de la théorie du réchauffement. Ça fait 25 ans que je travaille dans les vignes, avant on n’effeuillait pas, on ne palissait pas aussi haut, on a mis sur le dos du réchauffement climatique, toute une avancée technique qui raconte un peu l’histoire du consulting.
Peynaud, c’était un peu plus mûr qu’avant certes, mais c’était un modèle végétal et on a fait une communication là-dessus. Quand on achetait une caisse, c’était pour la mettre en cave pour longtemps.
Aujourd’hui, c’est plus comme ça, on veut des vins plus suaves, plus mûrs, conclut Stéphane.
11 Comments
Les prétentions territoriales de la Syrie sur le Liban ne peuvent que bénéficier des sages conseils d’un consultant renommé.
Article et commentaires très intéressants(comme d’habitude)et drôle!
Je n’avais jamais entendu parler de ce Château Marsyas,est-il déjà sur le marché,et si oui,exporté en Suisse? A quand une dégustation au Cave des vins du Liban,comparaison des différents styles et terroirs? Par Mr SD par exemple? Ou par un oenologue d’un domaine?(E.Maamari de chez Ksara vient régulièrement à Sierre comme membre du jury de Vinéa).Il serait possible de se procurer par un importateur,différents millésimes de cuvées de chez Kefraya, Ksara,Massaya,ou Musar.
Pour voir l'(les)effet(s)sur les goûteurs, des argiles magiques du Liban! Mais le plus simple serait encore d’organiser un petit voyage au Liban?…
Cordialement,et au plaisir de vous lire.
Qui sait si les enjeux politiques et territoriaux de ce petit bout de terre ne pourront pas se résoudre un jour autour d’une bonne bouteille! Mais au fait, de libanais ou de syrien?
On peut rêver. C’était bien là que Jésus fit son premier miracle lors d’un mariage…
Ouf!
Jésus ?
Pantocrator …
Pantocrator quel rapport?
Le miracle du vin, et le miracle politique renouvellé aujourd’hui autour du vin, c’est tout…!
Concordance d’une succession de miracles – le premier consistant à changer l’eau en vin- et d’une année liturgique qui arrive à terme – la liturgie désignant un service rendu pour le bien commun des citoyens – … et le poète soûl engueulait l’Univers !
Alors des portes s’ouvrent…Il faut que je revoie mes définitions. Merci 🙂
Attention aux fictions, Françoise !
Suggestion idiote: penchez pour la navale.