Je suis revenu avec plein de mots nouveaux dans le carquois. De quoi slamer toute une saison en hiver, l’année prochaine.
Tenez, ces sharkies, à quoi ressemblent-ils ? Des petites dents de requins cachées sous la poudreuse, des cailloux traîtres qui vous rabotent les spatules et vous arrachent à la trajectoire idéale.
Ou le sluff, cette fine couche de neige pulvérulente qui se met en mouvement au passage du freerider et risquent de le déséquilibrer. Je ne connaissais pas le nom même si je m’en suis pris plein la poire lors d’une hivernale dans la face nord du Peigne. Maintenant je sais au moins comment ça s’appelle. Net progrès.
Aurélien Ducroz, un run parfait à Verbier. Brillant vainqueur de la Coupe du Monde 2009.
Et dévaler, à tombeau ouvert, le toboggan vertigineux, sauter des barres d’une vingtaine de mètres, parfois en exécutant, tels les meilleurs, un back flip, est-ce que ça porte un nom, cette folie maîtrisée ? Oui, ça s’appelle un run. Tout simplement.
Repérer la trajectoire idéale. Verbier. Le Bec des Rosses. On devine les concurrents au sommet.
Chapeau les freeriders ! Quitter le sommet du Bec des Rosses à 3222 m et s’élancer ainsi dans le vide, anticiper les pièges, les changements de neige, inventer sa propre route vers le bas, n’est pas une sinécure. Des lignes fluides, précises, rapides. Concentration maximale. On l’oublierait presque : vous risquez gros dans les premiers 200 mètres. Une erreur d’appréciation, un moment de déconcentration et c’est le roulé-boulé assuré en forme de ticket pour l'éternité. Vous êtes pressés d’arriver en bas parce que le temps vous est compté. Vous avez sans doute séparé l’action de la contemplation. La performance maximale est à ce prix. Pas de place ici pour les rêveurs, ni les velléitaires.
Vous avez sans doute séparé l’action de la contemplation… Photo : Patrice Schreyer
Certainement êtes-vous le rêve d’avenir d’un vieux monde qui s’essouffle, dont, quelque part, vous demeurez les prisonniers. Exploit. Vitesse. Médiatisation. Tyrannie des marques et des sponsors.
Pour exister, vous êtes condamnés à l’exploit et vous le savez. Il est vrai qu’il existe des perspectives plus tristes que cela.
Pour exister, vous êtes condamnés à l’exploit et vous le savez. Il est vrai qu’il existe des perspectives plus tristes que cela.
Je vous ai admiré, mais pas envié. Au contraire de certains des amis qui m’accompagnaient et qui rêvèrent peut-être, de se réincarner en l’une ou l’autre d’entre vous.
Je me suis contenté de savourer une flûte de Champagne rosé de Jacques Selosse, vibrant, complexe, merveilleusement rafraîchissant parmi ce soleil implacable et ce froid térébrant. J’ai aimé, intensément, cette saveur, ces bulles ascendantes. Pur joyau : un instant au milieu de l’un des plus beaux panoramas du monde, le Mt-Blanc, les Droites, les Courtes juste en face.
Je me suis contenté de savourer une flûte de Champagne rosé de Jacques Selosse, vibrant, complexe, merveilleusement rafraîchissant parmi ce soleil implacable et ce froid térébrant. J’ai aimé, intensément, cette saveur, ces bulles ascendantes. Pur joyau : un instant au milieu de l’un des plus beaux panoramas du monde, le Mt-Blanc, les Droites, les Courtes juste en face.
Et vous, flamboyant sur l’azur, intrépides, passagers de l’hubris, nouveaux dieux et déesses d’une ancienne religion, qui considère l’extrême et les intensités comme l’unique mode de vie.
13 Comments
La follia…
il coraggio…
la tecnica…
fare vino ha i suoi rischi, ma mai come la sfida alla montagna…
Gabriele
Vraiment des fondus graves ! Il faut quand même quelque part une sacré dose d’inconscience pour se lancer comme cela !
Mais peut-être qu’avec l’âge on tient un peu plus à la vie dont on voit la fin qu’à cette foi de la jeunesse en l’immortalité ?
C’est sûr, François, quand on voit quelqu’un sur la neige, il y en toujours un qui est fondu.
M. Mauss, est-ce une nouvelle doctrine que vous nous énoncez là ou une façon particulière de "mau-rigéner" les têtes brûlées. Allez, dites-nous tout !
Vraiment des fondus graves !
Pour tenter un rosé de Selosse ?????
Faut pas exagérer, tout de même ! 🙂
Je corrige (à distance) : il s’agit bien du Bec des Rosses où dévalent les freeriders, et non du Bec des Bosses (comme je l’ai annoncé par erreur). Ce dernier se trouve à Grimentz et nous y avons fait, Maurice Zufferey, Denis Mortet et moi un "ride" inoubliable dans la haute neige ! C’était en janvier 2001.
François,
Quand on est jeune la vie est longue…, on a tout l’avenir devant soi.
Quand on prend de l’age, on mesure comment la vie est si vite passé…,
et combien elle est précieuse.
Michel.
Et puis finalement François, enchaîner les "rides" furieux à la Table d’Ewan, à la Ciau, chez Dutournier ou au Laurent, ne peut-on y voir l’inconscience de la jeunesse et la tentation de l’immortalité ?
😉
Très bon article. Il y a quelques années, Walter Bonatti avait dit que la montagne deviendrait un stade !
Pour info, je rentre de Beaune avec un livre au titre alléchant «Le Terroir & le Vigneron de Jacky Rigaux» je l’ai ouvert à l’instant et surprise en page 29… Je me réjouis de le lire.
Christophe, je vois exactement ce à quoi vous faites allusion… C’est un très bon livre, comme tout ce que fait mon ami Jacky Rigaux ! Une petite précision à propos du grand Walter Bonattti : la revue The Alps vient de lui consacrer une édition spéciale. Vous y trouverez une photo superbe de A., très belle grimpeuse, dans la voie Bonatti au Grand Capucin. Nous avons trinqué à Verbier avec le Selosse rosé !
Aux freeriders de compétition, qui ne sont pas aussi libres qu’ils le souhaitent, je préfère des images vierges de tout sponsor, de tout juge, de toute note.
La dernière vidéo tournée par Candide Thovex est splendide :
http://www.zapiks.fr/candide-kam...
Très belle video, effectivement. Je préfère nettement cela. Merci Eric !
Très jolies photos