Le temps s’est amélioré. Il flotte un parfum de printemps. Je regarde les arbres en fleur et je pense au poète Jaccottet devant un verger d’amandiers : « Je me suis dit qu’il fallait en retenir la leçon, qu’ils auraient tôt fait de se taire comme chaque année ».
Encore tout à cet éblouissement, je gravis la petite route escarpée qui mène à Ausone. Là, parmi la liesse du paysage, je tombe sur cet étrange spectacle, deux Chinois aux prises avec un drone. Encore marqué par les récents événements, je pressens qu’il va devenir incontrôlable et s’écraser sur la terrasse du château. Ausone a le tranchant magnifique et étincelant du grand vin et La Chapelle est du même acabit. C’est une journée qui commence bien !
À Vieux-Château Certan, Alexandre et Guillaume Thienpont ont le sourire modeste. Ils savent qu’ils sont revenus de loin. Le terrible suzukii a frappé une de leurs parcelles de jeunes merlots : « Ce n’est pas un millésime de soleil, mais un millésime de complexité. Le support dépasse le cépage. Les assemblages se sont faits avec des éléments très très différents. C’est un puzzle qui s’engrène » précise Guillaume.
Au passage, nous évoquons la figure de Jean-François Chaine, œnologue-conseil, mort en août dernier dans une totale indifférence médiatique. J’ai le regret de n’avoir jamais réalisé l’entretien que j’aurais voulu faire. Lui qui avait le sens de la formule. Goûtant tel blockbuster-à-la-mode, il finissait par lâcher un :« Oui, c’est bon, mais on ne sort pas grandi de l’avoir aimé… »
J’enchaîne avec L’Eglise-Clinet, autre très belle réussite. Je tiens déjà une esquisse du millésime et, sans céder à une quelconque euphorie printanière, je suis étonné par le niveau qualitatif des échantillons dégustés. Lunch léger à la Terrasse rouge de La Dominique. C’est vrai que c’est des goûts et des couleurs et que, Jean Nouvel ou pas, ça fait plaisir de se poser là-haut et de se dire que la vue sur la houle verte des vignes et la vue sur les voisins est saisissante.
L’après-midi se poursuit sur un rythme andantino des argiles aux graves pour finir par la côte sud et Tertre Rotebœuf. Il vaut mieux prendre rendez-vous ici en fin d’après-midi. Pour avoir tout son temps devant soi. Ça va finir par devenir lassant : tant Roc de Cambes que Tertre Rotebœuf 2014 sont de merveilleux vins pleins d’allant, gracieux et sensuels.
« Il y a, explique François Mitjaville, un attendrissement avec le temps qui passe à l’automne que tu n’as pas dans des millésimes plus chauds, plus solaires, une forme d’élégance qui s’accompagne d’un fruit frais qui, je le précise, n’est pas du fruit primeur. Moi, ça me réfléchir de plus en plus sur les maturations automnales. C’est peut-être l’année la plus tardive que je connaisse… Il y en a peut-être d’autres ? Oui, peut-être, mais comme dit Serge Reggiani : il pleut dans ma mémoire.. ».
4 Comments
… tss !!! Mitajavile et non Mitjaville ! Toujours respecter l’orthographe des philosophes 🙂
Bravo pour ce commentaire : du Grand Jacques !
Est-ce une finesse que je ne saisis pas? En tout cas il me semble que le philosophe des lieux s’appelle bien François Mitjaville.
sacrebleu, il a raison! 😀
Mea culpa
La finessse et la fraîcheur …
Ce qui manque précisément peut-être un peu dans Tertre-Roteboeuf 1990 et 2000 …