C’est un des joyaux du Médoc. Une sorte de belle au bois dormant dont le réveil a été entrepris en douceur en 1998 par la propriétaire d’alors, Madame Gasqueton qui, au décès de son mari, a décidé de restructurer le vignoble.
On connaît la déclaration du marquis de Ségur qui a accolé son nom à celui de Calon au XVIIIIème siècle: » Je fais du vin à Lafite et à Latour, mais mon cœur est à Calon » Le cœur qui figure aujourd’hui sur l’étiquette du domaine est l’emblème de cet amour. A cette époque, de nombreux textes consacrent tous la fameuse étampe « Premier Cru de Saint-Estèphe ».
En 2006, le régisseur de Calon-Ségur prend sa retraite. Madame Gasqueton fait preuve d’intuition : elle confie la direction de Calon-Ségur à Vincent Millet, jusque là directeur Recherche et développement au château Margaux. Bien lui a pris, car sous l’impulsion de Vincent Millet, Calon-Ségur va accomplir une mue qualitative importante que l’on perçoit, à la dégustation, dès le premier millésime où intervient le nouveau responsable.
En septembre 2011, la veille des vendanges, Madame Gasqueton décède. Les nièces de Madame Capbern Gasqueton décidant de vendre leurs part, Hélène de Baritault, la fille de madame de Gasqueton, la mort dans l’âme doit se résoudre à mettre en vente la propriété. C’est le Crédit mutuel Arkéa (groupe Suravenir), associé au négociant Jean-François Moueix qui acquiert Calon Ségur. Non pas parce qu’il fait l’offre la plus élevée, mais parce qu’il offre les meilleures garanties pour optimiser et pérenniser cette propriété d’exception. C’est une des rares propriétés du Médoc qui présente une telle identité de cru avec un vignoble d’un seul tenant, en partie entouré de murs, à la façon d’un cru bourguignon.
Aujourd’hui, le vignoble comprend 55.29 ha de vignes dont 50 ha de plantés et 45.56 en production. Il est constitué de deux îlots principaux. Un premier îlot d’une densité de 7271 pieds/ha et un deuxième îlot de 10 000 pieds/ha. Le terroir de Calon-Ségur comprend deux grandes formations géologiques :
• Des graves sableuses sur une légère couche d’argile, propice aux grands cabernets.
• Des sols plus hydromorphes avec une proportion d’argile plus importante, favorables au merlot.
Une étude cartographique précise a été mise en place. Elle a permis de délimiter 40 parcelles différentes, elles-mêmes divisées en 50 unités clonales et massales. En effet, comprendre comment le sol fonctionne et quels types de porte-greffes et de cépages il faut replanter est, selon Vincent Millet, une donnée essentielle dans le travail qui a été entrepris et dont l’horizon se situe vers 2026 (voir video !). Actuellement, 48 % de la surface viticole a déjà été replantée et l’objectif est de replanter 2 ha par an.
Un travail pour les générations futures, mais qui, sous la houlette du nouveau tandem en place, Laurent Dufau pour la partie commerciale et Vincent Millet pour la partie technique, a déjà commencé à porter ses fruits.
J’ai eu le plaisir de participer deux fois à cette verticale de Calon-Ségur. Une première fois à Paris, lors d’u déjeuner de presse au Carré des Feuillants, avec la présence de Jean-Pierre Denis, président d’Arkea et du Crédit Mutuel de Bretagne, de Laurent Dufau et de Vincent Millet. Une deuxième fois, à Gland, dans le cadre de l’Ecole du Vin du CAVE.
Voici une synthèse de notes de dégustation :
Marquis de Calon 2009
80 % m – 20 % cf
Nez fin, nuances finement mentholées, fruits rouges, Bouche souple, équilibrée, notes de fruits mûrs. Léger pruneau, mais agréable fracheur finale.
Marquis de Calon 2010
Notes boisées, plus prononcées sur ce millésime. Elancé, avec du style, il offre une jolie trame. On a une vraie finesse sur ce vin. Très réussi. Et un très bon rapport prix/plaisir !
Marquis de Calon 2011
Nez fin, orienté sur la fraîcheur, malgré un côté boisé-lactique qui le sature un peu. Entrée en bouche souple, charnue, moins continu que le 2010, le milieu de bouche est plus flou. Jolis tanins, ciselés.
Calon Ségur 1995
Notes de cuir, d’iris, poivron, un peu linéaire au nez. Jolie trame, avec un tanin légèrement rugueux. Finale poivrée. C’est frais, un peu mince. 38 hl/ha
Calon Ségur 1998
Robe sombre. Belle densité aromatique. Notes d’épices. Fourrure. Cuir. Davantage de profondeur que sur le précédent. Texture plus ample, plus de charnu. Notes de cassis, fruits noirs, le tanin est plus affiné ici. 38 hlha
Calon Ségur 2000
Nez balsamique, poivre, complexité moyenne. Bouche souple, du volume mais peu de trame et finit sur un tanin austère, un peu rigide. L’ensemble paraît un peu dissocié. 52 hl/ha
Calon Ségur 2001
Nez balsamique, légèrement truffé, iris. Très classique. Frais et tonique, profondément savoureux, il offre fraîcheur et style. Les tanins sont bien extraits. Une réussite. 45 hl/ha
Calon Ségur 2003
Nez crémeux, profil généreux. Bouche ample. Belle texture, velouté Tanin bien intégré, charnu. 35 hl/ha
Calon Ségur 2005
Très belle robe profonde. Nez racé. Notes florales. Truffe. Nez complexe. Beaucoup de jeunesse sur ce vin plein de fougue. Dense. Avec un énorme potentiel. Tanin très bien extrait
Calon Ségur 2006
64 % cabernets- 33 % merlot – 3 % pv
Robe grenat. Le nez est sur les épices. Très jolie bouche, qui va vers la finesse, trame précise, tanin très fin. Une réussite pour le millésime. C’est la première année de Vincent Millet et ça se sent. Tout est plus fin, plus précis, plus ajusté. Avec du relief. 46 hl/ha
Calon Ségur from Jacques Perrin on Vimeo.
Calon Ségur 2007
76 % cabernets – 24 % merlot
Boisé un peu prononcé. Qui le masque un peu. Le corps est bien articulé, fin. Equilibré, sur des notes de fruits rouges. Souple et sapide. A boire. 45 hl/ha
Calon Ségur 2008
82 % cabernets – 18 % merlot
Attention très grande réussite ! Il faut faire abstraction du millésime. Voilà sans doute un des plus beaux 2008. A rechercher en priorité ! Et dire que ce vin est parti à 20 euros de la propriété ! Notes de mûres, épices orientales, ensemble très fondu, profond, harmonieux. Entrée en bouche, charnue, une des plus belle texture jusqu’ici, caressante mais sans relâchement, trame bien ajustée. Un vin de grand classicisme aux notes de fruits noirs et de réglisse. Avec beaucoup d’énergie. 42 hl/ha
Calon Ségur 2009
90 % cabernets – 7 % Merlot – 3 % pv
La plus haute proportion de cabernet de l’histoire. Nez fin, complexe, cerise, fruits noirs, cendre. Marqué par un boisé un peu liégeux, très belle bouche, élancée pour le millésime, fine, la bouche est plus voluptueuse, plus grasse, d’un style plus accessible mais il n’est pas forcément supérieur au 2008 d’autant que la nature a été généreuse dans ce millésime.
54 hla/ha
Calon Ségur 2010
86 % cabernets – 12 % merlot – 2 % pv
Robe soutenue. Nez de fruits noirs, vanille, moins « mûr » que le 2009.. C’est impeccable. Complexe, élégant. Grande attaque, superbe bouche, dense, serrée. C’est un vin aristocratique, dense, précis, qui, comme le 2008, marque une grande étape dans l’histoire de la propriété. Longue finale séveuse. Bien supérieur à mon avis au 2009.
32 hl/ha
Calon Ségur 2011
78 % cabernets – 20 % merlots – 2 % pv
Robe profonde. Nez offrant une belle complexité. Notes de prunes rôties, de cerise. La bouche est moins unie, moins racée que le précédent. Léger creux en milieu de bouche, la proportion plus importante de merlots se sent ici et lui donne un côté chatoyant mais avec moins de fond. 44 hl/ha.
A la fin de la dégustation, l’un des participants nous a offert une belle surprise (et un clin d’œil à l’histoire). Trois vins à l’aveugle.
Cos d’Estournel 1970, truffé, balsamique, malheureusement un peu entaché par le bouchon
Montrose 1970, belle finesse dans l’expression aromatique et bouche étonnamment suave, presque médulleuse.
Calon Ségur 1970, la robe la plus évoluée des trois mais corps ferme, tanique, et finale d’une remarquable persistance.
Merci à Vincent Millet pour sa participation à la verticale qui a eu lieu en Suisse !
Et pour le plaisir, le sublimissime Pâté de perdreau et truffes de Alain Dutournier qui accompagnait un sublime Calon Ségur 1982 au Carré des Feuillants !
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