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De Prelude to a kiss à Whole lotta love : une grande cuisine comme on l’aime !

Posté le 13 octobre 2008
 
On débute avec une petite Bouillabaisse, avec sa rouille, juste pour affûter en douceur les appétits : le la est donné. On embarque !
 
Le chef d’orchestre s’appelle Jacques Bovier. Ce garçon a de solides références (notamment le Pont de Brent), et il n’a pas besoin de les mettre en scène à travers des complications horlogères. Il a posé ses valises ici, il y a quatre ans, marre des trains sans doute, des voyageurs et des sujets qui fâchent.
Depuis, il a retrouvé le sourire dans ce qu’il intitule joliment son « jardin-restaurant ».
 
La première entrée, percutante, sans mièvrerie, ressemble à  Prelude to a kiss (façon Duke Ellington) :  Bar grillé, noix de Saint-Jacques nacrée, poivron confit et olives taggiasca : là dessus, un trait ou deux d’huile de persil, un soupçon de piment d'Espelette et la messe est (presque) dite !
 
Que dire alors du plat suivant, le Pressé de légumes de saison, foie gras, noisettes de lièvre et chutney de figues ? sinon qu’on se mettrait volontiers en embuscade pour en voir passer d’autres comme ça, des petits jokers de ce style, véloces et tendres, le jarret prompt à la détente, les chairs gorgées de serpolet !

J’arrête là la description ?
Mais non, mais non : pourquoi vous priverais-je  du grand moment qui suivit ?

 
 
Quasiment la larme à l’œil, le palais en éruption, la langue en folie, rien que d’y penser : un Désossé de chamois de Nendaz servi avec un atriau puissant, "bien goûtu et avec du retour" comme disent les quidam initiés. Un magnifique gibier qui devait vivre sans doute à l’écart de place publique, « serein, contemplatif, ténébreux, bucolique… » : il vous est servi maintenant flanqué de son escorte, un rien frivole, du choux, des raisins, de la mirabelle, une polenta et, surtout, ce jus créatif, subtil (eh oui !) aux antipodes des clichés grand veneur : jus de betterave, sureau et fumet discret de gibier. On dirait du Gagnaire ! Jubilatoire !
Bravo maestro !

On en oublierait presque les vins. Et pourtant on était aussi venus là pour ça, pour cueillir ces étoiles du Valais.
Fendant 2007, Amandoleyre, Vétroz Grand Cru, Romain Papilloud
Petite Arvine 2007, Cave les Rempart, Yvon Cheseaux
Humagne blanche 2006 de la cave des Muses (très bel accord avec la première entrée, au contraire de l’Arvine, trop envahissante…)
Pinot Gris élevé en fût de chêne, Antoine et Christophe Beytrisey
Cornalin Champmarais 2005, Jean-René Germanier et Gilles Besse
Sassicaia 1999 (en magnum).

  
 
Merci à Charlie, un des sympathiques patrons du Fletschhorn à Saas Fee pour ce Sassicaia !
 
Un mot sur ce dernier vin : dégusté à l’aveugle j’ai pensé d’abord à Bordeaux, une sorte d’hypothetical blend entre un Pauillac et un Pomerol  avec quelque chose de sudiste : un poivron noble, des notes mentholées, des épices, très cabernet. Une entrée en bouche caressante, beaucoup de texture, de suavité, avec une certaine opulence (le côté merlot et pomerol) et une finale un peu stricte, voire constricte, sans grand développement. Un vin bicéphale, d’attaque mais dont la tannicité n’offre pas le raffinement des grands bordeaux. Avec une telle analyse, j’aurais dû trouver mais c’est allé trop vite. Etrange, quand on goûte à l’aveugle, comme on vous somme de vous prononcer dans les secondes qui suivent, comme la prise de parole est immédiate, cette impatience !
 
 
Enfin,  pour accompagner le dessert, une nostalgique pomme au four, petit caramel de beurre salé,  avec un ébouriffant sorbet à la pêche de vigne (de chez Laurent Hug)
Grain Noble 2006, Malvoisie, Marie-Thérèse Chappaz

L’adresse La Sitterie Jardin Restaurant route du Rawyl 41 à Sion t. 027 203 22 12

Prix menus de 38 à 68 frs. Prix à la carte de 25 à 45.

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Auteur
Jacques Perrin De mon passé de philosophe, j’ai hérité cette intuition que sapientia et saveur partagent la même origine. Des livres et des rencontres qui m’ont aidé à devenir ce que je suis, je garde tout : le sillage patient de la durée, l’inattendu et le meilleur. « Un rêve sans étoiles est un rêve oublié » Nos étoiles sont filantes et nos mémoires sont labiles. Du monde du vin et de la gastronomie, j’aimerais raconter les instants, les nuances subtiles et le bonheur dansant qui s’empare de nous quand nous rencontrons une forme de perfection. Il n’est pas nécessaire de publier un journal extime pour exister. Ce blog n’est pas un blog spécialisé pour wine geeks. Il est d’abord un lieu d’échanges, une série de passerelles, un réseau ouvert. Bienvenue sur les Mille Plateaux !

2 Comments


Mauss
14 octobre 2008 at 6 h 56 min
Répondre

Il n’est que temps, Grand Jacques, que tu publies un cahier spécial de Vinifera contenant toutes tes adresses gastro-helvètes !

Entre la Bourgogne et Villa d’Este, un chemin campagnard à conseiller ? Des adresses sur la route ? Un Simon Maye qui accepte le frusien ?

Help !!


Alfredo
14 octobre 2008 at 9 h 06 min
Répondre

Plaisir d’apprendre qu’après l’incendie de sa cuisine le phœnix a su renaitre de ses cendres. Si en plus tout un chacun pouvait apporter ses propres bouteilles quitte à s’acquitter de droit de bouchon, le plaisir n’en serait que plus grand.

M. Mauss, n’est-il pas plus plaisant de découvrir les adresses à J. Perrin au rythme des saisons et de ses articles ?


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