Issu d’une famille établie dans le négoce de bières et d’eaux minérales, Roman Niewodniczanski a, dit-il, un côté « mouton noir » : sa passion pour les grands vins qui l’a conduit à acquérir il y a une dizaine d’années le domaine Van Volxem dont il a su faire un des fleurons de la viticulture allemande. En revendant notamment les parcelles qui l’intéressaient le moins pour acquérir une myriade de petites parcelles (près de 500) au potentiel extraordinaire.
Ci-dessous, je reprends une partie du portrait de ce jeune homme doué, déjà publié ici à l’occasion d’une visite au domaine.
Ses vins sont plus faciles à déguster que son nom à prononcer. Grand, les traits anguleux, énergique avec une douceur, une forme de réserve, dans le regard, Roman Niewodniczanski a commencé sa carrière du côté des dégustateurs, des Wine geeks. Il a commencé par accumuler les vins-collector, se fiant au jugement des gourous prescripteurs. Il s’est retrouvé avec un conclave de belles bouteilles dans sa cave, une collection de quelques centaines de milliers de points Parker. Son goût s’est forgé à partir de là, souvent en contradiction avec les oukases des archiprêtres du savoir-boire. Trop de vins riches, écrasants, ennuyeux, mimétiques.
Alors, pour passer de l’autre côté, il a acquis cette propriété, il y a une dizaine d’années, à une époque où personne n’en voulait. Il a tout remis en état, bâtiment, cuvier, replanté des vignes (uniquement des franches de pied à partir de sélections massales et à très haute densité, jusqu’à 11500 pieds). Avec 2 ha sur le Scharzhofberger, des parcelles sur le Braunefels, l’Altenberg, le Kupp, le Goldberg et l’impressionnant Gottesfuss, sans oublier, à proximité du Scharzhofberger le cru Volz qui donne des vins sidérants d'énergie et de clarté.
Roman Niewodniczanski est un homme comblé. Il faut le voir parcourir ses rangs de vignes d’où, malgré la hauteur de la surface foliaire, émerge son visage d’Indien sur la trace des secrets enfouis. Il sait où il va, ce qu’il cherche. « On trouve ici des styles très antithétiques : il y a ceux qui aiment la verdeur dans le riesling et ceux qui, comme moi, aiment la maturité, les texture crémeuse et l’acidité intégrée. Et puis, il y a ceux qui aiment les vins doux et ceux qui privilégient les vins secs. J’ai choisi mon camp : ce que j’aime c’est la maturité et les vins secs. Voilà pourquoi 98 % de mes vins sont secs. »
Des convives qui ont adoré la tonicité et la clarté de ces grands vins.
Le menu et les vins
Guacamole d’avocat, thon blanc mariné et émulsion d’orange sanguine
Riesling 2009 Schiefer
Riesling 2009 Schiefer
Une première approche du millésime 2009 qui promet beaucoup. Produit à partir des jeunes vignes, ce vin illustre déjà, dans sa catégorie, l’impressionnant potentiel des 2009 !
Dos de saumon finest de Norvège cuit à basse température, pané aux herbes fraîches, tartare classique en
strates de king crabe
Riesling Scharzhofberger 2008 et 2006
Riesling Scharzhofberger 2008 et 2006
2008 et 2006 : deux années plutôt difficiles dans la Mosel-Saar-Ruwer mais réussies avec brio au domaine Van Volxem. Le 2008 résonne d’harmoniques subtiles avec le saumon, un plat juste, astucieux, équilibré. Très jolie présentation.
Brochette de crevettes, curry rouge et sushis de légumes
Riesling Wiltinger Braunfels 2007 et Riesling Volz 2007
Riesling Wiltinger Braunfels 2007 et Riesling Volz 2007
On progresse crescendo dans les saveurs : ce plat est un beau voyage et les deux vins forment avec lui un accord parfait. Du Wiltinger Braunfels, fin, élancé et tonique au Volz, on a l’étage qui sépare un premier cru d’un Volz, un vin stratosphérique, cristallin, à l’extrait sec impressionnant.
La pomme de ris de veau, asperges vertes et morilles, œuf de poule sur le plat en croûte de pain, jus au riesling
Riesling Scharzhofberger «P.» 2008
Riesling Scharzhofberger «P.» 2008
Une autre accord parfait avec ce classique, merveilleusement revisité par Bernard Livron. "P" est indiqué ainsi pour Pergentsknopp, isolation parcellaire à l’intérieur du fameux Scharzhofberger. 2008, comme précisé ci-dessus, a été une année plutôt difficile, en raison des pluies de septembre. Ensuite le beau temps s’est installé et a sauvé le millésime. Ce 2008, tendu et aérien, est issu d’une récolte tardive puisque la vendange a eu lieu le 20 novembre.
Les fromages : Nüfenen, Belloc et St-Nectaire
Riesling Altenberg Alte Reben 2007
Riesling Altenberg Alte Reben 2007
Très pentu, ce coteau de schistes est un terroir très pauvre, très solaire, avec des rendement très pauvre. Issu de vignes âgées en moyenne d’une soixantaine d’années, l’Altenberg est le faire-valoir idéal de ces trois fromages bien typé, une pâte dure de l’alpage du Nüfenen, entre le Valais et le Tessin, le fromage monastique de l’abbaye de Belloc et un superbe St-Nectaire affiné par Hervé Mons.
La fraise Mara des Bois de Lully : déclinée en crème glacée à la pistache, en cube moelleux au thym frais et citron,
en sablé feuilleté
Riesling Scharzhofberger Auslese 2005
Riesling Scharzhofberger Auslese 2005
On finit en beauté avec cette déclinaison de Mara des Bois et un Auslese 2005 que Roman n’avait pas dégusté depuis un certain temps (plus une bouteille disponible à la propriété…). Van Volxem produit peu de vins mœlleux car on privilégie ici le style sec mais, dans ce merveilleux millésime que fut 2005 – année très riche avec un botrytis superbe – il ne fallait pas rater l’occasion. Ce n’est pas un hasard d’ailleurs si Egon Müller, voisin et ami de Roman, a produit dans ce millésime des cuvées qui figurent parmi ses plus grandes réussites.
Oui, de très beaux accords verticaux qui illustrent l'exceptionnel potentiel gastronomique des grands Rieslings !
L’adresse Café de Certoux, route de Certoux 133 à Perly-Certoux t. 022 771 10 32
13 Comments
Joli …
A défaut de NBA, il peut se rabattre sur le TBA, non ?
🙂
Maki de légumes, non ?
Et ces pluches de persil, là …
🙂
Bonsoir, lorsque le ciel et la terre se confondent, sur quel plan nous trouvons nous ?
Dans un plan d’immanence, cher Newton ? Un espace de capture…
En tout cas dans un plan qui déborde mes moyens.
A titre personnel et tout à fait égoïste, je me suis grandement délecté de la rencontre Bernard Livron/Roman Niewodniczanski…
Il fallait entendre Roman parler avec Bernard de la maturation des viandes, et le voir faire l’analogie avec l’élevage de ses vins pour comprendre – entre autres – que la soirée n’allait pas être banale !
Nous faisons quand même des métiers de privilégiés. Chanceux nous sommes.
Nicolas :
A propos de riesling : va falloir que tu revois sérieusement ta copie, niveau Alsace.
Ton pote Rief quekchose, fait du bois ! Shame et malédiction !
On a dû renvoyer la bouteille !
Même Bonobo n’aurait pas osé : c’est dire que ton conseil a été pris comme une déclaration de guerre : la dépêche d’Ems : gnognotte à côté ! Sacripant !
D’une certaine façon, on a la vie qu’on mérite.
Ça, Alfredo, c’est du Spinoza revu par Deleuze : ne venez pas vous plaindre, jamais ! Vous avez la vie que vous méritez !
Il élève ses pinots gris sous bois (non neuf), tout comme André Ostertag, un de ses "modèles".
Mais ses rieslings ne voient pas le bois à ma connaissance.
C’est un bon vigneron, et par ailleurs, ses pinots noirs en remontreraient à beaucoup d’autres !
Qui disait lors des 25 ans du CAVE que si l’on ne fait pas preuve d’humilité et pondération lorsqu’on juge un vin – et donc le travail d’un vigneron – en 5 minutes on est un nul, un sous nul ?! Humm ?
😉
NBM.
Pas vraiment convaincu par les pinots gris élevés d’Ostertag.
Idem pour le chenin avec encore hier soir 2 vins bien décevants :
* Saumur Villeneuve Cormiers 2002
* Anjou Richard Leroy Noëls de Montbenault 2002
Il y a aussi sur le Scharzhofberg un grand vigneron qui lui ne fait que des vins sucrés !
Bien d’accord avec toi Laurent, je pense aux rieslings de Diel/Löwenstein qui ne m’ont jamais enchanté…
Je préfère la Nahe avec l’ami Dönnhoff qui fait des vins sucrés de style moselan mais sait faire la synthèse entre l’élégance de la Moselle et la puissance du Rheingau pour les vns secs: le Felsenberg 2008 bu ce soir à 13/14°C, nous offrait la minéralité de son sol volcanique et la longueur/l’épaisseur d’une maturité qu’Helmut sait de plus en plus attendre.
David.
Ahhh les beaux rieslings…je baigne dans le GC Schlossberg (Kaysersberg) depuis deux jours pour préparer ma prochaine belle dégust, à même la vigne… secretsepicure.blogspot.c…
Deux jours de pureté et de droiture, d’élégance folle et de caractère sec et bien tranché…
Je me suis délecté (et bientôt mes commensaux) de ce magnifique cépage sur cet terroir majeur, avec entre autres, un modèle chez Albert Mann, une série très interressante et en descente des millésimes chez Blanck, et une myriade de facettes (de visages, de beautés) chez les Faller…
Effectivement….chanceux nous sommes, ne reste plus qu’à partager tout ça.
dans le riesling, la vérité
David,
je pensais comme toi avant, sur les équilibres de MSR. Puis j’ai goûté les grandes cuvées de Roman, et certaines de Clemens Busch, dans les millésimes récents (nuance importante, car c’est de plus en plus abouti). Et dorénavant je ne jure plus de rien.
Si tu as la chance d’avoir un jour dans ton verre un Volz ou un Altenberg A. R. 2007, tu comprendras. J’ai laissé ces vins 30 minutes en verre, lors de la dégust-repas de cette semaine. Même avec l’aide de la T° montante et de l’aération, je n’ai pas vu de déséquilibre ni brûlure apparaitre.
Ces vins sont issus de raisins cultivés sans herbicides, à des rendements avoisinant maxi les 30 hl/ha (important), souvent produits via des vignes très vieilles ou franches de pied, ils sont vinifiés via levures indigènes, élevés plus longtemps que la moyenne locale en foudres ayant perdu le goût du bois, et finissent leurs sucres, quasiment. C’est le style historique, ayant court avant les deux guerres et création des kabinett/spät- et auslese.
Leur puissance n’est pas commune et "jure" sans doute par rapport à des bts sortant de chez Schaeffer, Dönnhof, Haag ou Prüm ; mais si on les analyse et boit pour eux, après les avoir bien carafés jeunes (ils ne demandent qu’à vieillir), sur une belle cuisine, je te parie que l’on finit les bouteilles. Et que la digestion d’acides mûrs et bien plus facile que celle de PH davantage tranchants.
Lors de notre prochaine rencontre, nous en boirons ensemble, je l’exige !
😉