Au Moyen Age, les vins de l’arrondissement de Tournon sont plus connus sous le nom de « vins de Mauves » ou « de l’Ermitage ». Le nom « Saint-Joseph » fait son apparition au XVIIe siècle ; il s’agit d’une parcelle de vignes de 10 hectares appartenant aux pères Jésuites de Tournon. Aujourd’hui, l’appellation est réservée à l’élaboration de rouges et blancs secs tranquilles. Les rouges sont élaborés à partir de syrah à hauteur de 90% minimum, à laquelle il peut être adjoint 10% maximum de marsanne et/ou roussanne. Les blancs peuvent assembler ces mêmes cépages ou être mono-cépages, sachant que la marsanne affiche une plus longue antériorité locale que la roussane.
Le vignoble est établi sur la bordure orientale du massif central. Les roches qui composent ses terrains sont datées de l’ère primaire. Cet ensemble est constitué de terrains cristallins et cristallophylliens d’origine éruptive (granit) et métamorphique (gneiss, anatexie), avec aussi quelques traces de couverture sédimentaire (loess, alluvions).
Lieu-dit Bachasson, vignoble du domaine Chave
Le Saint-Joseph est découpé en un certain nombre de quartiers et lieux-dits d’origine cadastrale. Parmi les plus connus, on peut citer « Saint-Joseph », le quartier historique de l’appellation, celui qui lui a donné son nom en 1956 ; et les « Vignes de l’Hospices » situé sous le belvédère de la chapelle au lieu-dit « Chapon », ancienne propriété du domaine Jean-Louis Grippat et revendiqué aujourd’hui par Guigal. Bien d’autres existent également, tels « Sainte-Epine », « Dardouille », « Bachasson », « Les Oliviers », etc.
Lieu-dit Chalais, vignoble du domaine Chave
Voici le détail des vins goûtés, dans l’ordre de la dégustation :
Saint-Joseph blanc « Silice » 2011 Pierre et Jérôme Coursodon
Assemblage de différents lieux-dits. 100% marsanne. Vinification et élevage en cuve inox. Nez un peu variétal, simple et rentré, assez marqué à ce stade par la mise en bouteilles. Bouche plus causante sur l’attaque, tendre, mais dont la saveur apparait comme bloquée. Il a besoin de temps pour s’harmoniser.
Saint-Joseph blanc « Les Oliviers » 2011 Pierre Gonon
Sélection parcellaire, sur Tournon-sur-Rhône. Agriculture biologique certifiée. 80% marsanne et 20% roussanne. Elevage en fûts non neufs de 8 mois environ. Le vin s’exprime sur le tilleul et le chocolat blanc, légèrement praliné, puis évolue sur la poire et la frangipane. Bouche grasse, riche, grande générosité de saveurs et texture, il ne manque pas de concentration. Il faudra seulement voir comment il peut s’équilibrer et se « tendre » dans le temps.
Saint-Joseph blanc « Les Granits » 2009 M. Chapoutier
Assemblage de plusieurs lieux-dits (principalement « Saint-Joseph »). Agriculture biodynamique certifiée. 100% marsanne. Fermentation en cuves et demi-muids, élevage pendant 8 à 10 mois. Nez riche, explosif (citron confit et meringue), plus « élevé » que le précédent et surtout très solaire. On devine une véritable personnalité. Bouche ultra riche, miellée, avec une sensation de passerillage du raisin. Vin à la viscosité importante mais à la structure sous-jacente. Il sera intéressant de regoûter une bouteille dans 10 ans car il a de faux airs d’Hermitage blanc jeune.
Saint-Joseph « L'Olivaie » 2010 Pierre et Jérôme Coursodon
Lieu-dit « L’Olivet », sur Saint-Jean-de-Muzols. Vinifié traditionnellement, élevage en fûts pendant 18 mois. Boisé « ristretto » un peu marqué, fumé, le fruit est là également mais on peut regretter qu’il n’y ait pas plus de dégagement aromatique et de pureté immédiate. Bouche plutôt bien équilibrée, avec une acidité typique de l’année, mais le bois écrase encore le tanin et sa saveur. Ceci-dit il pourrait gagner à vieillir, car le fond est joli.
Saint-Joseph « Terre Blanche » 2010 Domaine Monier Perreol
Commune de Saint-Désirat au centre de l’AOC. Agriculture biologique. Vinification en vendange entière et élevage en fûts non neufs. Nez gourmand sur la confiture de mûre, notes florales (rose), fruit « libre » mais précis. Excellente bouche tendre et gourmande, avec un tanin relâché et une belle allonge saline. C’est très bon.
Sol de gore
Saint-Joseph « Vieilles Vignes » 2010 Bernard Faurie
Lieu-dit « Dardouille », sur Tournon-sur-Rhône. Agriculture biologique non revendiquée. Vinification en grappes entières, puis élevage en grands contenants. Végétal marqué, très herbacé, du fruit noir et de la réglisse derrière. La bouche continue le nez, avec un végétal également très (trop ?) dominant, même pour un vin vinifié en raisins entiers. Allonge sévère, corsée. A revoir plus tard, pour se faire une idée plus claire de son potentiel.
Saint-Joseph 2010 Pierre Gonon
Assemblage de plusieurs lieux-dits. Agriculture biologique certifiée. Vinification avec égrappage partiel, élevage en demi-muids non neufs. Assez lent à s’ouvrir, il dispense des notes de poivres et d’épices complexes, c’est pur. Bouche tendue, poivrée également, avec l’empreinte de la rafle quand le vin est jeune, c’est réservé, appuyé, mais long. Beau vin, promis à une longue garde, et qui pourrait prendre beaucoup d’ampleur au vieillissement.
Saint-Joseph « Le Berceau » 2010 Bernard Gripa
Sélection parcellaire du lieu-dit « Saint-Joseph », sur Tournon-sur-Rhône. Fermentation pour moitié en raisins entiers, élevage d’un an en fûts. Un peu lactique et « élevé », lardé, fumé. Bouche souple, avec du toasté dans la saveur, mais qui délivre une texture généreuse. C’est bon, facile d’accès, mais le vin ne paraît pas hyper profond.
Saint-Joseph « Cuvée du Papy » 2009 Domaine du Monteillet
Commune de Chavanay au nord de l’appellation. Eraflage, macération à froid puis cuvaison de trois semaines environ. Élevage de deux ans en demi-muids (50% neufs). Boisé torréfié un peu en avant au premier nez, puis il s’ouvre sur un nez de syrah intense (poivre, mûre, orange sanguine). Gourmand, au nez comme en bouche, les tanins sont suavisés par un élevage assez maitrisé, il s’allonge sans aspérités. Très beau vin « moderne » de styliste.
Saint-Joseph « Sainte-Epine » 2009 Delas Frères
Sélection parcellaire, commune de Saint-Jean-de-Muzols. Vinification traditionnelle, élevage de 14 à 16 mois en fûts neufs. Nez fumé, élevage assez marqué sur un côté « marron glacé » ; le fruit est en retrait pour le moment, peu disert. Bouche honnêtement construite, plutôt tannique, avec une côté un peu rude et rustique en finale. Assez bon vin, un peu en dessous des autres en l’état. Sans doute, que le vieillissement l’aidera à mieux mettre en avant ses qualités ?
Saint-Joseph 2009 Domaine Jean-Louis Chave
Issu de différents lieux-dits (Bachasson, Chalaix, Clos de l’Arbalestrier, les Oliviers, Dardouille, etc.). Egrappage, vinification et élevage en fûts de 18 à 24 mois, l'assemblage des terroirs se fait en fin d'élevage. Pas de variétal de syrah primaire, mais plutôt des notes de tabac à pipe et d’épices qui rappellent le souk. Vin très complet, solaire, riche, aux tanins doux mais frais pour l’année. La finale et l’équilibre laissent augurer d’un futur prometteur.
Saint-Joseph 2007 Domaine Jean-Louis Chave
Nez mûr et exotique, assez extravagant, oriental, rehaussé d’un boisé fumé qui n’écrase pas le vin et lui permet de développer sa complexité aromatique. Bouche franche et fraîche, profonde, bâtie sur des tanins qui commencent à se patiner et offrent un plaisir intense. Du ressort et surtout on devine la force du (des) terroirs en finale. Un très beau vin, qui rend hommage au travail titanesque entrepris parc ce domaine au sein du cru.
Saint-Joseph « Le Bois des Blaches » 2006 Robert Michel
Vignes situées à Sarras (centre de l’appellation) au lieu-dit éponyme. Vinification en vendange entière et élevage en barriques usagées. Premier nez cassissé, floral et lactique, évoluant sur les fruits exotiques et le berlingot. La bouche prolonge cette aromatique avec un côté « bonbon » gentillet. Vin souple, très buvable, mais pas aussi émouvant que peuvent l’être les cornas de ce grand vigneron.
Saint-Joseph 2004 Pierre Gonon
Nez relativement végétal avec une nuance de gentiane (impact du millésime), assez évolué. On ressent aussi les limites de l’année en bouche avec un côté étiolé, il est temps de le boire, pour un plaisir simple. Mais il me semble que les derniers millésimes soient plus aboutis, même en 2008, par exemple.
Saint-Joseph « Le Berceau » 1986 Bernard Gripa
Un vin « témoignage », produit par l’ancienne génération, à son apex, à ranger aux côté des meilleures vieilles bouteilles que l’appellation a pu produire : nez abricoté, kirsché, mentholé et poivré ; bouche suave, presque sucrée dans la sensation bien qu’elle soit sèche, à la texture anoblie par le temps. Une superbe conclusion.
Compte-rendu écrit en collaboration avec Nicolas Bon, que je remercie vivement pour avoir construit ce cours extrêmement riche et qui a déclenché les passions le soir de la dégustation !
3 Comments
Merci pour ces analyses …
Il y a de quoi déguster, sur cette vaste appellation.
La cuvée Papy du domaine de Monteillet me plaît en général beaucoup.
Ainsi que la cuvée Berceau de Gripa, en blanc et en rouge.
Avez-vous eu l’occasion de goûter le St-Joseph de Raymond Trollat ou celui de la ferme de sept lunes ?
Bien aimé le St-Joseph 2007 de Chave, costaud en effet et aussi le St-Joseph Offerus 2005 (négoce).
Hier soir :
excellent/grnad Hermitage Chave rouge 1995
grand/exceptionnel Hermitage Chave blanc 1995
Merci Laurent.
Ni l’un, ni l’autre !! Ceci dit si tu as de vieux Trollat et Jean-Louis Grippat, je suis volontaire !
Les meilleurs St Jo que j’ai bus à ce jours restent de vieux Bernard Gripa, mais les millésimes récents ne m’embarquent par contre pas des masses…
Plus de vins en cave de J.L. Grippat, en particulier le vin de paille.
Le chasselas de Trollat vieillit bien (et rappelle la Suisse).