Puis de l'histoire du Lavaux. Au douzième siècle, les moines cisterciens arrivent au Dézaley et reprennent la culture de vignes, sans doute pré-existantes. Des restes d'amphores et autres pépins de raisins retrouvés autour du vignoble de Cully l'attestent. Ils seront à l'origine de la délimitation et construction du vignoble du Dézaley. Les premiers, ils remarquèrent que les zones les plus abruptes donnaient les vins les plus intéressants ; et les premiers ils érigèrent les fameuses terrasses. Le vignoble du Lavaux s'est développé ensuite à partir de ce même Dézaley. A l'instar d'autres grands vignobles, on notera enfin que dans les dernières années, la pression urbaine sur Lutry et Cully a quelque peu grignoté la partie la plus occidentale.
De sa culture. Le travail est ici on s'en doute colossal, vu les pentes et les conditions qui en découlent. Il faut également entretenir les mûrs à coup de chaux et assembler les pierres plates, qui composent les terrasses qui ponctuent ce vignoble-labyrinthe, merveilleux entêtement de civilisation. Au fil des siècles, la technique de culture a finalement peu changé. Les frais de culture sont parmi les plus élevés qui soient, et à surface équivalente, une parcelle en Lavaux demande 30 à 35h de travail en plus que pour un vignoble de plaîne. Ceci dit, si la tâche est ardue, l'attachement des vignerons locaux envers leurs terroirs n'en est que plus fort.
Et de sa vinification. La façon de faire la plus usitée en Lavaux, érigée quasiment en dogme – selon Henri ! – est d'effectuer la seconde fermentation, qui suit la fermentation alcoolique, la bien connue malolactique, ou « malo » en jargon. L'apport de tendreté et rondeur est immédiat. Mais des résistants comme Henri Chollet osent ne plus l'effectuer depuis 2003, avec d'excellents résultats !
Et maintenant, plutôt qu'un litanie interminable de notes de dégustation, voici quelques mots sur les villages et crus abordés mardi dernier, ponctués de commentaires sur les vins qui m'ont spécialement marqué.
VILLETTE Avec 200 ha, c'est l'appellation la plus vaste du Lavaux avec St-Saphorin, mais pas la plus homogène en terme de pédologie. Les sols sont pour majorité argilo-calcaires, plutôt des terres lourdes, fortes, qui permettent de produire des chasselas amples, soyeux et gourmands.
Henri Chollet, Dame Claire 1991 : les deux autres millésimes (1995 et 1996) amenés par Henri méritaient également un accessit, mais j'ai eu une petite tendresse pour ce 1991 à la robe à peine jaune paille, et au nez rentré mais subtil, délivrant de belles notes de morille fraiche (pas d'oxydation, je précise). Bouche pleine et apaisée. Un vin de gastronomie, que les chefs présents en lisière de lac se plairaient à accorder.
EPESSES. Superbe bourg vigneron et village très bien préservé, Épesses est entouré de vignes de grande qualité. Sous le village se trouve le Calamin, et côté levant démarre le Dézaley. D'un point de vue terroir, on se rapproche de Villette car il s'agit de la même bande de terrain. Mais le cru est plus homogène.
Vincent et Blaise Duboux, Cuvée Samuel Duboux 2000 : produit par une des familles les plus réputées et impliquées de la région, ce vin de teinte vert d'eau à peine appuyée offre un nez encore retenu contrastant avec une bouche puissante, grasse, plutôt détendue, qui laisse transparaître un millésime mûr et chaud. Avec ravissement, il se prolonge sur la douceur, fondant au palais.
CALAMIN GRAND CRU. C'est un petit vignoble par la taille (42 ha), mais il est grand par la classe de son terroir. Commençant sous le village d'Épesses, il se jette quasiment dans le lac. Son sol épais et lourd est réputé pour permettre la production de quintessences de grands « chasselas de bouche ». Un cru brillant !
Louis Hegg 2002 : voilà un Calamin très « chasselas », frais dans le bouquet avec ses notes de poire et d'aneth, évoquant une lumineuse eau de roche. Vin au toucher de bouche suave mêlé à une acidité et tension dynamique fondue, il est complet : du nerf, de la langueur et du souffle, une énergie se livre.
Pierre Monachon, Les Côtes-Dessus 2003 : bouquet explosif de citron frais nuancé de fumé, cet hénaurme chasselas s'affiche encore très jeune avec sa grande matière quasi sirupeuse. Un Dézaley profond, épaulé. La personnalité du grand terroir et le millésime hors-normes parlent seuls, nul besoin d'agiter le verre !
SAINT-SAPHORIN. Le cru commence là où le vignoble du Dézaley finit. Plongeant vers Vevey, il est un des plus homogènes, avec son exposition plein Sud, les terres étant moins épaisses qu'en Dézaley et Calamin, plus légères. Le vignoble est ici magnifique et ses meilleures bouteilles brillent par leur raffinement.
Pierre Monachon, Les Manchettes 1992 : produit par un vigneron emblématique, c'est un vin aux notes d'hydrocarbures qui rappellent de grands vieux rieslings, chablis et muscadets que nous dégustons, profond, riche, mais de grande vivacité, relevé par sa salinité appuyée. Comme inoxydable et intemporel.
CHARDONNE. Haut en altitude, situé à l'extrême Est du Lavaux, et coupé en deux par l'autoroute du Léman qui plonge vers Vevey, Chardonne est un village important, comptant environ 25 pressoirs. Le terrain est ici particulièrement léger, permettant de produire des chasselas ciselés, au caractère apéritif noble.
Jean-François Neyroud-Fonjallaz, Les Berneyses 2009 : vinifié par un vigneron discret mais particulièrement brillant, c'est un chasselas classique qui fleure la peau de citron et la poire Williams. Il se laisse titiller par un gaz fin qui réveille une bouche juteuse. Excellent cru tendre dans la texture mais nerveux dans l'allonge.
Il me reste à remercier chaleureusement les vignerons qui ont contribué par leurs vins à la réussite de cette dégustation. Mais aussi les membres du CAVE qui avaient fait le déplacement. Et surtout à saluer comme il se doit l'affable Henri Chollet, orateur passionné et passionnant.
Pour davantage d'informations sur le Lavaux, consulter ceci : Et retrouvez quelques uns des vignerons de la dégustation ici
8 Comments
Nicolas,
ton lien "consulter ceci" renvoie à ton article.
L’autre lien doit être erroné, la page est indisponible.
Je me permets d’informer les lecteurs de ce blog que vendredi et samedi prochain, 21 et 22 mai, les caves vaudoises seront ouvertes.
Voir sur le site de l’Office des vins vaudois : http://www.ovv.ch/f/home/
Laurentp
Passionnant et mithyque Henri, j’adore autant ces blancs que ces rouges, d’ailleurs je remarque que la dégustation ne portait que sur le Chasselas ( qui le mérite amplement car ont a tendance a le dénigrer betement ).
pourquoi ne parle t’on pas aussi des rouges du lavaux ?
bravo encore pour ce superbe post.
amitiées,
F.
En attendant que Jacques répare les liens dans le post initial, les voici : http://www.lavaux.ch/SRC/2010/in...
Et http://www.arte-vitis.ch/
Mais tu connais déjà, Laurent.
Oui Fredi, nous nous sommes concentrés sur le chasselas, cépage roi. C’était le fil conducteur choisi pour tenter de comparer les crus et essayer d’entrevoir les sensibilités des vinificateurs.
La liste complète des vins dégusté ce soir là :
1. Villette : Henri Chollet, Dame Claire 1996
2. Villette : Henri Chollet, Dame Claire 1995
3. Villette : Henri Chollet, Dame Claire 1991
4. Epesses : Blaise Duboux 2008
5. Epesses : Vincent et Blaise Duboux, Cuvée Samuel Duboux 2000
6. Epesses : Vincent Duboux et fils 1990
7. Calamin Grand Cru : Blaise Duboux, Cuvée Vincent 2008
8. Calamin Grand Cru : Louis Hegg 2002
9. Calamin Grand Cru : Vincent Duboux et fils, Cuvée du Père Vincent 1990
10. Dézaley : Louis Hegg, La Gruyre 2009
11. Dézaley : Louis Hegg, La Gruyre 2004
12. Dézaley Grand Cru : Pierre Monachon, Les Côtes-Dessus 2003
13. Dézaley Grand Cru : Pierre Monachon, Les Côtes-Dessus 1992
14. St-Saphorin : Pierre Monachon, Les Manchettes 2003
15. St-Saphorin Grand Cru : Pierre Monachon, Les Manchettes 1992
16. Chardonne : Jean-François Neyroud-Fonjallaz, Les Berneyses 2009
17. Chardonne : Jean-François Neyroud-Fonjallaz, Les Berneyses 2004
!
Comme toi peut être, je raffole de la mondeuse et du plant Robert d’Henri ! Et d’ailleurs, je lui ai même glissé qqes beaujolais, lui qui veut étudier le gamay…
Maintenant que Lavaux est au patrimoine mondial de l’UNESCO, une raison de plus pour bien utiliser le nom dans la phrase !
Désolé de faire le pédant, mais on ne dit pas « du » Lavaux, mais « de » Lavaux. Lavaux signifie « La vallée » (la vaux) (de la lutrive) et l’article est donc, comme pour La Vallée (de Joux), déjà compris. On dit donc « à Lavaux », « en Lavaux » ou les coteaux « de Lavaux » mais surtout pas « au Lavaux ».
Mais bon, 90% des gens, parmis lesquels de nombreux habitants de la région et tout autant de journalistes, font la même faute…
« Le » Lavaux, c’est le vin de Lavaux…. à votre bonne santé !
Un superbe chasselas du Valais :
Stéphane Reynard & Dany Varone « Clos des Corbassières » Vieilles Vignes 2007
Merci à LaurentP !
Le Lavaux Laurent, on avait dit le Lavaux !
😉
Paul,
Vu de ma campagne toulousaine …
🙂
Louis Bovard Epesses "Chatally" 2006
Pâle. Nez discret, légèrement fumé, évoquant la cire et le jaune d’œuf ; gras, salin, légèrement oxydatif en bouche, avec une finale marquée par l’amertume et l’alcool (ce qui fait penser certains d’entre nous à une marsanne), mais une allonge intéressante.
Pas aussi classe que le vin de Reynard et Varone …