En bon empiriste, il ne croit qu’à ce qu’il voit (et pas uniquement à ce qu’il boit !), le fameux John Locke ! Et c'est ainsi qu'il débarque un jour, à cheval, parmi les vignes de Pontac. Pour comprendre d'où vient ce goût unique.
Là aussi, c’est un kairos très précisément daté : 14 mai 1677.
Fait-il beau ce jour-là ? Sans doute. L’histoire des grands vins de Bordeaux, jusque-là assez anodine, vient en effet de connaître une sacrée accélération!
En quelques lignes, notre enquêteur met en évidence les caractéristiques du cru et du terroir : « Les vignes de Pontac (qui donnent le Haut-Brion) poussent sur une croupe qui est orientée vers l’ouest ; le sol, dont on croirait qu’il ne peut rien produire, est composé de sable blanc mêlé d’un peu de gravier (graves) ; mais telle est la qualité particulière du sol du vignoble de M. Pontac, près de Bordeaux, que les négociants m’ont assuré que le provenant des vignobles les plus proches, puisque seulement un simple fossé les sépare, et dont le sol est, en apparence, parfaitement le même, était nettement moins bon. »
Le premier grand vin de l’histoire de Bordeaux venait de naître ! Ne restait qu’à inventer la cuisine en liberté destinée à l’accompagner, lui et les autres. On notera au passage que – effet pervers des prix himalayens des Bordeaux d’aujourd’hui – il est à craindre que les plus célèbres d’entre eux disparaîtront progressivement de la carte de nos restaurants ; du moins, deviendront-ils aussi incongrus qu’une personne affligée de diplopie dans un congrès de lanceurs de poignards…
Naissances du restaurant et du critique gastronomique
Exit l'Ancien Régime et, avec lui, les corporations dont Turgot décide la mise à mort. Cette mesure va favoriser l'émergence des restaurants: désormais les cuisiniers auront en effet la liberté de servir ce qui leur plaît. L'histoire a retenu le nom du premier de ces restaurants, connu sous le nom de «La grande Taverne de Londres», ouverte en 1786, rue Richelieu à Paris. Ancien officier de bouche du Comte de Provence, Antoine Beauvilliers (1754-1817), l'œil attentif, l'épée à la taille, y recevra durant de nombreuses années, dans l'écrin d'un décor très raffiné, une clientèle de gastronomes avide de plaisirs, essentiellement composée de représentants de l'Ancien Régime.
Naissances du restaurant et du critique gastronomique
Exit l'Ancien Régime et, avec lui, les corporations dont Turgot décide la mise à mort. Cette mesure va favoriser l'émergence des restaurants: désormais les cuisiniers auront en effet la liberté de servir ce qui leur plaît. L'histoire a retenu le nom du premier de ces restaurants, connu sous le nom de «La grande Taverne de Londres», ouverte en 1786, rue Richelieu à Paris. Ancien officier de bouche du Comte de Provence, Antoine Beauvilliers (1754-1817), l'œil attentif, l'épée à la taille, y recevra durant de nombreuses années, dans l'écrin d'un décor très raffiné, une clientèle de gastronomes avide de plaisirs, essentiellement composée de représentants de l'Ancien Régime.
C'est à la fin du XVIIIème siècle également qu'apparaissent les figures du gourmet et du critique gastronomique au premier rang desquels figure Grimod de la Reynière (1758-1837) qui, avec son Almanach des Gourmands, va connaître un très grand succès.
Personnage extravagant, Grimod de la Reynière s'est fait également connaître par son Manuel de l'Ampythrion et par les repas étonnants qu'il organisait chez lui:
«Vous êtes prié d'assister au souper-collation de M. Alexandre-Balthasard-Laurent GRIMOD DE LA REYNIERE (…) le premier jour du mois de février 1783.
On fera son possible pour vous recevoir selon vos mérites: et sans se flatter encore que vous soyez pleinement satisfait, on ose vous affirmer dès aujourd'hui que du côté de l'huile & du cochon, vous n'aurez rien à désirer.
Vous êtes instamment prié de n'amener ni Chien ni Valet, le Service devant être fait par des Servantes AD HOC.»
On fera son possible pour vous recevoir selon vos mérites: et sans se flatter encore que vous soyez pleinement satisfait, on ose vous affirmer dès aujourd'hui que du côté de l'huile & du cochon, vous n'aurez rien à désirer.
Vous êtes instamment prié de n'amener ni Chien ni Valet, le Service devant être fait par des Servantes AD HOC.»
Ceci a le mérite d'être clair et bien sonné… Vers la fin de sa vie, Grimod de la Reynière conviera même ses amis à assister au repas de ses funérailles !
Jean-Louis Vaudoyer, Eloge de la gourmandise.
A la même époque, un autre gastronome insoupçonné, que les habitants de Koenigsberg confondaient soit avec la trajectoire du soleil, soit avec une horloge doublée d'un métronome, déjeunait, chez lui, à midi sonnante, en compagnie de sigisbées dont le nombre ne devait être ni inférieur à celui des Grâces ni supérieur à celui des Muses. Des hommes uniquement, car telle était la condition, pensait-il, d’une conversation libre et ordonnée. Il s’agissait de Kant, bien sûr, que personne n’eût projeté a priori dans ce rôle d’amphytrion ! Et pourtant, je vous l’assure, il savait se tenir à table et sa soif se jugait à l’aune de ses connaissances. Si le vin des Canaries ne lui était pas davantage agréable qu’à un autre, il raffolait en revanche de vins allemands, purs, pâles et tranchants, d’où il tirait sans doute clarté de raisonnement, énergie et esprit critique.
Et c'est ainsi qu'avec Kant, nous sommes passés de l'enquêteur au philosophe-juge !
A suivre…
4 Comments
Merci pour cette lecture, un régale!
J’aime particulièrement cette phrase :"Vous êtes instamment prié de n’amener ni Chien ni Valet, le Service devant être fait par des Servantes AD HOC.» je ne connaisse pas ce terme de "ADHOC"
Un rapport avec le droit de cuissage?
AD HOC…..
Diminutif de capitaine Haddock (cf: Tintin).
La Culture et la BD même combat.
JL.
fr.wikipedia.org/wiki/Ad_…
j’ai trouver cette définition aussi.
Je souhaiterais savoir s’il est possible dire:
" à la midi sonnante…"
Car dans le commentaire de texte de Jean-Louis Vaudoyer,"Eloge de la gourmandise", que vous nous proposez, il est écrit:
" … , chez lui, à midi sonnante,…"