Une montée bucolique à travers des forêts de mélèzes vous amène dans un premier temps au Lac de Salanfe. De là, on s’élève en direction d’un alpage puis le sentier gagne une sorte de désert de pierre, dont l’austérité est contrebalancée par une vue absolument somptueuse sur les Alpes valaisannes et sur une partie du massif du Mt-Blanc. Cette vue est comme un viatique, on l’emporte avec soi, elle vous nourrit, vous aide à supporter les avanies et les avaries. D’autant que tout ceci se dévoile avec davantage d’insolence au fur et à mesure que vous vous élevez.
Ainsi, on entre en ascèse et l’on poursuit, obnubilé par la tache minuscule du refuge, très haut, qui brille comme un astre inconnu. Ou alors, on renonce et l’on s’assied pour musarder en attendant de sortir de Laguiole et la viande séchée.. Mais vient-on en montagne pour renoncer ?
Ce rythme est devenu évident et tout cela se fait presque sans effort pendant que dansent dans votre esprit des sensations, des mots, des rêves éveillés et aussi des fragments de chansons. Est-ce ainsi que les hommes vivent ? Et leurs baisers au loin les suivent… J'adresse la parole à des marmottes dont les stridences emplissent les combes. Je parle au vent, aux pierres, au silence…
Tout à coup le refuge est là, flottant sur un piton rocheux, solidement arrimé pourtant, avec son allure vaisseau spatial. En contrebas, le glacier de Plan-Névé et, vues à l’envers par rapport à samedi dernier, l’engrenage des « dents », la cime de l’est, méconnaissable, et les autres dont l’Eperon, le plus beau, scintillant dans le ciel, telle une étrave. Quelques alpinistes lézardent encore un instant avant d’entreprendre la descente. Ils ont escaladé ce matin la Dent Jaune et l’Eperon. Je leur demande comment est le rocher et la réponse de l’un d’entre eux ne me surprend guère : péteux, totalement péteux… rien ne tient, dit-il avec une mine désabusée.
C’est déjà le moment de se quitter. Si vous voulez boire un coup de rouge, on vous a laissé un fond de bouteille sur la table. Vous refermerez bien la porte en partant. Je pénètre à l’intérieur pour me faire un thé. Sur une grosse marmite quelqu’un a apposé la légende suivante : "eau déjà cuite." Par intérêt, je jette un coup d’œil sur les étiquettes des bouteilles ouvertes sur la table. Une propriété inconnue du Languedoc. Je ne m’attendais certes pas à trouver ici du château Lafleur même si j'en connais qui ont dégusté du château Margaux dans l'Eigerwand… On peut toujours rêver. Ce court moment de solitude à l’intérieur du refuge est un vrai bonheur et j’en viens à regretter de n’avoir pas prévu d’y rester une nuit…
D’autant qu’une longue et fastidieuse descente m’attend, plus de trois heures dans des sentiers abrupts, à crapahuter sur des moraines interminables et des amoncellements de pierre. A l’arrivée à Van d’en Haut, je capte un message de mon himalayiste… La seule et unique fois où je viens dans le vallon, elle a déserté l’endroit pour se rendre, elle aussi, dans un bivouac d’altitude dans le Haut-Valais….
Itinéraire : à Salvan prendre la direction du vallon de Van. Monter jusqu’à Van d’en Haut (très joli hameau) et laisser votre voiture à proximité du camping. Suivre la direction Salanfe, puis Refuge des Dents-du-Midi. Cairns et marques blanches et rouges durant le trajet. Attention, il s’agit d’une vraie randonnée montagne. Prévoir des chaussures de montagnes, vivres, boisson et vêtement chaud. Quelques passage de moraines un peu scabreux.
Horaire : compter 6 à 7 heures aller et retour. Dénivelé : environ 3000 mètres positif et négatif.
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