Rousseau, le « chien des Lumières », devait figurer dans ce cortège de promeneurs solitaires. Entre errances et rêveries, il apparaît ici comme un marcheur emblématique, lui qui avait placé cette exigence au-dessus de tout, celle de la « vie ambulante ».
Intercalés au milieu de ces figures de grands marcheurs, les thèmes liés à la marche sont abordés, telles des îles lointaines, par Frédéric Gros : celui du dehors, de la lenteur, des solitudes, des silences et des éternités.
A cet égard, le chapitre consacré à Henry David Thoreau, « la conquête du sauvage » mérite un intérêt particulier. La vision de ce penseur naturaliste, autre grand marcheur, et sa critique radicale de la société du dix-neuvième siècle, obnubilée par le productivisme, a eu une influence profonde sur certains courants de notre époque. Chris McCandless, l’antihéros de Into the wild, était un de ses lecteurs…
« Il ne s’agit plus de se demander ce que rapporte telle ou telle activité, mais ce qu’elle coûte en instants de vie pure. » (Frédéric Gros)
Marcher, une philosophie est un livre ouvert, pluriel, à multiples entrées. Dans ce périple des rythmes, des mots, des pensées et des paysages, F. Gros croise d’autres cheminements, le bouddhisme avec le Kailash, les Aztèques avec les Huichols et, bien sûr, les fameux satygraha du Mahatma Gandhi dont la marche du sel.
Des oublis ? Oui… Nécessaires tant le sujet est inépuisable.
Par exemple, la marche ultime, hallucinée, d’Hölderlin de Bordeaux vers le pays natal…
Combien de jours nous reste-t-il à marcher, quel chemin à parcourir encore ? Tout ce qui reste à expérimenter, à écrire, à penser, à vivre joyeusement !
Le livre Frédéric Gros, Marcher, une philosophie, carnetsNord
D’autres références
Maurice Chappaz, la Haute Route, B. Galland
Bruce Chatwin, Anatomie de l’errance, Poche
Patrick Cloux, Marcher à l’estime, Le temps qu’il fait
Jacques Lacarrière, Chemin faisant, Poche
Kenneth White, l’Esprit nomade, Poche
11 Comments
Cher Jacques,
Un autre illustre écrivain et grand marcheur devant l’éternel,Jacques Lanzmann.
Dans un autre genre, lire le saisissant "à marche forcée" de Stanislas Rawicz.
Un livre exhumé par Bouvier et une marche pas vraiment volontaire.
http://www.amazon.fr/marche-forc...
Et aussi "un beau matin d’été" de Laurie Lee et les livres de Sylvain Tesson.
Pour moi Marcher, c’est entrer en soi-même. Une forme de recueillement, qui nous rend plus présent au monde (sentir, regarder, perçevoir la Grande Nature qui nous entoure), mais aussi plus présent à nous-mêmes (sentir les muscles se tendre, les poumons se gonfler, le souffle s’accélerer). Le bonheur de se sentir vivant…
Petit mot à l’attention de Michel Grisard,
Les vendanges approchent,si vous avez besoin d’une paire de mains pour cueillir les fruits de vos vignes,les miennes sont à votre disposition.
Ah le chemin vers "le pays natal"… de quoi changer la destination de tout un ban de sardines.
Marchons, marchons, mais ne nous marchons pas sur les pieds !
Je venais de lire le "petit traité sur l’immensité du monde" de Tesson quelques jours avant la publication de cet article.
J’en ressors un peu géné par son enthousiasme quasi religieux de la marche. Cela atténue quelques belles idées et anecdotes dissiminées ça et là dans ce livre.
Pas à proprement un marcheur, mais il "élàve" tellement le lecteur par sa précision j’aurais envie d’ajouter aux noms proposés Roger Frison-Roche.
Laurent
Laurent,
Tesson est un marcheur forcené.
Il écrit notamment dans Géo.
J’ai aimé l’axe du loup (de la Sibérie à l’Inde en passant par le désert de Gobi), dans lequel il reprend l’itinéraire incroyable décrit dans "à marche forcée", un livre fabuleux …
Lu aussi "éloge de l’énergie vagabonde", où il chemine le long des pipe-line.
À cette intéressante bibliographie, on peut ajouter Eloge de la marche, de David Le Breton (Métailler).
Son approche pluridisciplinaire (anthropo et ethno) est enrichie par une grande sensibilité et les textes des "grands marcheurs" qui l’ont précédé.
L’ouvrage donne à la fois envie de marcher et envie de lire…
http://www.oopartir.com/rencontr...
(entretien avec DLB)
Yvelise,
Merci pour cette piste (eh oui, Katmandou et sa vallée sont sublimes mais saturés, ainsi que le tour des Annapurnas).
Ne pas oublier "l’homme aux semelles de vents" de Michel le Bris, et toute l’énergie déployée autour du festival maloin des étonnants voyageurs (l’autre raison pour aller à Cancale, avec Roellinger).
Pas que des marcheurs, certes …
D’ailleurs Olivier de Kersauson a écrit de belles lignes, sur les vagues (un encore plus grand territoire), dans "ocean’s song".
On peut également évoquer les carnets des "peintres marcheurs", tels que Courbet ou Cézanne qui écrit : "Je vais au paysage tous les jours". Comme d’autres vont à l’usine, au bureau ?
http://www.chapitre.com/CHAPITRE...