Si donc vous croisez dans les parages de Mille Plateaux, nomades des coursives, voyageurs égarés, passagers clandestins ou déclarés, visiteurs épisodiques ou accros, j’imagine que quelque part vous aimez cela, la surprise, l’intempestif, l’ironie légère et décalée.
Pour y parvenir, pour retenir votre attention, je n’aurai à évoquer ni le crâne du divin Marquis ni des choses sales sous cellophane. Vous saurez vous contenter de ces chroniques de l’intempestif, de ces micro-scènes de genre, où parfois vous me permettrez d’introduire un trait de vitriol ou un geste, une phrase, taillés dans le vif, au scalpel.
Vous verrez, lecteurs très illustres et buveurs très assidus : très vite, vous ne saurez vous passer de ces « brefs entretiens avec des hommes hideux » ou sublimes !
L’écume de l’actualité, la dépêche de presse commentée à l’infini, la sauce «buzz » érigée en mode de penser, les dialogues de sourds et sans soufre : parfois je fais ce rêve étrange d’une blogosphère qui, loin de ressembler aux délices de Capoue – après tout les mercenaires d’Hannibal surent pourquoi ils y usèrent leurs forces – évoque le jacuzzi de nos voyagistes contemporains : une insignifiante pataugeoire dans laquelle, par mégarde, on a répandu un produit lave-vaisselle à la mode.
Voici donc mes deux tableaux de l’intempestif, nom choisi en hommage à celui qui fut le philosophe intempestif par excellence.
Devant le hammam
Devant le hammam, ces deux-là se croisent, nus. Ils ont le teint légèrement couperosé (la chaleur), la chair flaccide, le geste rare précautionneux (comme ceux qui s’attendent à glisser sur le savon). Ils sont bruyants. Comme tous les gens qui parlent fort quand ils sont nus.
– Tu es là aussi ? Tu travailles ces jours-ci ?
– Travailler, c’est un bien grand mot ! Disons que je fais acte de présence. En ce moment, c’est l’encéphalogramme à plat, à la Bourse…
– Ouais, je vois, ça ! C’était pas une bonne année pour le buiziness, alors ?
– Détrompe-toi : en mars dernier quand tout était au plus bas, on a fait de belles prises de bénéfices !
– Ah…
– Travailler, c’est un bien grand mot ! Disons que je fais acte de présence. En ce moment, c’est l’encéphalogramme à plat, à la Bourse…
– Ouais, je vois, ça ! C’était pas une bonne année pour le buiziness, alors ?
– Détrompe-toi : en mars dernier quand tout était au plus bas, on a fait de belles prises de bénéfices !
– Ah…
Nouvel état d’esprit
J’adoooore le nouvel état d’esprit engendré par l’interdiction de la fumée dans les lieux publics. Voici, emmitouflées dans leurs fumerolles, ces inconnues, croisées à l’entrée du restaurant.
– Vous fumez à l’extérieur ? Vous pratiquez une forme de rébellion vraiment dans l'air du temps, leur dis-je, l’air malin…
– Non ! Nous attendons le chaland, toi par exemple ! Nous faisons le tapin… Tu sais, il n’y a que trois choses importantes dans la vie : fumer, boire et … ?
– Et… ?
– Et… ?
Le fantôme de la liberté
23 Comments
Comme l’homme à la porte de la Justice dans le sublime film d’Orson Welles qui n’ose entrer… qu’à la fin, trop tard.
Le film ? "Le Procès" d’après kafka. Tourné dans l’ancienne gare d’Orsay, maintenant le musée que chacun connaît, au moins de nom.
En verve, le Jacques, très en forme …
L’année commence bien 🙂
François,
Voir aussi Bunuel avec ces gens qui n’osent sortir d’une église alors que la porte en est ouverte.
http://www.cineclubdecaen.com/re...
Puisqu’il est dit que "le fondateur de toutes les écritures, c’est le vol des oiseaux", qu’il te soit permis d’être l’albatros sur le pont du navire des fleurs du mal: le poète, cher Jacques.
Laurentg : ça, c’est dans Viridiana, mais es-tu sûr qu’il s’agisse d’une église ? j’ai plutôt le souvenir d’une grande maison bourgeoise.
Le Grand Jacques, cuvée 2010 : ça y est : le côté Torquemada des Zwinglistes DG entre dans son millésime d’épanouissement. Il va y avoir des feux follets, des brumes, des huhulements le soir dans les branches de sasafra et autres envahissements étranges.
Qui eut cru cela possible dans la paisible Helvétie ?
Bon, le boulanger va ouvrir : du bon pain chaud : ça rassure quelque part !
Bon point pour François, mais tu ne reviendras pas en 2eme semaine car c’est dans "l’Ange exterminateur" que les personnes présentes n’arrivent pas à sortir de la maison bourgeoise ouverte et non de l’église (qui vient après, mais qui elle est fermée) comme le pense Laurent.
Ah! Les vieux ça n’a pu de mémoire 🙂
Si vous me prenez par les sentiments, si vous évoquez Buñuel (non, non, François, celui-ci n’est pas l’arrière petit-fils d’Ulrich Zwingli ! ), le grand intempestif, l’impertinent, alors là, je sens que je vais craquer ! Voilà, pour vous remettre en appétit, une scène admirable, extraite du Fantôme de la Liberté ! Voir ci-dessus à la fin de l’article !
François,
Je crois que tu confonds avec ce groupe qui n’arrive jamais à manger, dans le charme discret de la bourgeoisie.
Côté mémoire, vuve les nouvelles technologies.
Lisez plutôt : http://www.liberation.fr/depeche...
Scène inoubliable, Jacques … (oups, Marie-France Pisier).
Il y a aussi celle de la femme qui amène son fils au commissariat car il a disparu (et le commissaire lui annonce sans ciller qu’elle a bien fait de l’ammener car cela simplifiera les démarches).
Avez-vous hier, en un peu moins surréaliste, le reportage ‘d’envoyé spécial le retour’ consacré à Ferran Adria ?
On y voyait François Audouze dans une de ses caves expliquer les troubles digestifs de sa femme suite à un repas chez le maître catalan.
envoye-special.france2.fr…
http://www.youtube.com/watch?v=O...
Monica Vitti : qui ne l’a pas aimé ?
ABM : promis : je vais essayer d’être moins intempestif et plus réfléchi dans les billets 🙁
Grand Jacques : continue dans cette veine, ça nous fait un bien fou !
Moi je trouve que François Audouze perdu dans une de ses caves et expliquant à la terre entière les troubles digestifs de sa femme chez El Bulli, c’est assez bunuelien, somme toute, l’humour en moins peut-être ?
Bien aimé Hervé This parlant de coprolalie en lien avec la gélatine des pieds de porc.
J’ai eu un faible pour le discours de Santa Maria.
Jörg Zipprick figurait dans ce reportage.
Voici un article de Nicolas de Rabaudy : http://www.slate.fr/story/15401/...
On retrouverait presque le second degré joué et mis en scène du Buñuel dans le reportage sur Ferran Adria…
…mais là le second degré est devenu premier, et ça fait limite froid dans le dos !
O tempora, O mores !
Nicolas,
Le froid de l’azote liquide …
J’ajoute que j’ai mangé 2 fois à la Cala Monjoi en 2000 et que je n’ai eu aucun souci …
Entre le chef-prof Français (Thirion) qui parle de "sphérification cubique" et nous offre un grand moment d’humour à l’insu de son plein gré (©R.Virenque), et les apprentis sorciers qui se pâment d’utiliser enfin les joujous des industriels alors qu’ils devraient être des artisans, il y a des drames culinaires en perspective.
Et pourtant il y a bien des choses intéressantes dans ces idées.
Moi aussi j’y ai mangé à la Cala Monjoi,c’est après que je me souviens plus…histoire de détendre l’atmosphère!
Ah, ça, Pascal, l’agar-agar, cela ne pardonne pas …
Cela dit, le pied de veau en période de vache folle …
Hagard, hagard, voulez-vous vous dire ? Ouais, elles est facile !
http://www.omnivore.fr/?p=3325#m...
Ils l’ont fait : funfever.blogspot.com/200…