Sous le titre La mécanique des vins vient de paraître chez Grasset un livre original et profond. Il est signé Laure Gasparotto & Olivier Jullien. L’une est journaliste, chroniqueuse, écrivain et, depuis peu, vigneronne…dans le Languedoc. L’autre a contribué de façon significative au renouveau des vins du Languedoc. A travers une série d’entretiens thématiques, il revient sur la naissance, l’évolution et la trajectoire du Mas Jullien, sur ses origines également, ses bocages d’enfance, toutes ces impressions, ces échappées, cette lente construction du goût et de la liberté qui vous font choisir d’écrire une histoire nouvelle, aimanté par un pôle encore invisible.
Au départ de l’aventure, il y a les deux grands-pères d’Olivier. Marcellin, viticulteur et syndicaliste, enflammé, intransigeant ; Alipe, viticulteur de Dieu, à la sérénité simple et sereine :
« J’ai donc hérité de deux bâtons : Marcellin m’a offert celui de la révolte, et Alipe celui de l’amour. (…) Si mes deux grands-pères m’ont offert le carburant et deux bonnes raisons de me lever le matin, ce sont les grands vignerons qui m’ont donné la direction, l’inaccessible étoile. »
1985, Olivier a vingt ans. Il achète sa première vigne. «L’aventure, c’était de rester et de m’approprier, à chaque instant, cette histoire qui commençait déjà à me dépasser. »
Le réenchantement du Languedoc : le sous-titre du livre est important. Il donne le ton, indique comment s’opère l’alchimie. Peindre, écrire, danser ou façonner la terre pour en capter les sources vitales, procèdent en partie d’une même vision : prélever des fragments de sens au milieu du chaos, créer des passerelles, réenchanter le monde.
A ce titre, La mécanique des vins est un livre exemplaire, en ce sens que la trajectoire d’un homme et de ses idées, Olivier Jullien, se trouve inscrite dans un ensemble plus vaste, celui du Languedoc, lieu de naissance et d’élection, terre de contrastes, de métissages, d’humiliations aussi. A travers ces entretiens, Olivier parle de son terroir, de cet attachement intime, profond, à une terre et à des paysages qui l’ont choisi davantage qu’il ne les a choisis. Olivier évoque ses racines, mais sans la nostalgie, parce qu’il y est surtout question de liberté au sens que lui donnait Joë Bousquet (né à Narbonne) : vous serez libre de ce que vous aurez libéré !
« Le vigneron appartient à la mécanique des vins : il en est la courroie de transmission et de distribution. Après, le fluide guette son autonomie, et alimente à son tour la mécanique des hommes. Il devient la clé, le créateur d’espaces infinis. Au centre de ce cheminement, différentes portes se profilent. La porte du cœur (…) La porte du mental (…) La porte de la bouche (…) La porte de l’âme : c’est l’accès direct. On y rencontre ceux qui n’ont jamais bu de vin ou presque, et ceux qui sont revenus de tous les crus. Un lieu éternel et sans détour. »
Cet accès au cœur, à l’âme, à la vibration intérieure, est essentiel. C’est pour cela que Olivier Jullien fait partie des vignerons qui, dans leurs gestes, leur pratique et leur communication, forgent les clés qui ouvrent sur cet espace.
Il existe une vérité du vin comme il existe une vérité des êtres et des situation. Je suis arrivé un jour à Jonquières pour rencontrer le « petit prince des vignes » qui commençait à peine à être connu. D’emblée, j’ai été époustouflé par le naturel d’expression et la sincérité de ses vins. Au fil des années – vingt-cinq ans déjà ! – cette impression ne s’est jamais démentie. Plus je les goûte, plus j’ai l’impression de toucher à quelque chose d’essentiel, à cette dimension géo-sensorielle, ce génie du lieu languedocien que les vins du Mas Jullien traduisent à la perfection, surtout si on leur laisse le temps d’aller vers leur épure.
Dans cette perspective, la mécanique des vins est un livre essentiel que tout amateur de vin devrait lire ! Un livre lumineux, stimulant, tissé de belles rencontres, d’émotions vives, d’une vraie philosophie existentielle. Telle cette évocation d’une partie de pêche sur la rivière Bonaventure en Gaspésie avec le regretté Didier Dagueneau dont Olivier était un ami proche :
« Ce temps d’inaction est vraiment précieux : il nous rappelle à notre état de vigneron où il faut du courage pour ne rien faire. On se soustrait à l’action pour entrer dans une forme de contemplation. Les meilleurs postes à truite ou à saumon fonctionnent comme les grands terroirs, c’est toujours dans le plus profond du moins profond et dans le moins profond du plus profond que la vie s’articule. On ne s’est pas usés, on est restés motivés, présents, ouverts pour saisir l’instant du poisson. Quand la conscience va plus vite que la pensée, c’est l’état de grâce. »
Laure Gasparatto & Olivier Jullien, La mécanique des vins – le réenchantement du Languedoc, Grasset
Comment
Bravo ! Le vin est et devrait être bien plus que ce qui généralement se trouve au coeur des flacons. Je suis auteur du livre Les Mains Du Vin’ paru chez Feret et préfacé par Jean-Claude Ellena, le nez des parfums Hermes. Et ai oeuvré à St Emilion comme directrice du Syndicat Professionnel des vins. Ce serait bien que Olivier Jullien me contacte.
Meilleures salutations,
Stéphanie Reiss 06 61 14 16 38