Et puisqu’on est dans la progéniture, lorsqu’on demande à Lalou quelles sont ses vignes préférées (question bateau évidemment!), elle surfe sur la vraie vague en répondant :
« Je les aime toutes. Ça dépend des moments. J’aime bien me retrouver en Mazis. J’adore également être dans la St-Vivant ou dans les Criots mais je ne suis pas objective car plus une vigne me donne de soucis, plus je l’aime, surtout quand elle commence à redevenir belle … »
Le reste du temps, cette grande alpiniste est en montagne. Elle a peu de temps pour accueillir tous ceux qui voudraient venir, au moins une fois dans leur vie, qui rêvent de faire le pèlerinage à Vosne-Romanée.
Ce matin donc, l’esthète romain Fabio Rizzari, grand critique au Guide l’Espresso, et Isao Miyajima, étonnant journaliste japonais qui sait tout des grands vins européens et des meilleurs restaurants, m’accompagnent pour une visite magique dans les caves du domaine. Les trois, nous en ressortirons, quelques heures plus tard, éblouis par l’extraordinaire présence des vins dégustés.
Quelques notes de dégustation, prises sur le vif, dans cet instant suspendu (tous les vins que nous avons dégustés étaient bien sûr en bouteilles) :
Vosne-Romanée Genaivrières 2008 belle présence de fruit avec des nuances florales, c’est fin, délié, serti de très jolis tanins avec une exquise fraîcheur finale.
Richebourg 2008 superbe suavité de texture, le développement eest impressionnant mais il ne plastronne pas trop.
Romanée Saint-Vivant 2008 le nez est un peu fermé à ce stade. Très jolie bouche, tonique, les tanins sont comme sculptés au cordeau. C’est un vin d’énergie. Et un trait de peintre.
Romanée Saint-Vivant 2007 Millésime plus difficile. Le nez est un peu plus brouillé. Belle bouche mais qui n’est pas aussi précise et lumineuse que sur la 2008. On est plus sur la texture, un peu l’alcool et moins sur la ligne.
Elle a plus de choses extérieures… Elle sent la sève. Et pour Lalou, c’est pas un joli mot…
Elle a plus de choses extérieures… Elle sent la sève. Et pour Lalou, c’est pas un joli mot…
Le rendement est ici plus « important » : 22 hl/ha contre 15 en 2008 !
Richebourg 2007 Belle bouche, avec de la densité. C’est un vin qui est bien lui-même, peuplé avec une grande finale, tapissante, complexe et veloutée.
C’est vin corpusculaire, ondulatoire. « Il est redondant » dixit Lalou
C’est vin corpusculaire, ondulatoire. « Il est redondant » dixit Lalou
Richebourg 2006 « c’était beau ces 2006, et on ne l’avait pas vu… » Il y a une pulpe de fruit merveilleuse sur la texture comme sur l’expression aromatique, grande élégance tactile et long développement.
Richebourg 2005 Nez tellurique, c’est dense, sculpté, avec beaucoup de force, d’énergie. Un des plus beaux Richebourg du domaine, qui développe de longues harmoniques.
Richebourg 2003 En rien marqué par le caractère solaire du millésime. On y trouve même une sensation de fraîcheur. Superbe velouté de texture et corps évasé. Finale complexe sur des notes d’épices orientales.
Romanée Saint-Vivant 2006 Elle a des notes de cacao, de café. Notes florales. Bouche somptueuse, elle démarre lentement, monte en puissance, fuselée. Très belle trame. La finale culmine sur une ligne magnifique, très pure, longue, d’une absolue précision.
Romanée Saint-Vivant 2005 Le nez a du mystère. Il faut lui laisser du temps pour s’ouvrir. Très belle bouche, dense, structure assez ferme. Extraordinaire qualité des tannins, plus déliés que sur le Richebourg.
On parle des prescripteurs qui, par consumérisme, donnent des dates précises d’apogée pour les grands vins. Et Lalou Bize-Leroy de rompre une lance pertinente à leur sujet :
« Personne ne peut dire comment ça va vieillir un vin, quand il faudra le boire. On ne peut pas prophétiser sur le vin… »
« Personne ne peut dire comment ça va vieillir un vin, quand il faudra le boire. On ne peut pas prophétiser sur le vin… »
RSV 2003 Elle sent sa fleur : nez sublime notes florales, avec le côté pivoine. C’est pénétrant : après une demi-heure d’ouverture le floral est encore présent, entrelacé à une dimension plus terrienne. Un vin qui met la tête dans les étoiles, comme du spirituel incarné. Et Lalou d’évoquer les Vêpres de la Vierge de Monteverdi qu’elle adore. Fabio Rizzari évoque le baroque, en insistant sur ce point : dans le sens musical, le baroque c’est l’absolue précision.
Musigny 2005 là c’est vraiment la grande émotion ! Lalou connaît ma passion pour son Musigny (que je n’ai eu le privilége de déguster qu’exceptionnellement) et ouvre une des rares bouteilles qui lui restent de ce chef-d’œuvre absolu qui me laisse sans voix. Une essence de Musigny, un vin qui part de la densité pour s’élever vers une légèreté aérienne. « On part de la terre pour aller vers le ciel… »
Tout est dit !
Mais qui a parlé ?
On termine avec un autre vin apocalyptique (dans le sens de révélation) un Meursault Goutte d’or 2008 du domaine d’Auvenay. Nez superbe, cristallin, magique ! C’est de l’eau de roche ! Trame remarquable. Grande densité. C’est de l’énergie pure. Il laisse une empreinte incroyable. Un vin inoubliable que Lalou nous a offert en hommage à un ami récemment disparu, qui adorait les vins du domaine Leroy et d'Auvenay.
Voir également ici
Lalou Bize-Leroy et Jacques Perrin
6 Comments
Dans les relations humaines, c’est au coeur même de la solitude, en chaque être, qu’il importe d’atteindre et de parler
(Autobiographie, Bertrand Russell)
Grand Jacques :
Tu sais que tu es chanceux toi ! C’est effectivement le Domaine le plus difficile à visiter !
Je penses, François, que cela n’a rien à voir avec la chance 🙂
On trouvera sur ce lien des commentaires sur des grands rouges 2000, Leroy et d’Auvenay (cr par Pierre Citerne) :
http://www.invinoveritastoulouse...
Goûter les 98 sur fût fut une expérience mémorable.
Jacques, ces photos sont récentes ? De cette visite ? Si oui, je trouve LBL en bien meilleure forme que lors de ma dernière (et unique) rencontre avec elle, il y a deux ans environ.
bonvivantetplus.blogspot….
Nicolas, la photo de Lalou dans sa vigne des Bonnes-Mares a été prise en 2004, les autres sont du mois d’avril !