Les vendanges terminées, pas le temps de souffler. C’est la valse à dix temps des dégustations. De Paris à Cernobbio en passant par Genève et le Valais. L’actualité se bouscule. Le fil de ces chroniques s’en ressent, qui devient parfois un peu distendu.
Coller à l’actualité, oui. L’intempestif – Nietzsche nous l’a appris – c’est encore mieux. Lundi 4 novembre donc, c’était la présentation à la presse du Clos de Tsampéhro à Flanthey. Un nom très roots pour un projet ambitieux à vocation internationale. Ils sont quatre partenaires dans l’aventure : Joël Briguet (de la cave La Romaine) orienté sur la partie vignes, Vincent Tenud, l’œnologue, Emmanuel Charpin le communicant et Christian Gellerstad, le fédérateur, pour la partie financière et stratégique. Le Clos de Tsampéhro est issu de la réunion de différentes parcelles (sur un peu moins de 3 ha), préalablement rachetés à 33 propriétaires différents !
Dans sa présentation, Christian Gellerstad a énoncé les mantras qui condensent la religion du Tsampéhro :
– Le Tsampéhro est un vin suisse
– Le Tsampéhro est issu d’un compromis zéro avec la qualité
– Le Clos correspond ici à un vrai parcellaire identifié avec une viticulture bio
– Le Tsampéhro est un vin d’assemblage avec une vocation de vin de garde. « Un vin à séduction lente ».
Après la traversée d’un chai de vinification et d’élevage amphithéâtral, on rejoint la salle de dégustation au premier étage. Une première dans le Valais aux multiples cépages et « spécialités » : après une mise en bouche constituée par un élégant Johannisberg 2012 de la Cave la Romaine à Flanthey, on ne goûtera que trois vins. Pour mieux se concentrer sur l’essentiel ?
Voici le Tsampéhro blanc, édition 1 (vendange 2011). Un assemblage de Heida et de Rèze d’inspiration très valaisanne. Vinifié et élevé en fûts de chêne durant 15 à 18 mois, sans FLM. Avec une préfermentaire sur les éditions 2 et 3. Alors comment se goûte ce premier vin d’une longue lignée ambitieuse ? C’est bon. Floral. Sur les fleurs blanches et l’acacia avec un sillage vanillé très fin (70 % bois neuf, fûts Saury). Le nez s’ouvre lentement sur des notes de fruits du verger. Le corps est ample, charnu, doté d’une texture d’une belle consistante avec une finale de complexité moyenne. Pour une première esquisse, c’est une jolie réussite, même si on lui souhaiterait davantage de gnac sur la finale. Emmanuel Charpin l’a lui-même souligné : »La longueur en bouche est encore assez modérée pour l’instant, j’en conviens. » Preuve d’une belle honnêteté. Sans doute faut-il attribuer ce manque de sève aux vignes relativement jeunes dont l’âge moyen est de moins de quinze ans. Mais il est vrai qu’on parie ici sur l’avenir. 850 bouteilles de produites dans cette première édition du blanc de Tsampéhro, vendu à 38 frs la bouteille.
Le Tsampéhro rouge, édition 1 (vendange 2011) est celui qui m’a le plus convaincu. Assemblage de Cornalin (50 %), de Merlot (25 %), de Cabernet franc(13 %) et de Cabernet sauvignon (12 %), il se présente sur un profil racé avec des arômes de baies, de cerise, de figue fraîche et une touche mentholée noble qui lui confère fraîcheur et distinction. Le corps est du même acabit, articulé sur la fraîcheur, il dessine une belle courbe en bouche. Les tanins sont juteux, astucieusement extraits et la prise de bois très réussie. L’assemblage fonctionne à merveille. Les différents constituants ont été vinifiés et élevés ensuite séparément durant 21 mois. En 2011, 2100 bouteilles de Tsampéhro rouge ont été produites. Prix de vente : 79 frs la bouteille. Un prix très ambitieux. L’ambition du du domaine étant de vendre une partie de ces vins à l’export et d’accéder à la dimension des vins icônes.
Provins a d’ailleurs tenté d’ouvrir la voie récemment avec son Electus 2010 qui, placé en pirate au milieu d’une dégustation de Bordeaux et de super Toscans 2010 organisée par Decanter, a figuré dans le top five ! De quoi donner des frissons à la coopérative valaisanne qui a annoncé un prix de 200 frs. Info ou intox ?
Sur son blog, le journaliste Stephen Brook, un des participants à la dégustation, tempère un peu ardeur :
« The wine is destined for the export market, and – here’s the bad news – the approximate retail price will be around £200 per bottle.
The wine’s quality and the bold pricing may make the impact Provins hope for, but it’s not certain that the wine world is ready for another pricy ‘icon’ brand from a little known country ».
Le marché tranchera. Une chose est sûre. Le Valais affiche de nouvelles et légitimes ambitions et l’on ne peut que s’en réjouir !
Quelques images de la journée :
Le troisième vin présenté lors de la dégustation est le Tsampéhro Brut (en fait un extra Brut) issu d’un assemblage de Pinot noir, Chardonnay et Petite Arvine, Ce vin est élaboré avec l’aide de Chevalley à Genève. 570 bouteilles ont été produites pour cette première édition qui est restée vingt mois sur lattes. Pas assez peut-être pour accéder à l’empyrée. Le vin est bon, intéressant dans son aromatique et ses équilibres mais sa bulle pourrait gagner en finesse et sa finale ne trace pas.
Vendu à 38 frs la bouteille. A terme, 2000 bouteilles de cette cuvée devraient être produites.
Saluons le niveau qualitatif de Tsampéhro, un nouveau venu qui dans le concert des grands vins valaisans va sans doute faire parler de lui. Une réalisation et une ambition qui font du bien à toute la région, à quelques kilomètres à peine d’un autre OVNI, Histoire d’Enfer.
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[…] novembre 2014. Pour ainsi dire une année après la première présentation, nous sommes de retour à Flanthey pour découvrir le nouveau et dernier millésime embouteillé du […]
[…] more on the 2013 opening, here’s an article by Jacques Perrin of Cave SA on the opening of Tsampéhro in 2013 (in French). But of course the problem with a very new project and wines is that you […]