En l’île Saint-Louis, au cœur de Paris, voilà une adresse à retenir. Cet antre à touristes, style vieille ganache coupe-gorges, a connu un sérieux lifting sous les laques de Jaime Hayton.
Passé l’entrée, un bar, le 4.41, tendance street food, où grignoter quelques tapas ou un jambon tranché à la Berkel. Une salle au sous-sol près de laquelle rassissent des viandes de grande origine. Et la salle principale, élégante, sobre, qui donne sur les cuisines, encadrées à la façon de tableaux vivants.
C’est là qu’Antonin Bonnet, ancien de Michel Bras, revenu du Greenhouse à Londres, a (très vite) trouvé son assise et son souffle. Sa cuisine a la clarté et la franchise d’une instruction de maître Dögen. Une étoile est d’ailleurs venue très vite saluer cet essor. La suivante ne devrait pas tarder.
La recette ? Des produits choisis avec intransigeance. Antonin Bonnet prône la méthode japonaise de l’ikejime pour le poisson. Impossible de vérifier si le Bar de ligne servi ce soir-là avait été occis de cette manière chirurgicale mais sa chair translucide et apaisée pouvait effectivement vous faire verser des larmes de bonheur! Les cuissons sont tirées au cordeau et les accords évidents et limpides.
Parfois, on souhaiterait plus de risque, davantage de folie peut-être. Cela viendra.
J’ai aimé pourtant le côté épuré, presque kaiseki, de certains plats comme les raviolis Gyoza dans le bouillon dashi virtuose.
Léger bémol en revanche pour le Choux d’automne au praliné avec cerfeuil musqué, pralin et huile de noisette, un peu trop conceptuel pour être dans la vraie profondeur du goût.
Un mot sur les assiettes, originales et très belles, là également inspirées par la tradition de la céramique japonaise. Service agréable, plein d’aménités, même si un peu décalé à certains moments. Le sommelier, Alexandre Céret, qui était également au Greenhouse, connaît son affaire et la carte des vins, pour un restaurant qui existe depuis un an à peine, est un modèle du genre. Avec – cela mérite d’être relevé – une très jolie sélections de sakés Junmai Daiginjo qui portent l’estampille du sélectionneur Toshiro Kuroda.
Très belles harmoniques entre le Kimoto Junmai Ginjo de Masakura et l’huître au navet fermenté, ainsi qu’avec le Gyoza.
Pour le reste, j’ai jeté mon dévolu sur un Les Grands Teppes 2010 de J.F. Ganevat (non, non, je ne suis pas sectaire, j’adore les vins « nature » quand ils sont aussi beaux que celui-là !), puis Gevrey-Chambertin 2010 de Sylvie Esmonin d’une finesse éblouissante.
Le menu
Jus de pomme, carotte et gingembre
Ventrue, chou, blette, purée de carotte
Soupe de courge
Huile de noisette
Le pain «cocotte» maison
Le joli beurre maison parfumé à la flouve odorante
Huitre de Bouzigues de Pascale Migliore
Gel dashi, confiture d’algues, navet fermenté, émulsion au concombre
Gyoza 餃子
Boeuf, carotte, shitaké, dikon, bouillon dashi
Rouget de Saint-Gilles-Croix-de-vie
Pomme de terre fumée, Bouillabaisse
Foie Gras poêlé
Coing, navet, radis
Choux d’Automne au praliné
Vinaigrette citron, fleur de brocoli
Bar de ligne de Saint-Gilles-Croix-de-vie
Carotte blanche, crème de panais, petit lait et huile de céleri
Canard de Challans
Purée de céleri fumé, marmelade d’orange amer, poudre réglissée et endive glacée
Compotée de pommes et cassis
Sorbet fromage blanc fermier, granola maison
Crème légère au café du Salvador
Coing poché à l’Aspérule, nougatine aux noix, gelée au cidre, crème glacée au topinambour
Saint Honoré au citron vert
Thé vert Matcha, sorbet passion
L’adresse
Le Sergent Recruteur
41 Rue Saint-Louis en l’Île, Paris
t. +33 1 43 54 75 42
https://www.lesergentrecruteur.fr/
3 Comments
Grands Teppes 2010 est magnifique, élancé, nerveux, pur …
Je l’ai comparé dans une longue série de vins du Jura 2010 à un Overnoy, très bon aussi, dans un style bien différent, que je qualifierais de « plus nature » (et que j’aime moins).
Sans rapport direct : cru consaster le we dernier que le coeur de Roy 2001 de Dugat-Py commençait à s’attendritrun peu (même si personne autour de la table n’a reconnu le cépage). Rdv dans 10 ans ?
Etait-il là ? http://www.youtube.com/watch?v=uoOTLQPo5IU
Ce lifting va à mon avis redonner un nouveau style au restaurant. Les plats m’ont tous l’air délicieux, surtout le Gyoza. Je suis un peu intrigué par l’huitre, c’est la première fois que j’en vois comme ça, moussant. Mais je trouve que les plats sont trop petits. On dirait de la cuisine moléculaire. Je préfère les bons restaurants traditionnels où je me sentirais rassasié en plus d’avoir pris du bon temps grâce au délice des plats.