La plupart le connaissent à la ville sous le nom de docteur Regamey. Nous lui avons demandé d’ouvrir sa cave et son cœur et de revisiter un peu son passé de grand amateur.
Après avoir rappelé quelques épisodes de sa propre légende : comment doté d’un nez exceptionnel et, après une première existence d’espion fureteur au service d’un des ténors de la parfumerie genevoise, il a découvert le vin en rencontrant l’auteur de ses lignes et Fred Juvet, le bon docteur a égrené les jalons qui permettent de mieux comprendre son itinéraire.
Les nombreux voyages viticoles d’abord. En Bourgogne, dans le Piémont, dans les Côtes du Rhône, à Bordeaux. C'était le temps béni où je disposais du privilège rare de partir en voyage sans devoir me préoccuper de la conduite sur la route ni de ma santé qui, comme chacun sait, est mise à contribution lors des nombreuses dégustations.
Les premiers essais de vinification chez Jean-Michel Novelle, puis chez Claudy Clavien. La petite vigne perdue, près d’Athénaz, d’où il tirait d’improbables cuvées qui portaient le prénom de sa progéniture. Les activités de consulting, puis, dès 1997, Le Grand Jury avec François Mauss. Les coups d’éclat. Les incartades. Les rappels à l’ordre (« morigéner » selon F. Mauss particulièrement sourcilleux sur certains principes).
Et, il y a quatre ou cinq ans, la naissance d’une nouvelle cave à Corin, en Valais, avec quelques amis sous la bannière d’ »histoire d’Enfer ». Une épopée, une saga, un grand récit qui détonne dans un paysage parfois plus frileux qu’il en a l’air et qui titille l’imaginaire des vignerons créatifs.
Un auditoire conquis par cette histoire extraordinaire – Photo Serge Pulfer
Les vins coups de cœur du docteur (tous les vins ont été présentés à l’aveugle)
Johannisberg 1996, Claudy Clavien
Nez chaleureux, riche, touche miellée et truffe. Citron confit. Corps riche, savoureux, léger manque de tension et finale douce. C’est élégant mais un peu riche.
Muenchberg 1988, "Vieilles vignes de riesling", domaine Ostertag
Superbe fraîcheur d’expression. Il est très riesling, dynamique, ciselé avec des arômes d’orange sanguine, de cannelle, des notes florales très pur, d’amande et un corps doté d’une superbe énergie.
Chablis 2001 Valmur Grand Cru, François Raveneau
Robe claire. Nez très fin, moyennement expressif. Corps élancé, légère empreinte boisé et finale de caractère.
Chablis 2001 Les Clos, Vincent Dauvissat
Robe à légers reflets dorés. Notes aromatiques complexes, mousseron, fleurs blanches. Corps magnifique, ascendant, qui laisse une superbe empreinte finale, traçante. Grand vin !
Volnay Caillerets 1er Cru 1997, Rossignol-Jeanniard
Certains dégustateurs sont gênés par une empreinte boisée, évoquant le jambon à la borne. Le vin constitue toutefois une bonne réussite, en dépit d’un boisé un peu appuyé et d’un tanin qui garde une pointe de fermeté.
Nuits Saint-Georges Clos des Corvées 1997, Prieuré-Roch
Robe un peu trouble. Nez sur le cassis, la rafle. De la fraîcheur mais un caractère très imprécis aussi dans la définition du vin. Bouche caressante, suave et finale agréable. Ce vin divise les participants qui se demandent où est le terroir. C’est le cas pratiquement chaque fois que nous présentons un Prieuré-Roch dans l’une de nos soirées.
Syrah Encre de la Terre 2001, Claudy Clavien
C’est une des fameuses syrah helvétiques qui avait trusté les meilleures places lors de la dégustation des Syrah du monde au Grand Jury à la Villa d’Este. Le vin affiche une tenue superbe, avec encore beaucoup de jeunesse dans l’expression, une construction précise et une fraîcheur remarquable, même si la finale manque un peu de complexité.
Côte Rôtie 2001 La Sereine noire, domaine Gangloff
Corps savoureux, élégant, souple, avec une belle allonge mais qui, dégusté à l’aveugle en parallèle avec le vin précédent, apparaît moins précis et moins tonique.
Percarlo 1995, San Giusto a Rentennano, Toscane (servi en magnum).
Ce sangiovese toscan a fait honneur à sa réputation. Nez sur le menthol, le cassis, les fruits noirs. Belle bouche, dense, charnue avec un tanin ferme et élégant et une finale complexe.
Mas de Daumas Gassac 1989, Vin de Pays de l’Hérault
Dégusté à l’aveugle, ce vin a surpris tous les dégustateurs. C’est une leçon. Personne ne l’a placé dans le Languedoc. Superbe corps, d’une jeunesse incroyable, doté d’une trame remarquable avec des tanins serrés et juteux. Une leçon !
Roberto Voerzio
Barolo Cerequio 1994, Roberto Voerzio
Nez magnifique, sur la réglisse, le floral, les fruits noirs, les herbes sèches. Corps magistral pour le millésime. A l’aveugle, aucun doute : un grand Barolo, moderne, signé par un grand vigneron !
Barolo Bussia 1989, Armando Parusso
Les deux bouteilles présentées n’avaient pas suivi la même évolution. A son meilleur, c’est pourtant un très grand Barolo qui annonce d’un jeune vigneron encore très peu connu à ce moment-là, Marco Parusso, avec qui Patrick Regamey va devenir très ami.
Arvine 1996 Quintessence d’automne, Cuvée Mariandra, Genève, Patrick Regamey
Comment résister à ce plaisir : placer son propre vin parmi ses coups de cœur ? Ce liquoreux genevois est issu principalement d’une petite arvine passerillée en chambre froide (avec 10 % de petit manseng), élevée quatre ans en fûts neufs. Un vin hors normes, aux notes de truffe et d’agrumes confits, au corps opulent qui n’a pas intégré totalement son sucre.
Patrick Regamey vu par Serge Pulfer
Porto 1991 Quinta de Terra Feita Taylor’s
Superbe expression du fruit noirs, de mûre, de réglisse sur cette single quinta au caractère très hédoniste, très sensuel, avec une vraie finesse d’expression en même temps.
Porto 1991 Quinta de Vargellas, Taylor’s
En amoureux des grands Vintage Port, le docteur Regamey ne pouvait pas ne pas corser l’affaire en comparant à l’aveugle les deux quintas emblématiques du domaine. Dans ce millésime, Vargellas offre davantage d’allonge, un corps plus ample, mais un peu moins de finesse dans l’expression aromatique.
Comment
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