Mes Beaune adresses (deuxième partie).

Je suis surtout venu ce soir au Jardin des Remparts pour goûter un plat qui figure parmi les classiques de la maison : le Tartare de Charolais et Gillardeau, écume de mer. Une réinterprétation, sauf erreur de ma part, de Roland Chanliaud d’un classique de Marc Meneau chez qui il passa deux ans. Quand il est bien dosé, subil, le mariage terre-mer est toujours très excitant. La grande cuisine portugaise, notamment, l’a compris depuis longtemps. Le résultat penche plutôt du côté de la mer, notamment par la présence d’une écume siphonnée un peu insistante (le jus des huîtres est récupéré avec gélatine puis siphonné juste avant de servir.)

Le Tartare de Charolais et Gillardeau, écume de mer.

J’attendais au contour les St-Jacques aux algues et caramel, consommé de crevettes… Cuisson lente, proche de la perfection, pour des Coquilles St-Jacques, bretonnes à coup sûr, translucides, juste titillées par quelques algues, que vient réveiller, au moment où le plat vous est servi, un consommé diaphane de krill. Dommage que le chef Roland Chanliaud éprouve le besoin de céder à cette manie persistante du contrepoint sucré, un caramel de beurre salé de Bordier en forme de dôme qui vient coiffer chacune des St-Jacques et sature tout l’espace.
Vous pensiez vous remettre de ces émotions avec un classique de la cuisine bressanne ; vous aviez ordonné le Poulet de Bresse à la berce et à l’estragon et vous demandiez pourquoi on vous a muni de cet imposant Laguiole à la lame acérée. Surgit dans votre assiette la plus étrange chose qui soit, une sorte d’objet fractal des gallinacées.

Qui a dû ressembler, au départ, à un poulet de Bresse de grande naissance, cuit à basse température pour ses chairs les plus précieuses.

Le Poulet de Bresse à la berce et à l'estragon : attention aphrodisiaque !

Un rien destructuré sur la ligne d’arrivée, malicieux, synecdotique, encyclopédique même. La chair des cuisses en terrine «gelée chaude» comme substrat, les béatilles savoureuses égayant le sérieux de la composition, le suprême rose de plaisir, la crête croquante et, pour agrémenter les textures, tonifier le goût, des épanchements de chantilly à l’oseille et à l’estragon.

Savant et ludique.

Mais attention à ne pas trop en faire ! Comme par exemple sur ce dessert plutôt sobrement intitulé Duo de chocolat et Champignons, qui se présente sous la forme d’un maëlstrom cacaoté au milieu duquel surnage une glace aux bolets et deux lichettes de truffe noire comme égarées au milieu de cet équipage.

La carte des vins ultra-classique, cette dernière est orientée sur les grands noms de la Bourgogne, à des prix sérieux lorsqu’on tape dans les grandes cuvées. Vous y trouverez par exemple les sublimes vins de J.F. Mugnier (prochainement en ligne sur Mille plateaux sa présentation de Chambolle-Musigny Les Amoureuses). Peu de découvertes à faire en revanche parmi la génération montante. Pour suivre le fil rouge de ces trois plats, j’ai choisi un Chablis Montée de Tonnerre 2004 de Raveneau. Moue de la préposée aux vins :
– Mmmhh.. c’est un vin actuellement très fermé, je ne vous le conseille pas, môssieur…
– Qu’à cela ne tienne, vous le passerez en carafe !
Ce vin a pourtant accompagné merveilleusement les trois plats et s'exprime après passage en carafe à travers une clarté lumineuse sur des notes superbes de fleurs blanches et de minéralité légèrement épicée !

Morale de l’histoire : lorsqu’un sommelier a peur d’être trop vite à découvert sur les vins d'un producteur-culte, il vous déconseille de les déguster pour essayer de vous vendre autre chose.

Le service appliqué mais pesant. A l’image du maître d’hôtel, très bavard à certaines tables, muet à d’autres, sapé dans un costard genre Adriano Cifonelli, mains jointes dans le dos, arpentant la scène avec un lenteur désespérante, surveillant son petit monde avec l'onction d'un prélat.

Le nom du restaurant Le Jardin des Remparts
Où 10 rue de l’Hôtel-Dieu à Beaune
Les prix menus à 35 (déjeuner), 70 et 110 euros.

Tél 03 80 24 79 41

Auteur

Jacques Perrin

De mon passé de philosophe, j’ai hérité cette intuition que sapientia et saveur partagent la même origine. Des livres et des rencontres qui m’ont aidé à devenir ce que je suis, je garde tout : le sillage patient de la durée, l’inattendu et le meilleur. « Un rêve sans étoiles est un rêve oublié » Nos étoiles sont filantes et nos mémoires sont labiles. Du monde du vin et de la gastronomie, j’aimerais raconter les instants, les nuances subtiles et le bonheur dansant qui s’empare de nous quand nous rencontrons une forme de perfection. Il n’est pas nécessaire de publier un journal extime pour exister. Ce blog n’est pas un blog spécialisé pour wine geeks. Il est d’abord un lieu d’échanges, une série de passerelles, un réseau ouvert. Bienvenue sur les Mille Plateaux !

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