Rien… Hormis la découverte, grâce à un client camionneur qui l’emmène à Roanne, chez les frères Troisgros. Une révélation. Un hapax existentiel !
Un an plus tard, Freddy Girardet rachète à la commune de Crissier l’Hôtel de ville dans lequel se trouve ce qui n’est encore qu’un bistrot ouvert en 1966. Désormais la trajectoire sera limpide, sidérante, indélébile. Jusqu’à sa retraite en 1996.
Le Maître parti, Philippe Rochat, son second depuis sept ans, reprend le flambeau. Passation de témoin quasi idéale, malgré une sanction étrange du Bibendum qui lui retire momentanément sa troisième étoile.
Benoît Violier et Philippe Rochat, un grand respect mutuel et une succession réussie !
La première partie de la voie est tracée : dès le 1er décembre 1996, Philippe Rochat va poursuivre l’œuvre avec intransigeance et détermination.
La même année un jeune homme, originaire des Charentes, débarque à l’Hôtel de Ville en provenance de chez Robuchon. Au bénéfice d’une double formation (cuisinier et pâtissier), il va côtoyer durant quelques mois Freddy Girardet, puis travailler aux côtés de Philippe Rochat dont, trois ans plus tard, il devient le chef de cuisine. Son nom est déjà connu des gastronomes. Il s’appelle Benoît Violier et c’est un des grands de demain. MOF, ce chasseur est l’auteur d’ouvrages de références sur le gibier à poil et à plume.
Philippe Rochat dans la toute nouvelle cuisine de l'Hôtel de Ville.
Dès le premier avril 2012, Philippe Rochat lui passera officiellement le témoin. Les grands travaux ont déjà commencé. La cuisine a été entièrement refaite. La salle et la cave vont être également modifiées. A voir la cuisine futuriste, son organisation, ses plans de cuisson qui intègrent le dernier cri de l’induction, son confort (la température n’excède jamais 20 degrés), on se réjouit de voir la suite. Surtout la salle, pas très glamour…
En attendant, il est émouvant de voir les deux successeurs œuvrer côte à côte, en parfaite symbiose.
Et les plats de demain, quels seront-ils ? Benoît a des idées très précises là-dessus, en allant encore davantage vers le côté épuré, zen, centré sur le goût et le respect absolu du produit. Mais chut…
Un déjeuner du 17 novembre à Crissier
Vinaigrette de couteaux de l’Atlantique et Huîtres « Spéciales d’Ancelin » rafraîchies au naturel
Une vraie mise en bouche, lumineuse, subtilement iodée, sur des contrastes de texture.
Foie gras de canard chaud, artichauts épineux, fleurs d’hibiscus à l’huile de noisette
Superbe mariage de saveurs. La fleur d’hibiscus n’est pas un gadget ici et relance admirablement le plat.
Œuf en surprise à l’italienne aux truffes blanches d’Alba
Un des grands « classiques » dont on ne se lasse pas. Mais sans Parmesan désormais.
Grosses Saint Jacques de la baie de Seine en coquille
La perfection n’est pas de ce monde, je sais… Pour d’aucuns elle est peut-être située juste entre la pointe de Barfleur et le Cap de Hève en Normandie, où sont pêchées ces Saint-Jacques, mais surtout elle est dans la cuisson parfaite (dans la coquille) et la simplicité de l’accompagnement. Enfin presque !
Teppan-Yaki de lotte de Roscoff aux olives de Nyons, tomates confites et anchois de Collioure
Magique et difficile à égaler !
Grosses langoustines de l’île d’Ouessant au riz soufflé, parfumée au curry Madras
Il faut se lever de très bonne heure, même si l’on a la chance de vivre à Lampaul, pour déguster une telle merveille. Le riz soufflé crépite avec élégance, la chair de la langoustine une splendeur et le curry provoque une transition réussie avecl les plats suivants.
A ce moment du menu, on pourrait avoir l'envie de dire "ça suffit, n'en jetez plus, nous avons une après-midi de travail devant nous !"
Eh bien non, tout cela est si limpide, si posé, si évident qu'on se prend à rêver que le voyage ne finisse jamais, que la lumière continue d'être belle pour contempler le paysage et les dîneurs sages attablés devant ces miracles tels les disciples oyant le Sermon sur la Montagne…
Bécasse des Flandres flambées au cognac XO
Parfois, oui c’est vrai, même si les bécasses se font rares, parfois, il faudrait se relever la nuit, se souvenir que cet oiseau se déguste avec le plus grand respect, autant pour son « intelligence » que pour sa beauté (surtout les bécasses impressionnistes avec leurs plumes de peintre), quant à son goût, le décrire reviendrait presque à mettre des mots sur le silence…
Côtelettes de bouquetin sauce poivrade
Vous en connaissez beaucoup des chefs qui vont crapahuter le dimanche dans des endroits improbables, du Valais ou d’ailleurs, escarpés, pour chasser le bouquetin, reviennent dare dare avec leur prise et quelques jours plus tard vous la prépare live ? C’est ce que fait Benoît Violier quand il en a le loisir. Goût floral, épicé, rehaussé encore par le serpolet avec un tian de choux d’anthologie et un jus épuré. Du grand art. Respect !
Espoumas de poire Williams du Valais
Soufflé à la mangue poivrée rafraîchi aux fruits de la passion
L’inoxydable dessert de l’Hôtel de Ville, revu et corrigé, plus tonique et plus léger encore. Je ne suis guère partisan de ce genre de dessert en fin de repas mais là on est dans l’exception. Suivons-la jusqu’au bout !
Les vins
Gentil blanc 2010, Didier Joris
Remarquable expression du savagnin en Valais. Encore discret sur le plan aromatique, dans une gamme de fruits du verger et d’épices douces, il offre un corps sapide, élancé, avec une belle continuité et un élevage bien conduit.
Remarquable expression du savagnin en Valais. Encore discret sur le plan aromatique, dans une gamme de fruits du verger et d’épices douces, il offre un corps sapide, élancé, avec une belle continuité et un élevage bien conduit.
Cornalin 2006, Denis Mercier
Pour faire découvrir à mon commensal la noblesse d’un grand rouge valaisan et pour accompagner le gibier. Robe sombre. Notes de cerise noire, de baies des bois. Encore très jeune dans son expression. Corps dense, profond, doté d’une belle vinosité mais sans aucune lourdeur. Grande trame et finale aux tanins fermes et nuancés. Il a encore un bel avenir devant lui. Accord parfait avec le Bouquetin alors que sur la Bécasse un vin un peu plus évolué eût convenu davantage.
Pour faire découvrir à mon commensal la noblesse d’un grand rouge valaisan et pour accompagner le gibier. Robe sombre. Notes de cerise noire, de baies des bois. Encore très jeune dans son expression. Corps dense, profond, doté d’une belle vinosité mais sans aucune lourdeur. Grande trame et finale aux tanins fermes et nuancés. Il a encore un bel avenir devant lui. Accord parfait avec le Bouquetin alors que sur la Bécasse un vin un peu plus évolué eût convenu davantage.
Le restaurant Philippe Rochat – Restaurant de l'Hôtel de Ville – 1023 Crissier – Tél. +41 21 634 05 05
Ah oui, quelque part, il y avait aussi ce Montrose 1936 dont j'ai admiré les fragrances incroyables. Un clin d'oeil aussi au grand Freddy Girardet – le hasard l'a voulu ainsi – né un 17 novembre 1936 !
7 Comments
Superbe, Jacques !
Montrose 1937 avec quelques effluves encore, mais bouche cacochyme.
Le 1928 est mieux conservé.
Superbe reportage Jacques qui donne vraiment bien envie d’aller tester cette magnifique adresse; je m’étonne de la provenance de la grosse langoustine car je doute qu’on en pêche à Ouessant(plutôt le bar de ligne et le homard)
la lotte de Roscoff OK
(connais bien la région)
amitiés
bertrand
Ouessant c’est le lieu de naissance inscrit sur sa carte d’identité de cette melle langoustine, le bateau devait être du guilvinec M Le Goffe
On se rappelle que lors de la passation entre Girardet et Rochat,le Michelin avait enlevé une étoile et Philippe Rochat avait été chercher la 3ème l’année suivante.
Quand,le 23 décembre dernier,Gérard Rabaey décidait,lors de son dernier service au Pont-de-Brent de tirer sa révérence et de transmettre le témoin à Stéphane Decotterd,le Michelin a selon sa logique,enlevé une étoile à cette table prestigieuse.
La question est donc,que fera le Michelin avec l’Hôtel de ville de Crissier,quand officiellement Benoit Violier reprendra les commandes de sa nouvelle maison ?
N’est-ce pas une règle connue du Michelin que d’enlever automatiquement une étoile lors d’une passation de pouvoir entre deux chefs de cuisine ?
blogguillemoliva.blogspot…
Article sur la cuisine suisse :
http://www.slate.fr/story/64713/...