Premier épisode : The Future Now !
On commence par quelques 2008, histoire de prendre le ton d’un millésime qui n’a pas été facile, ici comme ailleurs. D’autant que c’était la première année où le domaine était intégralement en biodynamie. Les rendements (après sélections) sont un indicateur : 18 ha/ha alors que, pour mémoire, en 2007 ils étaient de 28/29 hl !
On retarde au maximum ici les malos et comme 2008 est un millésime assez réducteur, nous goûtons des vins encore dans leurs limbes : Echezeaux 2008, équilibré, avec beaucoup de grâce ; la Romanée-St-Vivant, plus dense, à la chair ample et satinée, pleines de promesses et la Romanée-Conti, presque énigmatique à ce stade, mais avec une belle vibration minérale. A suivre.
On retarde au maximum ici les malos et comme 2008 est un millésime assez réducteur, nous goûtons des vins encore dans leurs limbes : Echezeaux 2008, équilibré, avec beaucoup de grâce ; la Romanée-St-Vivant, plus dense, à la chair ample et satinée, pleines de promesses et la Romanée-Conti, presque énigmatique à ce stade, mais avec une belle vibration minérale. A suivre.
On ne recule devant rien à la DRC : ils ont même pensé à un lutrin (très pratique) pour mon MacBook Pro !
Passons au milllésime 2007…
Romanée-St-Vivant 2007 profil aromatique chatoyant, déjà expressif, d’une très belle plénitude, floral. Depuis 2005, la RSV a retrouvé toute sa place parmi l’empyrée des grands crus de la DRC, même si une (petite) partie des vignes va encore être arrachées, sur la bordure, sud-ouest, plus argileuse : sol compacté induisant une asphyxie des radicelles et qui nécessite un drainage.
Richebourg 2007 superbe nez, complexe, sur des notes de griotte, avec une touche florale. Corps dense, archétypique, qui associe à merveille une trame serrée à un sublime velouté de texture. Remarquable.
La Tâche 2007 grand bouquet, complexe, poivre, cardamome, floral, violette. Corps d’une superbe amplitude, ascendant. Tannins d’orfèvre, stricts et nuancés à la fois. Grande race.
Romanée-Conti 2007 si on ne goûtait pas comme le chef-d’œuvre, on pourrait penser qu’on s’est trompé d’histoire. Ou qu’on est à côté de la plaque… Rassurez-vous, il est à sa place. Au sommet !
Richebourg 2007 superbe nez, complexe, sur des notes de griotte, avec une touche florale. Corps dense, archétypique, qui associe à merveille une trame serrée à un sublime velouté de texture. Remarquable.
La Tâche 2007 grand bouquet, complexe, poivre, cardamome, floral, violette. Corps d’une superbe amplitude, ascendant. Tannins d’orfèvre, stricts et nuancés à la fois. Grande race.
Romanée-Conti 2007 si on ne goûtait pas comme le chef-d’œuvre, on pourrait penser qu’on s’est trompé d’histoire. Ou qu’on est à côté de la plaque… Rassurez-vous, il est à sa place. Au sommet !
Le vin est porté par une minéralité aérienne, il unit le ciel et la terre. Tellement beau qu’il arrache même des aveux inspirés et troublants au rude Bernard Noblet, le régisseur (31 ans de DRC tout de même…), lui apparemment si peu enclin au lyrisme et à la métaphore : « C’est une femme vêtue de soie, aux caresses infinies ; dessous on trouve la dentelle et puis il y a ce coup de griffe final…»
Certes, ce vin a toujours un peu moins de couleur que les autres, il ne dévoile pas tout de prime abord mais quelle empreinte il laisse en fin de bouche. Irradiante, parfaitement…
Nicolas Jacob, chef de culture de la Romanée-Conti : leçon de taille dans la St-Vivant.
Deuxième épisode, le vin et la musique à l'état pur.
On passe dans la crypte, un lieu hors du temps, serein, monacal. Le chemin qui y mène est certes jalonné de tous les trésors de la terre mais, je vous l’assure, il faut un certain dépouillement pour y accéder. « Nul n’entre vraiment ici, s’il n’est musicien… » pour détourner Platon.
Donc, on écoutera attentivement la musique des vins. D’autant qu’ils nous sont présentés à l’aveugle :
On passe dans la crypte, un lieu hors du temps, serein, monacal. Le chemin qui y mène est certes jalonné de tous les trésors de la terre mais, je vous l’assure, il faut un certain dépouillement pour y accéder. « Nul n’entre vraiment ici, s’il n’est musicien… » pour détourner Platon.
Donc, on écoutera attentivement la musique des vins. D’autant qu’ils nous sont présentés à l’aveugle :
Grands-Echezeaux 1999 Derrière le café, le moka, le créosote, les notes grillées, on trouve les nuances typiques du cru (fruits rouges et églantier). Belle structure avec un velouté de texture très présent, raffiné. On pense à Richebourg mais le doute subsiste : il n’en pas tout à fait l’allonge spectaculaire. Echezeaux serait dans la finesse, Richebourg avec davantage d’allonge. La réponse est simple : "un Grands-Echezeaux est un petit Richebourg… "assène M. Noblet. Donc, l'évidence est là : ce ne peut être qu'un Grands-Echezeaux. Dans toute sa splendeur.
Grands-Echezeaux 1994 il se goûte difficilement aujourd’hui, notes épicées, champignon, trace végétale. Pas d’extase ici.
De quoi susciter quelques rêves et additionner des poussières d'étoiles. Eh oui, pour connaître la révélation, il faut savoir attendre ! De grâce, pas d'infanticide !
Grands-Echezeaux 1989 superbe nez, solaire, notes de cacao, baies des bois, fruits rouges. L’un d’entre nous, qui a deviné que M. Noblet nous propose une mini verticale, mû par une forme d’illumination, lance : »Grands Echezeaux." comme s'il avait découvert une nouvelle planète ! En dépit de la maturité du millésime, ce vin a gardé une forme de fraîcheur. Le couple vivacité/minéralité est bien là. Le tannin est vigoureux, légèrement granuleux (pas d'égrappage), très savoureux. Finale de grande allure. Plus impressionnant à ce stade, même si moins raffiné, moins élégant, que La Tâche 1989 que nous dégusterons plus tard.
La Tâche 1956 alors là, c’est la séquence émotion ! Toujours à l’aveugle : bouquet magistral, truffé, puis floral avec des notes de rose de Damas, un réglissé d’anthologie, des vagues aromatiques qui vous submergent et vous titillent l’hypothalamus. A l’ouverture, il révèle des notes de cèdre, de noble poivron (que l’on trouve souvent sur ce cru), un végétal noble, un côté racinaire aussi. La bouche est fastueuse, presque infinie dans son développement avec une douceur tactile où, grands sensibles, se perdent les Poissons… D’ailleurs, c’est simple, François Mauss en a les larmes aux yeux : » Ce 1956, toute ma vie, je m’en souviendrai ! »
La Tâche 1956 alors là, c’est la séquence émotion ! Toujours à l’aveugle : bouquet magistral, truffé, puis floral avec des notes de rose de Damas, un réglissé d’anthologie, des vagues aromatiques qui vous submergent et vous titillent l’hypothalamus. A l’ouverture, il révèle des notes de cèdre, de noble poivron (que l’on trouve souvent sur ce cru), un végétal noble, un côté racinaire aussi. La bouche est fastueuse, presque infinie dans son développement avec une douceur tactile où, grands sensibles, se perdent les Poissons… D’ailleurs, c’est simple, François Mauss en a les larmes aux yeux : » Ce 1956, toute ma vie, je m’en souviendrai ! »
C'est là, tout près de cette rue au nom proustien, que les moines de St-Vivant sont arrivés avec les reliques du saint éponyme. Ce qui semble laisser François Mauss pantois d'admiration.
Aubert de Villaine, qui nous a rejoints, explique que 1956 était une année très pluvieuse avec des difficultés de maturation. Le domaine avait failli ne pas mettre ce millésime en bouteille. Et, aujourd’hui, grâce magique quelle complexité, cette leçon aussi : quelque chose comme la transcendance du terroir…
Goûtant ce vin à la propriété, il y a quelques années, deux musiciens du Philarmonique de Berlin avaient confié à Aubert de Villaine : »Nous avons assisté au dernier récital de Vladimir Horowitz. Il avait les doigts noués d’arthrose, mais, notamment dans les Scènes d’enfants de Schumann, il a atteint un tel niveau de perfection que nous avions l’impression d’entendre la musique à l’état pur. Ce vin lui ressemble : il est issu d’un millésime douloureux, blessé et, pourtant, c’est de l’essence de La Tâche, un vin à l’état pur ! »
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Bernard Noblet nous avait proposé cette mini verticale sur Echézeaux 2002, 99, 89.
Il voulait nous montrer que la richesse extravertie du 99 (qui prend presque une allure de syrah – un vin dans lequel il aurait fallu laisser plus de rafle selon lui) s’harmoniserait à la manière de ce que l’on trouve dans le 89, plus académique, à l’extravagance estompée.
Ensuite, ce fut un Montrachet 2002, pour montrer peut-être à Raphaël Coche-Dury qu’on produit aussi de grands vins blancs au DRC ! 🙂
Merci pour ce magnifique récit. En avril 2007, nous étions en compagnie de Didier Joris et de Christian Blaser "anciens profs de Changins" pour une visite mémorable… Je suis heureux de revoir Monsieur Nicolas Jacob en photo, il nous avait organisé une très belle visite viticole avant la dégustation à la cave avec Monsieur Bernard Noblet. Déguster lors de notre passage le Noirien parfait: Romanée-Conti 2006 prêt pour la mise en bouteille, je me suis dit que la perfection était là !
Oui, Christophe, une certaine idée de la perfection se trouve là, ancrée dans ce qui est devenu une évidence de terroir, après des siècles d’entêtement de civilisation. Ce qui est beau également, c’est de voir l’humilité (la vraie, celle qui est proche de la terre), des gens qui y travaillent, cette manière unique de vivre avec le temps, de capter le génie du lieu, de se mettre à son service. J’allais oublier : merci aux moines de ST-Vivant arrivés ici au IXème siècle et qui ont eu, les premiers, cette géniale intuition. La réhabilitation de ce qui reste de leur abbaye est également une manière de rendre hommage à ces sourciers, arrivés là, presque par hasard… http://www.saint-vivant.net/
Merci Jacques de nous faire partager ces rencontres. Moments de partage, presque privés de par leur unicité, teintés de l’émotion née d’une tangible imprégnation spirituelle.
St-Vivant, Conti et consorts resteront probablement une légende pour moi qui ne les approcherai peut être jamais mais ce n’est rien, mythes et légendes valent parfois tant …
… Cocteau lançait d’ailleurs avec panache un magnifique "l’Histoire ment, seule la Légende dit vrai".
Alors là Jacques, tu m’épates, tu as pourtant les pieds sur terre. Vu la durée habituelle de gestation de l’être humain, les naissances au premier trimestre sont évidemment dues au fait que le printemps est une saison qui favorise "les amitiés nocturnes", même si sous nos climats, elles ne sont pas obligatoirement nocturnes.
C’est vrai que sur la 1ere photo, le François, il a l’air tout ému et à mon avis sur la dernière, il sait plus où il habite.
Armand, je devine à quoi elles sont dues mais le rapport avec le vin, pourquoi tant de Poissons solubles dans le vin ?
Parce que les religions du Livre se sont employées à nous cacher le fait qu’à la création, il y avait l’eau avec des poissons et la terre avec la vigne dessus, et que ce sont les premiers à avoir peuplé la terre. L’évolution (Je tiens içi à remercier publiquement Darwin pour sa suggestion) à fait que les poissons devenus des hommes ont fait prospérer la vigne.
Merci pour la grande qualité de vos propos. Je partage à 100% vos sensations et surtout l’émotion. Pour info, en 2005, nous étions pour la première fois à la DRC avec votre ami Dr Chabloz, ce fut aussi un moment privilégié…
Sinon on sait que le signe de la Vierge correspond au début des vendanges, ce signe est l’opposé polaire du signe des Poissons, qui correspond donc au début du cycle de la vigne (tout ça étant évidemment symbolique)…En tout cas se serait possible
Oups, je voulais dire notre ami Dr Chabloz, roi de la fluidité !
Christophe, j’imagine Bernard Chabloz faisant son footing, avant la dégustation, en grimpant jusqu’au Cros Parentoux (quasi certain qu’il l’a fait !).
Armand : en plus tu connais l’astrologie ?
Il y a une dureté et une introspection eastwoodienne dans le visage de cet Aubert là …
Enfin, je ne voudrais pas "noyer le poisson" 😉
La photo de François c’était avant ou après avoir gouté la Tâche 56?
Pour l’édification des aficionados:
TÂCHE. peut être l’ouvrage, le travail qu’on donne à faire à une ou plusieurs personnes, à certaines conditions, dans un certain espace de temps,
mais provient plus surement du latin médiéval tasca, tascha (issu du latin classique taxare, v. taxer) qui est la redevance consistant en une part de fruits, souvent un onzième, que le tenancier doit au propriétaire pour des champs obtenus par la mise en valeur de terres vierges.
Merci Armand pour ces précisions. Selon "Le vignoble bourguignon, ses lieux-dits" (Ed J. Laffitte), "les terres étaient vraisemblablement travaillées à la tâche au lieu-dit "La Tâche" à Vosne-Romanée, c’est-à-dire que le l’ouvrage devait y être exécuté dans un temps déterminé.
Des précisions concernant 1956 :"le mois de janvier fut très doux, mais la chute de température fut brutale dans la nuit du 31 janvier au 1er février. On est passé de + 12 à – 12. Le froid allait s’installer jusqu’au 29 avec des températures qui frôlèrent plusieurs fois les – 30. La neige avait recouvert les vignes et les mois qui suivirent furent pluvieux et froids. La fin de la fleur fut très tardive, autour du 15 juillet ! Le ban des vendanges fut fixé au 15 octobre. Les journées des 23,24 et 25 furent entièrement dans le brouillard. La quantité de récolte fut faible et les vins qu’elle donna médiocres. (Millésimes en Bourgogne, Jacky Rigaux, Editions Terres en vue).
Visite de juin 2005 : … Sont alors abordés les spécificités et orientations des différents terroirs, les dégâts du phylloxera, la quête du matériel végétal le plus fin (sélection des plants, pépinière personnelle, …) et la philosophie culturale du domaine (essais en biodynamie, rendements, remplacement des plants trop vieux, …).
La dégustation et les explications sur les vinifications sont dirigées par Bernard Noblet, responsable technique de la maison. Il nous montre ainsi la table de tris dotée de perfectionnements « maison » et évoque les bienfaits de la vinification en vendange entière (les grappes sont ici éraflées le moins possible et Bernard Noblet regrette même de ne pas avoir mis plus de rafles sur ses 1999).
Des lieux et des personnes se dégage, pour reprendre le mot d’Anselme Selosse, une sérénité certaine. De la solennité, de la simplicité aussi.
Et il est vrai que le domaine paraît avoir, de par son histoire, un temps d’avance dans la réflexion et la recherche sur une bonne partie de ses pairs bourguignons. Cette soif de recherche et la batterie d’expérimentations en cours battent d’ailleurs en brèche l’image de sanctuaire figé qu’il peut parfois donner, image peut-être confortée par la farouche volonté de discrétion dont il s’entoure.
La dégustation peut alors commencer dans la crypte aménagée au fond de la cave. Les vins se montrent diaboliquement précis, d’un raffinement aromatique difficilement imitable, se situant au firmament de la Bourgogne.
Les dégâts du phylloxera:
avez vous évoqué la grandeur et la noblesse des clippers qui sillonnaient les mers, pour gagner le Mexique (entre autes lieux lg?, 😉
"Rue du temps perdu"… il fait bon y faire un tour.
Ca dépend:
Si c’est là où on le perd ou là où on peut le retrouver.
De fait, longtemps je me suis levé de bonne heure.
Levé tôt, couché tard…… et on ratait une oeuvre magistrale!
Mon seul problème concernant le temps perdu, c’est le fait de "perdre" le temps. Le perdre supposerai que l’on sache où il devrait se trouver, or le temps n’a pas de lieu, il passe.
Enfin, j’y retourne…
Yves,
Le vin entre tradition et modernité …
Vous vous rappelez ?
Thèse, antithèse, prothèse ! 🙂
Paul,
Je sors de Gran Torino …
Le vieux Clint y joue un taiseux, en mal de lui-même, injuriant, grommelant …
Bon, le final est un peu manichéen avec toujours cette idée de rédemption, de salut chrétien qui plairait à Onfray … 🙂
Le mexicain j’avais un prof de droit qui avait eu droit à ce commentaire lors de sa soutenance de thèse: "monsieur, ce n’est ni une thèse, ni une synthèse mais une foutaise" et ça le suivait……….
Le mexicain puisque vous nous assurez que le Clint n’est pas (comme d’hab)très nettement surévalué, je vais me précipiter pour le voir dès qu’il passera au ciné-club de la commune
Allez voir en priorité Mystic River …
Oui mais notre ciné club vient de fermer; ils passaient trop de films de Clint 🙂 🙂
Je ne vais plus guère au cinéma mais pour le grand Clint, je me déplace toujours. Manichéen ou pas, j’irai voir Gran Torino, d’autant que, vraisemblablement, c’est là son dernier rôle.
L’échange m’a paru factice, comme la plastique d’Angelina Jolie.
Million dollar baby est sensible.
La route de Madison m’a fait pleurer … (pensé aux livres de Zweig, au destin qui ne tient qu’à un fil).
Dans Gran Torino, Eastwood se filme mort dans un cerceuil : l’image est saisissante !
L’échange n’est pas factice du tout Laurent (ni forcément la Jolie d’ailleurs, êtes vous allé y regarder pour être si péremptoire ?), de très beaux moments de vérité en jaillissent.
L’inconfort vient du fait que la scène la plus cruciale est probablement la moins réussie : l’arrivée de "l’échangé" à la gare … il n’y a rien à faire, l’émotion n’y passe pas.
Mais est-elle seulement transmissible cette terrible émotion de la mère ? Dévastation.
Paul,
5/5 pour la scène ratée (idem pour le rapprochement entre le taciturne et son nouveau protégé dans Gran Torino).
Je suis d’accord que la bouche d’Angelina est moins ratée que celle d’Emmanuelle, qui a du croiser le docteur Maure (la moins ratée étant probablement celle de Julia Roberts). Et puis je n’aime pas trop les silhouettes anorexiques.
Ce qui est raté aussi : la reconstitution de l’époque, trop peaufinée, artificielle.
Vous avez raison de dire que l’analyse en sensibilité est d’une certaine manière indicible (idem pour le vin).
A quel type de moment de vérité précis pensez-vous ?
Je crois que ces moments de vérité sont les miens, je vais les garder. Ils ne vous parleraient peut être pas … et vous avez sûrement les vôtres.
Pour l’époque, la reconstitution est bien rendue je trouve, on était encore alors, justement, dans le détail et le peaufinement. Et aux prémices des faux semblants – artificiels – qui nous ont envahis.
Pour le reste, je ne crois pas que je vais discuter plus avant de ravalements et autres auto-mutilations. Aucun intérêt.
Au delà de ce lapsus auquel on ne croit guère, ce film a des ratés.
Il y a ici aussi un grand manichéisme, les bons contre les mauvais.
Des rues quasiment vides, une maison de lugubre comme un caveau, …
Une reconstitution muséifiée (le terme est des cahiers du cinéma).
Le trait est lourd (dans le massacre des innocents par ex, dans l’exécution capitale également), le fond hétérogène.
Cela dit, aucune intention pour moi de démentir l’émotion qu’il vous a communiquée.
Et voilà comment on est passé de la Romanée Conti, des traits marmoréens d’Aubert de Villaine à Gran Torino et à Clint Eastwood ! Drifting away… J’y cours tout à l’heure et vous en dirai davantage, si tout ceci m’inspire. Sûr qu’auparavant je vous aurai touché un mot de l’étrange "Minetti" vu l’autre soir au théâtre et de la bouleversante "exposition" de Michel Piccoli !
Jacques,
Nous étions aussi partis d’Horowitz … 🙂
Pensée agile.
Dites-nous, pour cet opus (sera-t-il le dernier ?).
Les cahiers détenteurs du bon goût me lassent plus que de raison Laurent ! Je tiens pour ma part ma source d’un professeur d’histoire américaine qui à trouvé la reconstitution fort à propos … M’enfin, les goûts, les couleurs et les avis !
Pour ce qui est de la maison, je pense que lugubre est bien le mot mais comment vivre là ensuite ? Un peu sombre peut être mais que voulez vous, Eastwood est tout de contrastes.
L’éxécution, vous y mettriez de la légereté ? Pour une fois qu’un cinéaste américain la montre dans toute son horreur et son inhumanité, on ne va quand même pas s’en plaindre … Si le monstre n’y gagne pas en humanité, l’intention de le montrer dans son ambivalence bourreau puis victime est bien réussie non ?
Enfin, ce n’est tout de même pas son meilleur film, je vous l’accorde.
Paul,
Pour le goût, je vous exprimais le mien, avant tout.
Habitation lugubre avant, déjà … (prémonitoire d’une perte déjà consommée ?).
Les scénes de l’hôpital psychiatrique sont lourdement filmées.
Il est possible que la reconstition matérielle soit à propos.
La situation psychologique est-elle très improbable (rendant la reconstitution dramatique très contestable).
L’emphase nuit au propos.
L’exagération, l’approximation (y compris dans l’intervention du prêtre militant/Malkovich) nuisent à la véracité d’un récit en surface, aseptisé.
Vous partagez au final l’avis de Sean Penn 🙂
Je me rends compte que je n’ai vraiment pas adhéré au jeu de l’actrice (en course aux oscars ?), ce qui, vous en conviendrez, est un handicap lourd ! 🙂
Cordialement
Content de partager l’avis de ce qui se fait de mieux en matière d’écorché vif, d’acteur sublime, de transcendance sur pieds ! Il est grand.
Pour le reste, on arrive à se rejoindre un peu … un peu seulement, faut pas exagérer ! Quant à l’oscar, on est à côté de la plaque, certes.
Sean Penn considère entre les murs comme un très grand film et François Bégaudeau comme un immense acteur …
Il est un peu naïf, là …
C’est en effet un acteur prodigieux.
Mystic River (Eastwood), She is so lovely (Nick Cassavetes), Dead man walking (Tim Robbins) …
Je ne sais pas s’il aime les vins du DRC ?!
Un autre écorché génial au cinéma qui est allé jusqu’au bout : Dewaere (série noire, coup de tête, F comme Fairbanks, un mauvais fils, beau-père).
En bon acteur, il y a aussi Vincent Cassel (marié à la Angelina Jolie franco-italienne …).
Nan, je déconne ! 🙂
Laurent et Paul, je sors tout juste de Gran Torino… Du grand Clint Eastwood, dans un genre qu’il explore depuis de nombreuses années. Toujours ce poids écrasant de la "faute" et son corollaire, la rédemption, qui donne ici tout son sens au film. Quand tout a foiré, comment peut-on être sauvé ? C’est noir et lumineux à la fois. Je mets ce film en parallèle avec "Minetti" de Thomas Bernhard, vu au théâtre avant-hier. Piccoli, même génération que Eastwood, y est sublimissime, la pièce encore plus désespérée et, au final, aucune rédemption, juste la neige qui tombe, le silence, la parole qui meurt…
Peut-être y reviendrai-je…
Clint Eastwood commencera dans les prochains jours en Afrique du sud le tournage de son prochain film – dont le titre n’est pas fixé -, avec Matt Damon et Morgan Freeman, qui évoque l’apartheid et retrace une partie de la vie de Nelson Mandela, sur fond de Coupe du monde de rugby de 1995.
Lu que Gran Torino avait été tournée en 3 petites semaines (à Détroit) : chapeau !
Laurent, je comprends mieux la qualité très moyenne de l’image. Dans un premier temps, comme j’ai atterri dans une salle de cinéma un peu décatie, je me suis demandé si c’était une question de matériel… Avez-vous eu cette perception d’une image presque délavée ?
Un problème de cataracte peut-être (pour Clint, bien naturellement).
laurent
Non, pas vraiment …
Une photo moyenne, du moins pas surtravaillée (comme dans l’échange) -:)
Je sors d’un affligeant slumdog millionnaire (je m’y attendais un peu, prévenu par les Cahiers, Paul :-))
Fil rouge de caricatures, les clichés habituels sur l’Inde y ayant bon dos.
Scénario bâclé, infantilisant (la salle a aimé, apparemment, reconnaissant bien ce jeu d’argent).
Mise en scène agitée, un peu comme si Luc Besson s’était emparé de la cité de la joie (scénes de Yamakazis comprises) ou encore de "Shataram".
Bref, un divertissement mondialisé, infantilisant (8 oscars, tout de même !) propice à s’avachir devant JP Foucault avec un saut de pop-corn.
Pour de l’Inde et de l’intelligence, voir :
http://www.liberation.fr/culture...
Gloups …
Un seau de pop-corn …
J’en profite pour :
Cahiers du cinéma :
Mise sous adrénaline grâce à un découpage nerveux et un mixage sonore agressif, la chronique tiers-modiste obtient sans gêne son droit à un épilogue dansé et au spectacle total, destiné au plus grand nombre. Avalé, la pilule sociale fait l’effet d’une ecstasy.
Télérama :
Pourtant, quelque chose dérange dans ces images exotiques, qui donnent de jolies couleurs même à la mutilation et à la mort. Entre saris criards, bande-son étourdissante et inévitable love story dégoulinante, le message clignote : il y a du bonheur et de la beauté même dans la misère, et en plus, sur un coup de bol, on peut s’en sortir et gagner des millions. Ce récit invraisemblable souligne au contraire, involontairement, la cruauté d’une réalité très peu glamour.
Voir et, surtout, entendre ici…
http://www.youtube.com/v/dxz2UfC...