Alors ce Simon-Says ! que vaut-il au juste ? Et bien, il est highly recommended. J’aime son style, son ironie distante, sa façon d’éreinter aussi, de briser les reins de l'impéritie. L'intitulé des rubriques donne déjà le la. Si, après cela, on n’est pas au diapason, c’est qu’on ne lit pas la même partition : CROQUE-NOTES / OH YOU, PRETTY THINGS / HACHE MENU / DETOURS DU MONDE, AH NON, PAS CA !
Dans cette dernière rubrique, on attend avec impatience la suite de la chronique d’un désastre annoncé : Thierry Marx? Mince alors…
"J'étais venu les papates devant pour faire un papier confortable et bienveillant histoire de coller au peloton des adorateurs.Et patatras, je n'ai rien pigé à la cuisine de Thierry Marx, à Cordeillan Bages, Pauillac." comme le dit François Simon.
Face à la cohorte des thuriféraires de la "planète Marx", François Simon doit se sentir bien seul… Qu’il se rassure. Nous sommes au moins deux ! Moi, non plus, je n’ai pas capté cette exo-cuisine, inutilement compliquée, absconse même, pseudo-ludique. Comme j’étais invité, j’ai fermé ma gueule… A la fin du repas toutefois, ce moment, bref, de joie irradiante, ce fou rire aussi : une sucette chocolat glacée emplie d’un jus de fruit de la passion, venait de se rompre, imprimant son empreinte indélébile sur ma cravate !
Là où François Simon innove, semble-t-il, c’est lorsqu'il joue les vidéastes conspirateurs pour mettre en scène son travail d’enquêteur (très tendance, l'enquêteur, le côté consumériste, très dix-huitième aussi… le siècle, pas l’arrondissement).
Il filme en ombre rasante, au ras des compositions et des textures et il commente, in vivo, d'un voix un brin distante, un peu gainsborienne, alentie. Bardé de capteurs et de sondes, il vous décrit même la température de la salle, celle du verre de vin, les temps d'attente entre les plats, les moiteurs soudaines, les épanchements secrets ; demain, c’est sûr, il nous dévoilera ce qui se passe sous la table. Après l’Enquête sur l’entendement humain, voici l’enquête sur un autre objet improbable, celui de la critique gastronomique, celui pour lequel, peu ou prou, nous redevenons tous, un jour ou jamais, des âmes d’enfants, en culottes courtes sous la table, des gourmands en jachère, des prédateurs redoutables, des chefs de meute, des blasés cachexiques, bref des Simon en herbe… Je crains d’ailleurs qu’il ne fasse école avec sa caméra et c’est bien là un des graves dangers qui plane sur le paysage gastronomique. Filmer la scène… Imaginez le tableau ! Dommage qu’il ne fasse école sur le plan du style, de la restitution des atmosphères. Donner à voir, c’est bien et l’image est d’un précieux secours pour traduire parfois les compositions tarabiscotées de certains chefs mais donner à goûter et à sentir, cela passe surtout par la métaphore et la description, un rien enlevée… Au final, c'est toujours le commentaire qui l'emporte : "et là, ce plat, c'est quasiment du Heidegger, y a un boeuf-carottes, new age, si vous comprenez pas on va vous expliquer, c'est assez anti-péquenot : carottes, joli boeuf comme du carambar, et vous avez deux versions, cru, cuit, qu'est-ce que ça donne ? Ah ! bien ! C'est brut, c'est un plat frontal. C'est dire que le chef ne louvoie pas."
« Depuis Ratatouille, je n'y ai pas coupé: je suis devenu la coqueluche de mes neveux. L'ordure à la tronche de croque mort, c'est donc ma pomme. » (François Simon)
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