Arrêt, sur la route, pour déguster chez Coche-Dury (où je n’étais pas venu depuis un certain temps…) L’homme est réservé, peu disert, mais on devine une grande sensibilité, qui ne se livre qu’avec prudence, dans la confiance absolue. Les vins sont exemplaires, ciselés, précis, parfois un peu marqués par l’élevage en vin jeune (et donc reconnaissables, à l’aveugle, par les plus sagaces). Entre 2006, 2007 et 2008, J.F. Coche-Dury semble préférer les 2008, « plus complets, même s’ils vieilliront plus vite que les 2007. Quant aux 2006, ils sont bons maintenant ! » Et les 2009 ? Parlons-on… « Riches, tendres et charmeurs, vous voulez les goûter ? »
Jean-François Coche-Dury
C’est parti pour un tour de cave où le Meursault-Perrières et le Corton-Charlemagne 2009 s’annoncent particulièrement excitants, pour les bienheureux allocataires, parce que pour ce qui est de les déguster au restaurant…
En ce qui concerne les 2008, je mettrais en exergue le Meursault Vireuils Dessus, tendu, aérien et dynamique et le Meursault 1er Cru Les Caillerets, complexe, minéral, épicé, à la finale imposante (en dépit de la relative jeunesse des vignes). Quant au Meursault-Genevrières 2008, il donnera d’ici dix ans une somptueuse bouteille.
On s'envole dare-dare chez David Duband, sur les hauteurs de Nuits. Pour passer en revue ses 2009…
J’ai déjà dressé ici le portrait rapide de ce producteur que je tiens pour l’un des fers de lance de la nouvelle génération bourguignonne.
Aujourd’hui, David a la chance de pouvoir vinifier quelques-uns des plus grands terroirs de la Côte de Nuits, avec beaucoup de très vieilles vignes. Dernières appellations en date : Latricières-Chambertin et Chambertin (ex domaine Rémy). Rien que ça !
David Duband
L’homogénéité de la gamme est impressionnante, le style, de plus en plus proche du terroir, épuré, avec un pourcentage important de vendanges entières.
Difficile de choisir quelques vins. Je mettrais en évidence le Chambolle-Musigny 1er Cru Les Sentiers 2009, issu d’une vigne de 65, merveilleux de raffinement dans la texture et d’une allonge sidérante. Le Nuits St-Georges 1er Cru 2009 Les Procès, est un autre vin magistral, dense, rectiligne, au potentiel énorme. L’Echezeaux 2009, en provenance d’une vigne de 80 ans et qui, dans ce millésime, atteint des sommets, floral, élancé, d’une merveilleuse élégance. A coup sûr, le meilleur Echezeaux produit à ce jour par David Duband !
On termine en apothéose avec le Chambertin 2009, qui, même si les vignes viennent à peine d’être reprises, exprime dans ce millésime l’immense noblesse de son terroir avec ses notes de rose et de réglisse, ses tannins à la fois fermes et veloutés.
La dégustation est ponctuée par quelques considérations magistrales sur l’ego des vignerons, le prix des vins, les fables que certains continuent de raconter aux crédules et aux naïfs, sur tout ce qui marche à l’envers, en Bourgogne et ailleurs. Exigeant pour lui, comme pour les autres, excellent dégustateur, passionné par les grands terroirs de la Bourgogne, parti de rien (ou presque), David Duband a gardé cette fraîcheur et cette passion qui aux meilleurs. Un futur grand ? Mieux que ça : il y est déjà !
Et pendant ce temps où était notre collectionneur américain ? Il arrivait de San Francisco, précédé de quelques jours par sa cohorte de bouteilles choisies au fond de sa cave.
Et c’est chez Faiveley, à Nuits St-Georges, où nous accueillent Jérôme Flous, directeur technique, et Bernard Hervet, directeur général, nous nous retrouvons. C’est par l’entremise de ce dernier, que la rencontre s’opère. Telle est la magie du monde du vin. Nous ne connaissions pas. Quelques heures plus tard, nous aurons partagé un moment qui, sans doute, restera un souvenir lumineux avec des sensations inoubliables !
Ici, également, un très beau tour de cave nous attend, précédé par la dégustation des 2008 en bouteilles.
Le renouveau de Faiveley est une réalité depuis l’arrivée ici de Bernard Hervet qui a accompli un travail remarquable que j’ai déjà évoqué ici.
Le renouveau de Faiveley est une réalité depuis l’arrivée ici de Bernard Hervet qui a accompli un travail remarquable que j’ai déjà évoqué ici.
Deux blancs et deux rouges m’ont particulièrement impressionné sur ce millésime. Le Gevrey-Chambertin 1er Cru Cazetiers 2008, sur les fruits exotiques, la mangue, les épices, la réglisse. Pulpeux, dense, d’une trame tannique parfaitement ajustée. Superbe. Le Latricières-Chambertin 2008, au nez floral, de pétale de rose. Merveilleusement équilibré, il est déjà très uni, harmonieux (davantage que le Mazys à ce stade), sans une once d’austérité.
Et, en blanc, le subtil Puligny-Montrachet 1er Cru Les Referts 2008, très expressif, au nez de poire, de pêche blanche, très pur, cristallin, svelte, aérien, au corps de danseur. Et puis, le Bienvenues-Bâtard-Montrachet 2008 qui, même si son nez est encore sur la retenue, enthousiasme par son corps élancé, tonique, à la persistance interminable sur des notes salines. C’est, dans ce millésime, le vin blanc le plus riche de la cave avec une acidité équivalente à celle du Bâtard-Montrachet, par exemple. Pourtant, cette richesse ne se perçoit pas, grâce à cette incroyable salinité.
Steve Wolking est étonnamment discret pour un Américain. Il prend quelques notes mais ses mots sont rares. Mais, là, c’est sûr, une étincelle s’est allumée au fond de son regard, comme tout à l’heure pour le Latricières. Bon, il faudrait dire aussi quelques mots du Corton-Charlemagne 2008, aérien, d’une merveilleuse transparence du terroir.
Dégustation chez Faiveley avec Bernard Hervet et Jérôme Flous.
Les 2009 sont juste au-dessous, encore en élevage, dans la magnifique et vaste cave enterrée du domaine. Impossible de ne pas aller les déguster, d’autant que l’illustre docteur qui m’accompagne rêve de les parangonner avec sa production valaisanne…
Comme chez Duband tout à l’heure, plusieurs chefs-d’œuvre sont ici en devenir. Difficile de tous les nommer mais citons l’épatant Nuits-St-Georges Les Damodes : il a la touche de « spicy moka » qui est la caractéristique du millésime et que l’on retrouvait sur les 1959 et les 1964 explique Bernard Hervet à Mr Wolking. Les Damodes est peut-être le meilleur premier cru de la cave dans ce millésime… Quoique : le Chambolle-Musigny 1er Cru Les Fuées (non égrappé et pigé à la main) associe mystérieusement la noblesse terrienne de son terroir à une forme de grâce romantique. Merveilleux ! Et revoici, le Latricières-Chambertin, aristocratique, élancé comme un trait de shodô. Pureté du style dans le sillage du terroir.
Mais il y a plus encore, en forme d’apothéose, le Clos de Bèze 2009, vieilles vignes, isolation parcellaire faite pour la deuxième fois et qui sans doute le restera. Extraordinaire vin, complexe, à la texture satinée sur une assise implacable, à la finale irradiante.
Qui ne rêverait, à ce moment précis, d’une potion d’éternité pour revoir ce vin dans son accomplissement, disons dans trente ans ? Qui sait ? C’est peut-être jouable…
Et ce dîner d’amateurs ? On y vient… A demain donc !
6 Comments
La Maison Faiveley va faire parler d’elle de plus en plus, tant les progrès sont effectivement impressionnants : fin des vins un peu trop durs,apport d’une souplesse délicate là où elle était nécessaire, et cela n’a pas échappé aux Tanzer, Meadows et même le Wine Spec dont le dernier opus est un éloge unique à la Bourgogne.
Il est temps de sortir du faux schéma : "les grands bourgognes ne peuvent être réalisés que par les "petits" domaines, alors que les maisons de négoce, comme Jadot, Bouchard, Faiveley ne seraient pas capables de faire aussi bon, pris qu’elles seraient dans un fallacieux impératif de pur et simple rendement financier".
La force supplémentaire de ces maisons de négoce est d’avoir des volumes. Ce n’est pas rien.
Un grand Monsieur, ce collectionneur 🙂
Prises : sorry !
Une question qui m’intéresse grandement, Jacques : maintenant que j’ai l’avis de JF Coche sur les blancs 2008, qu’en est il de celui de Bernard Hervet, svp ? Que pense-t-il des blancs Côte d’Oriens sur ce millésime ? Merci d’avance.
Et j’espère que votre camarade de voyage s’est bien comporté : pas top "immenssissime", j’espère ?!
Les CC de Fiaveley seront toujours moins "sexy" que ceux de JFCD.
Il y a d’un côté le jean de JFCD et de l’autre un beau costume sur mesure 🙂
En fait, l’amateur se doit d’avoir les deux : un ardent impératif !
L’immenssissime: il débloque ou quoi ?
Merci de me donner l’occasion de le préciser, Nicolas : pour Bernard Hervet, 2008 est un très grand millésime de vins blancs en Bourgogne, le meilleur depuis 2000…
Et merci de me conforter dans mon opinion, Jacques !
A Chablis par exemple, les 2008 sont ce que j’ai goûté de plus formellement beau (dans l’équilibre) depuis les 2002. Vincent Dauvissat pense idem. Et d’autres également.
Ceci dit, le millésime n’était apparement pas facile à "accoucher". Ils n’en n’auront que plus de valeur aux yeux des amateurs de grands blancs de gastronomie. Je dis cela avant que la ruée sur les 2009 ne prenne vie…