A travers deux de ses climats phares sur Volnay, les Champans et le Clos des Ducs, le domaine d’Angerville était à l’honneur pour ce parcours vertical guidé par Jacky Rigaux. Ce domaine fait partie de l’élite de la Bourgogne, non seulement par la qualité de ses vins, mais par son histoire. Connu dès la fin du XVe siècle, le domaine fut la propriété des Ducs de la Maison de Bourgogne et le roi lui-même y possédait 275 ouvrées dans les meilleurs climats de Volnay. Le clos des Ducs, monopole du domaine, y est décrit comme formé d’anciennes vignes « assises sous Roches » couvrant 52 ouvrées en 1507, soit exactement les 2.15 hectares d’aujourd’hui.
Depuis 1804, date de l’acquisition du domaine (appelé alors le Clos des Ducs) par le Baron du Mesnil, le domaine va demeurer dans la même famille : c’est en effet, Sem d’Angerville, neveu d’Eugène du Mesnil, qui dès le début du XXe siècle, après la crise du phylloxera, se consacre à remettre en état ce vignoble prestigieux. Le marquis d’Angerville milite avec quelques autres propriétaires en faveur du « vin authentique » et s’oppose aux pratiques du négoce beaunois qui « fabriquait » des vins de Beaune, de Chambertin ou de Pommard en fonction de ses intérêts et des goûts supposés de sa clientèle. En représailles de cette attitude frondeuse, le négoce boycotte la vente des vins du domaine et c’est ainsi que le domaine d’Angerville sera un des premiers à mettre sa production en bouteilles et à la vendre directement. C’est l’invention des « vins de vignerons » à laquelle le domaine d’Angerville participe activement.
C’est Jacques d’Angerville qui a succédé à son père, Sem, en 1952 et qui contribuera à l’essor et à la renommée du domaine, vinifiant 52 millésimes. En aparté, Jacky Rigaux a d’ailleurs évoqué avec émotion le souvenir d’une dégustation verticale des vins du domaine en compagnie de Jacques d’Angerville et de Didier Dagueneau.
En juillet 2003, après la mort de son père, c’est Guillaume d’Angerville qui a repris le domaine, dans la voie tracée par son père, opérant dès 2006 une conversion à la biodynamie.
Comme l’a justement rappelé Jacky Rigaux au cours de son introduction, Volnay est vraisemblablement un des villages qui a le plus affiné le contact entre l’homme et la nature, car c’est dans ce village qu’on trouve le plus de climats pour un petit territoire. « C’est peut-être là qu’on a commencé à affiner cette découverte qu’un cépage particulier sur un lieu particulier donne chaque année un vin avec un goût différent ».
Et Jacky de souligner au passage l’influence des Bénédictins qui ont su affiner le génie du lieu où s’exprime le goût particulier du raisin. « Il va y avoir des différences d’un finage à l’autre et, au sein de chaque finage, des goûts différents qui vont correspondre à des climats. Les Gallo-Romains et les Romains ont ainsi jeté les bases d’une esthétique du goût, les Gaulois ont inventé le tonneau. C’est ainsi que naîtra le vin sec de lieu. C’est la raison pour laquelle on ne peut pas réduire le terroir à sa géologie ». Et à propos de la pratique biodynamique comme révélatrice des terroirs, Jacky Rigaux ajoute encore : » grâce à mon rapport à la biodynamie, j’ai retrouvé le plaisir de comprendre Aristote et ce qu’il entend par nature. J’ai enfin compris ce qu’il voulait dire par nature. Un vin de lieu, un vin au goût original ».
C’est dit !
La dégustation
Volnay 1er Cru Champans 2009
Magnifique premier nez, de l’intensité, de la profondeur. Orienté sur le fruit, avec un côté fruits frais, rouges. Entrée en bouche précise, fraîche. Corps élancé. Belle ligne en bouche, la vivacité est articulée sur la fraîcheur du fruit. Il y a une parfaite correspondance entre les deux. Pas du tout marqué par le caractère du millésime. Très belle cuvée, vibrante, avec de l’énergie. J.R. : « la vivacité fait vibrer la consistance ! »
Volnay 1er Cru Clos des Ducs 2009
La robe est un peu plus soutenue, mais un peu plus évoluée également. Nez très différent : plus épicé avec des notes plus terriennes. Au palais, on retrouve ce caractère plus terrien, presque racinaire, avec une note de cuir. La trame est serrée, plus austère peut-être dans sa présentation, mais avec du coffre. Le tanin est d’un grain différent de celui des Champans, un peu plus « rugueux ».
Volnay 1er Cru Champans 2008
Couleur un peu plus légère, d’un très beau rubis lumineux. Il y a eu beaucoup de millerandage dans ce millésime rappelle JR. « C’est un millésime de petites grumes : avec l’aide du vent du nord en fin de parcours, le raisin a pu mûrir . Comme le rappelait récemment Pierre Overnoy, ne nous privons pas des nez les plus fugaces durant les 8 premières secondes. C’est ce que j’appelle le nez Chauvet, ici fruits rouges, poivre blanc ».
Le millésime convient très bien à ce Champans. Il est ciselé, dynamique, parfaitement uni, avec une finale peut-être un peu effilée, mais délicieuse, qui n’est pas sans rappeler les Champans d’un autre maître du genre, Hubert de Montille.
Volnay 1er Cru Clos des Ducs Clos des Ducs 2008
Nez présent, même si d’intensité moyenne à ce stade. le raisin est à nouveau un peu moins frais, moins pimpant ici. On a l’impression que le bois l’a un peu plus fatigué. Le tanin est ferme, épicé, avec une patine remarquable dans ce millésime et un corps un peu plus évasé.
Volnay 1er Cru Champans 2007
Robe plus sombre. Premiez nez très animal. « C’est un rebelle, un sauvage ! », dixit un participant. Les deux bouteilles de Champans ouvertes ce soir sont marquées par le co2. Une triple décantation permet de pallier ce problème. On peut penser, vu l’âge du vin, à une reprise de fermentation. La bouche, après décantation, révèle pourtant ses qualités avec une chair pulpeuse. C’est un Champans plutôt fringant, qui en gardé sous le pied.
Volnay 1er Cru Clos des Ducs 2007
Robe sombre. Nez expressif, profond, avec de belles nuances florales. Très belle texture, du volume, léger CO2 perceptible. Dans ce millésime, le Champans prend le dessus sur le précédent.
Volnay 1er Cru Champans 2006
Notes très pures de baies des bois. Bouche élégante C’est un Champans plutôt épaulé, doté d’une trame assez serrée, avec une vraie noblesse d’expression après quelques minutes d’ouverture, malgré une présence tanique en lutte avec la vivacité.
Volnay 1er Cru Clos des Ducs 2006
On constate ici à quel point le Clos des Ducs a besoin de quelques années de vieillissement pour exprimer son potentiel. Le nez est truffé, complexe.
Corps superbe, ample, doté d’un très beau volume. Il s’exprime sur une finale aux notes minérales et terriennes. Et un tanin très noble, épicé.
Volnay 1er Cru Champans 2005
Superbe couleur. Nez au diapason. Merveilleuse profondeur sur des notes de fruitées et florales (violette). Corps superbe, dense, complet, stylé. C’est un vin d’une grande plénitude, à la chair gourmande, avec une trame implacable, millimétrique. Un des vins de la soirée !
Volnay 1er Cru Clos des Ducs 2005
Le nez offre de prime abord un peu moins de noblesse que le précédent. Un peu moins dégagé, sur le floral. Belle bouche, noblement réglissée avec une allonge finale qui impressionne. Il est un vin moins évident que le Champans à ce stade, mais il révèle une vraie dimension de profondeur et sa finale est complexe ! « C’est un vin d’altérité ! » s’exclame Jacky Rigaux. Un autre participant donne sa vision : « on se trouve en présence d’une chair tendre, gracile, bien rythmée, comme un aristo qui aurait fait sa révolution et qui aurait posé un cadre en disant : arrêtez de vous battre, soyez créatif ! »
Volnay 1er Cru Champans 2003
Robe soutenue. Nez superbe par la maturité du fruit. Bouche suave, avec de la fraîcheur, on a une trame acide présente en filigrane, qui le tient et le tire vers les baies des bois. Une réussite !
Volnay 1er Cru Clos des Ducs 2003
Aromatique baroque, généreuse, sur des notes de fruits noirs rôtis. Grande texture, veloutée. Volume ample et velouté de texture quasi irrésistible. Le tanin est réglissé et la finale chaleureuse, impression renforcée par un pourcentage de bois neuf sans doute plus important dans ce millésime.
Comment
Pas toujours faciles en jeunesse, les vins d’Angerville.
A contrario, je me suis récemment régalé d’un superbe Champans 1993, commençant seulement à se dévoiler.