Jour 1 : Monsieur François Fillon…
Mercredi 29 mars : En route pour Bordeaux. Le plan Vigipirate a été activé suite aux nombreuses « alertes aux 100 points » lancées par celui que d’aucuns appellent Bob Quarin Jr…
Un qui tente de demeurer droit dans ses bottes et qui n’a pas oublié son nom, c’est François Fillon. Au moment où vous lirez ces lignes, ce dernier aura peut-être accédé à l’Elysée. Ses débuts en politique furent pourtant bien hésitants. Confié par son père à une grande figure politique de la Sarthe, l’énergique Madame Izambart, censée lui inculquer les rudiments du « métier », le jeune Fillon arrive avec deux heures de retard à son rendez-vous. « Bonjour Monsieur. A qui ai-je l’honneur ? demande la maire de Crannes-en-Champagne. « Monsieur François Fillon… » répond avec toupet le jeune homme. La réponse de Madame Izambart claque : « Egal petit con ! ».
Cette anecdote est tirée de Je ne suis pas un saint, l’histoire du jeune et mystérieux François Fillon de Julien Rebucci. Elle ne changera pas la face de la France. L’éventuelle accession de FF au pouvoir non plus.
Il flotte comme un air de douceur champêtre lorsque j’arrive dans le Médoc en début de soirée. Le printemps s’est installé. J’emprunte un chemin de traverse qui file en direction de l’estuaire. Dans une trouée d’arbres, j’aperçois un autre château Margaux. Vue des coulisses, privée de ses quatre colonnes ioniques, la bâtisse de style palladien a des allures beaucoup plus modestes, plus mystérieuses également, que sur son versant face.
Avant de m’endormir, je pense à ce château Margaux dégusté par une cordée dans la face nord de l’Eiger. Je relate cette histoire dans une nouvelle parue dans l’excellente revue Skopeo éditée par CVBG Bordeaux. Ça s’appelle : « Le temps du vin, des pierres et du silence ».
Jour 2 : La Jérusalem céleste…
La journée démarre sur une très belle inspiration, un sillon, un sillage, des saveurs rythmées au grain lumineux.
C’est à château Palmer que ça commence et ça groove à la perfection. Thomas Duroux est apaisé. Il sait qu’il revient de loin. « 2016 est fondateur pour nous, comme tous les grands domaines qui sont passés en biodynamie, car il y a toujours un millésime où on paie le prix. Aujourd’hui je suis heureux et fier qu’on ait tenu la baraque. »
Puis, en aparté : « Archie Shepp est arrivé hier avec son quartet. Il joue pour nous demain soir. Tu seras des nôtres ? ». « Hélas non ! », je lui réponds, un peu désespéré, « je serai sur l’autre rive, à Saint-Emilion et je le regretterai infiniment ! »
A Margaux, dégustation en compagnie du nouveau directeur général, Philippe Bascaules, de Sébastien Vergne (un petit air de Macron !) et de Thibault Pontallier. J’admire la précision, la grâce, la magie de ce Margaux. Une véritable épure qu’aurait adorée le regretté Paul Pontallier, disparu l’an dernier !
Tout est calme, presque alenti, lorsque j’arrive à Ducru-Beaucaillou. Les dégustations des Primeurs commenceront la semaine prochaine. Précédé par un buzz important et toutes les alertes dont il a déjà été question, le millésime 2016 va jeter sur les routes du Médoc tous les cracheurs de la planète. En ce temps-là, on dira : « chantez la vigne au vin généreux ! ». Bruno Borie parle d’un millésime biblique. Mêlant la Genèse, le livre de l’Exode et l’Apocalypse selon St-Jean, il métaphorise le 2016 à travers de grands archétypes religieux. Le premier épisode est évidemment celui du Déluge avec les six mois de pluies de janvier à juin. Les dix plaies d’Egypte sont condensées à travers l’importante pression de mildiou que certaines propriétés ont connue entre mai et juin. L’été chaud et, surtout, très sec, sans une goutte de pluie, évoque la Traversée du désert. Et puis ? Arrive alors, poursuit-il, cet été indien, juste précédé par une pluie bienfaitrice, le 16 septembre. C’est en la Jérusalem céleste, associée à l’Eden, à la terre promise et une idée de la perfection, conclut-il. Ce jour-là, au moment où Bruno Borie déployait la fresque de ce « millésime biblique », j’ai pris quelques photos de lui. Etrangement, elles ont disparu de la carte-mémoire.
Je poursuis ma route en m’arrêtant à Léoville Las Cases où, à l’image du fameux lion du portail, les vins de la propriété dressent leur silhouette altière, un brin impérieuse. Un peu plus loin, à Montrose, je reste en arrêt de longues minutes devant ce 2016 qui paraît condenser toute la magie du millésime. Vincent Decup, maître de chai, a des tremolos dans la voix quand il parle de la propriété : « Montrose, c’est une comète, ça va très vite. Financièrement, elle peut se permettre des choses en bio que Tronquoy ne peut pas se permettre, mais celle-ci bénéficie de tous nos échanges. » La comète a donné naissance à une étoile dansante.
Et puisque les astres sont favorables, nul doute qu’à Calon-Ségur la fête va continuer. Le nouveau cuvier et les chais sont maintenant terminés et Vincent Millet se fait un plaisir de me montrer cette très belle réalisation et de présenter un Calon-Ségur qui restera dans les annales de la propriété.
Un peu à l’écart, le château. La chartreuse plus tôt. Entièrement dépiautée, mise à nu dans ses strates successives – on peut y lire une partie de l’histoire de la propriété. Dans un an, des salons de réception et huit suites verront le jour !
Qu’en penserait Madame Capbern-Gasqueton, dont j’ai fait le portrait dans mon blog en avril 2007:
« Même s’il fut un temps où elle ne daignait pas me recevoir pour goûter son vin, je voue une indéfectible admiration à Madame Capbern-Gasqueton. Je suis particulièrement heureux à la perspective de pouvoir revoir celle que, en égard à son caractère intransigeant, je me permets de surnommer la “diva de Calon-Ségur”. Impétrant, transi sous la pluie, je pénètre dans la petite cour pavée. Elle est là qui m’attend, tirée à quatre épingles, l’intrépide Madame Capbern-Gasqueton, le regard, mi-amusé, mi-inquisiteur, dardé sur nous, sûre de son effet. A ses côtés, discret, un peu intimidé, son nouveau directeur, Vincent Millet qui était auparavant responsable de la qualité au château Margaux et qui, en quelques mois, a parfaitement pris la mesure de cette propriété mythique et, sans dénaturer son caractère singulier, unique, a su lui donner une finesse et une précision qui par le passé ont parfois manqué à ce cru. »
Je cite ce texte en hommage à Madame Capbern-Gasqueton et aussi parce que c’est l’un des premiers publiés sur 1000 Plateaux, il y a tout juste dix ans !
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