10 novembre 2014. Pour ainsi dire une année après la première présentation, nous sommes de retour à Flanthey pour découvrir le nouveau et dernier millésime embouteillé du Clos de Tsampéhro. Rappelons que ce magnifique terroir surplombe le Clos de Mangold, qu’il est exposé plein sud avec des pentes de 40 à 45% (!) et qu’il bénéficie d’une relative fraîcheur due à son altitude. Dans les nouveautés de l’année, on annonce l’arrivée imminente de completer, cépage en lequel l’équipe du domaine croit beaucoup et qui fut ici planté en 2012. Par ailleurs, cette année de nouvelles parcelles sont entrées en production et à terme, Emmanuel Charpin, annonce un potentiel de production total pour le domaine d’environ 10’000 bouteilles.
Mais revenons en au millésime 2012, sujet du jour. Le responsable de la viticulture, Joël Briguet, rappelle que 2012 fut marqué par de grosses variations climatiques et que c’est avant tout une vraie année de vigneron. Après un hiver valaisan froid mais sans gel, mars est assez chaud, ce qui provoque une avance de dix jours au débourrement ; s’ensuit un retour du froid et même un gel de printemps les 16 et 17 mai (-4° à Sion !). Heureusement, le Clos de Tsampéhro est épargné grâce à sa position privilégiée. Cela n’empêche pas l’été d’être maussade, mais la chaleur arrive finalement fin août avec quelques jours quasi caniculaires. Avec les vendanges vertes mises en place au domaine, les hautes densités de plantation (10’000 pieds/hectare) et les rendements très mesurés qui en découlent (400 à 500 grammes au mètre), les raisins mûrissent plutôt bien malgré 19 jours de pluie en fin de cycle et des vendanges qui dureront 7 semaines et demi. Au final, on cueillera ici 5300 kilos de raisin : 1400 pour l’extra-brut, 1200 pour le blanc, 2700 pour le rouge.
En terme de vinifications, désormais tous les vins passent en bois, y compris le vin effervescent. Plus précisément, le blanc est issu d’un assemblage de cépages vinifiés et élevés (avec bâtonnage) séparément 18 mois en fûts, mais sans fermentation malolactique. Le rouge est issu de macérations qui peuvent durer en fonction des cépages et millésimes 15 à 30 jours. Après celles-ci et les pressurages, les vins sont remis en cuves tronconiques bois pour accueillir les fermentations malolactiques. Ils sont stabilisés au froid puis écoulés « propres » en fûts pour un élevage de 18 mois. L’élevage total dure deux années. Enfin, l’Extra-Brut est lui aussi issu d’un assemblage de cépages vinifiés et élevés séparément, vendangés tôt afin de ne pas dépasser 11-11.5° avant champagnisation. La suite du processus est réalisée par un œnologue compétent et spécialiste, Xavier Chevalley, sur Cartigny. Le décor planté, il ne restait plus qu’à passer à la dégustation…
Extra-Brut Edition I – 2011 (40% chardonnay, 35% pinot, 25% petite arvine, 30 mois sur lattes, élevage en cuve pour ce premier millésime – dégorgement début septembre 2014) : peu de bulle à l’aspect, nez assez frais tirant sur les agrumes (peau de citron) avec une touche florale qui rappelle l’arvine ; attaque tendre avec une bulle très discrète, la texture est souple, le raisin sensiblement mûr pour une méthode traditionnelle, délivrant une saveur d’amande grillée. Vin intéressant, mais qui a seulement tendance à se déséquilibrer dans le verre en se réchauffant. Il faudra le suivre au vieillissement…
Blanc Edition II – 2012 (78% savagnin, 22% rèze, 18 mois de barriques, plutôt des fûts neufs de chez Saury, 13.8° d’alcool) : premier nez assez enrobé par le bois (chocolat blanc, vanille) avec une touche de lys, un vrai éclat aromatique. Remarquable évolution gourmande à l’air sur le miel, le nougat, la mangue, avec toujours beaucoup de précision et de tenue : nez ascendant. Attaque enrobée par l’élevage avec une saveur encore un peu boisée mais le vin, par son style large et ample, puissant, se prolonge très bien et montre une bouche hyper complète, à la fois texturée et structurée. Très prometteur à ce stade, il devrait même monter d’un cran en bouteille au cours des deux prochaines années. Une très belle bouteille de gastronomie. La démarche de mise en avant de cépages « alpins », à laquelle nous sommes sensibles, mérite par ailleurs d’être saluée car elle donne déjà de très beaux résultats !
Rouge Edition II – 2012 (49% cornalin, 29% merlot, 13% cabernet sauvignon, 8% cabernet franc, 5 mois de tronconique bois, 19 mois de barriques de la tonnellerie de l’Adour, même si des essais sont faits avec des barriques de chez Boutes, 14.2° d’alcool) : robe brillante couleur sang. Premier un peu lactique, tirant sur le caramel et le grillé, assez signé par l’élevage et surtout la mise récente ; quelques notes végétales sans doute inhérentes aux cépages bordelais se font sentir, mais elles évoluent ensuite sur des côtés fumés, réglissés, tirant sur les fruits noirs et le sarment brûlé. L’attaque est bien enrobée et polie, les tanins sont très fins, suaves, avec un développement à l’avenant sur une saveur encore par l’élevage mais sans débordement ni excès. La finale est à ce stade un peu retenue, mais toutes les constituantes d’un assemblage digne de ce nom sont là. A l’aération, le fruit du cornalin ressort et prend de l’importance. C’est avant tout un vin qui a besoin de temps pour se poser et fondre ses composantes, mais nous sommes confiants. En l’attendant, on boira du 2011, très « sexy » et plutôt loquace actuellement…
Un grand bravo à l’équipe du domaine pour cette dynamique qui ne fait pas de compromis sur la qualité. Incontestablement, Tsampéhro est un des projets viticoles d’excellence à suivre. Nous en reparlerons prochainement au CAVE, lors d’une soirée consacrée aux nouveaux vins cultes helvètes.
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[…] Clos de Tsampéhro, Edition II, Tsampéhro 2012 Tout sent en effet ici le grand vin : élevage rondement mené, dans un style quasi jamais vu sur un vin d’assemblage de la région. Attaque enrobée, riche, merrain présent mais très classe, esthétique à la fois ambitieuse et élégante. Belle trame, tanins bien posés, richesse alcoolique indéniable mais parfaitement tenue. De la très belle ouvrage, et une cuvée qui s’est considérablement ouverte en l’espace de six mois. Bravo ! […]