Le riesling, il adore, mais entre guillemets. Il croit surtout à la vibration du terroir, ce qui palpite dans les recoins sombres de notre âme, cette circulation des énergies à la confluence des pierres, des éléments, de la terre et du ciel.
Depuis qu’il est arrivé sur la propriété familiale, André Ostertag est entré en vigne et en vin comme on entre en religion. Celle qui relie les hommes et les incite à rêver de beauté et de partage. Celle de la patience du temps, de la transmission et de la pérennité des gestes :
« Mon père a créé le domaine en 1966 et m’a laissé les clés de la cave en 1980 à l’âge de 21 ans.
J’ai toujours voulu faire le vin car pour moi le vin est un langage.
Le vin est un langage car il s’adresse aux sens: vue, odorat, goût, toucher; mais il s’adresse aussi au sens critique et puis à la mémoire et aux souvenirs.
Le vin est un langage car il provoque l’échange et la convivialité et facilite l’égrégore; le vin ne se boit pas seul, il se partage à deux ou à plusieurs, il s’accorde et accorde, il est source de bonheur et de culture au même titre que la musique, la peinture et la littérature. »
Le domaine Ostertag célèbre aujourd’hui son premier demi-siècle et, pour fêter cet événement, il a convié une centaine d’amis pour un « parcours initiatique au cœur de l’histoire du domaine ». Retour en images et en mots sur cette magnifique journée! Juste après ce flash-back…
Je me souviens de ma première rencontre avec André Ostertag. J’avais lu un article sur le sempiternel thème « les nouveaux vignerons » de tel ou tel vignoble. Il y était question d’un jeune vigneron d’Epfig dont le style détonnait à tel point qu’on l’imaginait sortant d’une boîte de jazz un saxophone à la main plutôt que dans une cave. Je suis parti fissa sur les routes d’Alsace pour rencontrer le vigneron et découvrir ses vins. Ils ne manquaient pas de swing comme aime à le dire le batteur Daniel Humair qui, hasard ou pas, est aussi un ami d’André…
C’est un samedi de mai. Il est temps de partir sur des chemins de hasard, à travers bocage et vignes, à la découverte des terroirs qui cristallisent les rêves de la famille Ostertag : Adolphe et Irma, les parents ; André et Christine Colin, sa femme ; Arthur, leur fils ; Annie, la sœur d’André ; et tous les collaborateurs qui œuvrent au domaine : Doris Ferry, Hubert Schaller, Hubert Mathis et les autres.
Première halte : le Fronholz, le vignoble du père, île de quartz sous le vent, décrit ainsi par André Ostertag :
« Il est le commencement et la fin
La première et l’ultime lumière
Il est l’Un et le Multiple
Le Père et le repère
Il est la lame primordiale
Qui projette sa semence dans le ciel
Il est le sel de l’origine
Le quartz pétillant sous la langue
Il est la maison du vent
Suspendu au fil des nuages
Il est le guetteur solitaire
Qui de loin veille sur ses enfants. »
A l’Orient d’Eden, tous les rêves existent, l’ailleurs est enfant de la balle, familier des chemins de travers : on y savoure l’altier riesling, puis la ferveur du gewurztraminer et on termine cette ode par le pinot noir élancé et subtil.
Qui de la vigne et des paysages est entré dans les vins pour dire la joie qu’éprouvent les hommes à s’en imprégner au lieu même de leur naissance ?
Deuxième halte, le Zellberg « refuge du méditant, déployant ses ailes en silence. Imperturbable comme les racines /D’une montagne plus haute que le ciel. »
On s’y pose, océanite-tempête à l’abri de la vague. Aussi rassurante que le Pinot Gris 2014, limpide, serein et, peut-être aussi, cistercien. aux frondaisons du silence.
Troisième halte, le Heissenberg, « Muraille sud du royaume/Abrupte comme le granit de la soif » Avec le Riesling 2014 issu de ce métissage géologique, à la croisée du grès et du granit, nous trouvons ici, sur la montagne en fusion, une forme de repos.
André évoque l’autre Heisenberg, le père du principe d’incertitude. On ne peut pas connaître avec précision les deux propriétés physiques d’une même particule : sa vitesse et sa position. Notre position est connue. Quant à notre vitesse… elle est effectivement indéterminable. Adeptes de la lenteur, nous sommes devenus.
Quatrième halte, nous entrevoyons la fin du camino. La quête touche à sa fin. Les pèlerins s’ébrouent sur la montagne des moines, le Muenchberg, « ce théâtre de l’équilibre de l’âme/Où brûle le feu souterrain et brille l’étoile de cristal. » Ah ! vite une gorgée de grâce, infusée doucement de la vieille vigne qui chante au-dessous de nous ; rumeur de la terre, combustion, sillages, fragrances, et c’est là !
Merci à toute l’équipe du domaine Ostertag pour ce moment suspendu, entre ciel et terre, pour ces vins ciselés et poétiques qui nourrissent les âmes comme les corps, pour le pain et le vin partagés, pour la beauté simple de la trajectoire !
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