Parcours hédonique
Rendez-vous fut donc pris pour une déjeuner en semaine avec les mousquetaires au palais affûté. Un grand chef triple étoilé parisien devait être également du voyage mais le trac du service du soir l’en a empêché.
Rendez-vous fut donc pris pour une déjeuner en semaine avec les mousquetaires au palais affûté. Un grand chef triple étoilé parisien devait être également du voyage mais le trac du service du soir l’en a empêché.
Henri Chollet en compagnie de François Mauss. Exactement contemporains à deux mois près. La même passion, la même gourmandise, l'un très classique, l'autre plus rock'n'roll !
Sur la route de Montreux, une première halte à Aran-Villette chez l’ami Henri Chollet s’imposait. Là, parmi les vignes de Lavaux, on s’est attardé sous la treille, d’un vin à l’autre, piochant distraitement dans un splendide Gruyère Caramel de l’affineur-fromager Jacques Duttweiler.
On a bu les paroles d’Henri comme des mots rares. Arrivé au Vin du bacouni 2009, droit, sapide, fleurant la violette, on se serait cru sur le lac, à tirer des bords et affronter des barques colossales. Henri nous a ramené sur terre : quand on déguste ce vin, on entend le torrent de montagne chanter !
Tellement vrai que l’expert René Millet décréta que ce vin serait l’hôte d’une prochaine réunion d’académiciens improbables et néanmoins très sérieux, à Paris, en décembre !
Nous avons donc repris notre chemin de Compostelle, pour faire étape, juste à côté du Pont de 1901, à Brent, dans une maison où j’ai tant de beaux souvenirs que je voulais en ajouter un. Pour la gloire et pour que mes amis n'aient jamais de regrets !
La famille Rabaey. Photo Pont de Brent.
Josette et Gérard Rabaey nous y attendaient, comme aux premiers jours, avec cette volonté de faire beau et bon, d’accueillir l’hôte de passage comme un ami, de s’occuper de son bonheur.
Courge Rondini farcie de ris de veau.
Le chef avait Carte blanche. Voici le menu qu’il nous a préparé, entièrement articulé autour des beaux produits helvétiques. De grands classiques du Pont de Brent que nous avons savouré avec l’attention qui se doit, entre deux conversations sur Kenji Mizoguchi, sur Hendrick Terbruggen, sur les vertus du Lièvre à la Royale façon sénateur Aristide Couteaux, sur madame Capbern-Gasqueton dont le Calon-Ségur 1983 est presque entré en énamoration avec l’omble chevalier.
Vinaigrette d’écrevisses du lac aux haricots risina
Incontestablement, il y a un style Rabaey, une approche vraie, exigeante, perfectionniste, chez cet esthète, fou de cuisine, passionné, rigoureux, attachant dont la trajectoire discrète, régulière, est un modèle du genre. Plusieurs grands cuisiniers sont passés par le Pont de Brent et ont été formés à cette école. C’est l’héritage Rabaey et c’est aussi à cela qu’on mesure l’aura d’un grand chef, à sa capacité de transmettre.
Composition autour du bolet et de la chanterelle, coulis de persil
Début 2011, ce sera Stéphane Décotterd, le second de Gérard Rabaey, qui reprendra le flambeau et qui écrira une nouvelle page d’histoire. L’aventure continue !
Charlotte de grenouille aux truffes blanches
Omble chevalier du Léman aux fines herbes
Sablé aux pruneaux Fellenberg
Soufflé au citron, panna cota aux fruits rouges
Courge Rondini farcie de ris de veau
Vinaigrette d’écrevisses du lac aux haricots risina
Superbe entrée, toute en tonicité et en contrepoints avec un jeu très réussi sur les textures et les harmoniques de goût.
Composition autour du bolet et de chanterelles, coulis de persil
Aussi gustativement présent que graphiquement réussi : un plat simple et sophistiqué à la fois, aux saveurs sylvestres magiques. Presque hallucinant !
Charlotte de grenouille aux truffes blanches
Omble chevalier du Léman aux fines herbes
Chez Henri Chollet, regardant le lac le matin, nous rêvions d'un omble-chevalier apprêté dans une telle perfection. Télépathie ? Gérard Rabaey l'a fait. Cuisson au court-bouillon pendant 7 minutes. Un monument de finesse, de subtilité. Et cette découpe en salle dans la grande tradition par un maître d'hôtel qui connaît ses gammes par coeur !
Porcelet d’Ormalingen aux épices
Sablé aux pruneaux Fellenberg
Soufflé au citron, panna cota aux fruits rouges
Les vins
Jacquesson Grand Vin Signature 1988
Païen 2005, Clos des Corbassières, Cornulus
Chablis Montée de Tonnerre 1999, Raveneau
Château Giscours 1967 : étonnante réussite pour le millésime. LPV a le chic pour mettre en scène des vins qu’ailleurs on vouerait peut-être aux gémonies !
Château Calon-Ségur 1983
Château Branaire-Ducru 1982
Château Léoville-Las-Cases 1975, magnifique, étonnant de profondeur, de suavité, avec, ce qui est rare dans ce millésime où beaucoup ont vendangé trop tôt, des tannins mûrs et accomplis. Il a fait délirer le petit porcelet d’Ormalingen
Château Houissant 1959, St-Estèphe : qui a dit de lui qu’il était comme « le fantôme au-dessus du lac, suspendu… ? » Au même moment, sur le Iphone de l’un des commensaux tombait la nouvelle d’une double disparition : celle de Georges Charpak et celle de Tony Curtis. Toute ressemblance entre l’un et l’autre, tant sur le plan de la vie que des idées, étant purement fortuite, hormis le jour de leur décès…
Château La Gaffelière 1966 : corked, damned !
Château Chevrol Bel Air 1961, Lalande de Pomerol : servi à l’aveugle, bien évidemment. Beau nez truffé, balsamique, légèrement compote, tubéreuse, notes racinaires, poivron. Corps souple, glissant, à la texture veloutée, suave. Une très jolie surprise qui vient conclure en beauté ce festival !
Merci au sommelier, Olivier Chapuset, qui a géré à la perfection le service de ces vins. La tâche n'était pourtant pas facile !
En attendant, si vous trouvez de la place, libérez-vous, allez découvrir le Pont de Brent !
L'adresse : Le Pont de Brent, route de Blonay 4 – 1817 Brent – tél. 021 964 52 30
Sur la route du retour, avant de repartir pour Paris, cette ultime étape était obligatoire, en plein coeur de la Côte pour
faire découvrir à nos amis les succulents chocolats de Tristan Carbonato.
6 Comments
On a encore l’omble au palais. Une personnalisation de la finesse doucement travaillée par une cuisson respectueuse.
Un très grand moment. merci, Grand Jacques !
C’est fou mais quand je vois les photos, et malgré le fait que ce soit le sieur Rochat qui soit le successeur officiel et l’élève de Fredy, la "gueule" des plats de monsieur Rabaey me fait penser à la cuisine du même Fredy. Enfin, à l’image que j’en ai.
Les risina viennent de où je crois qu’ils viennent ?
GRAND GRAND GRAND Henri Chollet, heureusement il me reste encore tant de souvenirs imperissables de mon stage chez lui, ces vins sont vraiment a son image .
pour le Pont de Brent, vivement le mardi 21 decembre pour gouter a sa cuisine, me rejouis
Ah Fredi ! Je vois que tu es un homme sage et prévoyant : tu as pris tes dispositions et réservé une table ! Magnifique ! Le mardi 21 décembre devrait être le jour idéal, je le sens ! J’aurais bien voulu être là, le 21, le 22 ou le 23 mais je serai en route pour le Japon à ce moment-là.
Est-ce possible de tomber en pamoison devant les photos d’un blog ? Parce que moi les grenouilles et l’omble, les bolets et ce plat de cochon….j’en reste bouchée d’admiration et d’appétit.
Fabuleux reportage…encore une maison, un chef, une patte que je vais louper !
Cette adresse pourtant me fait envie depuis plus de 10-15 ans, quand je découvrais, avide, l’histoire et le livre de recette du grand prédécesseur. Depuis mes chemins m’éloignent souvent de cette Suisse qui pourtant m’accueille chaleureusement (dans ses contrées reculées) depuis ma plus tendre enfance.
Mais au moins grâce à vous, j’en ai eu une belle miette, Merci !
Un reportage très émouvant de Mise au Point sur Gérard Rabaey. C’est à voir ici. Allez directement à la minute 31.44 et sautez la case Berlusconi et Rappaz !
http://www.tsr.ch/emissions/mise...