Ils auscultent notre terre nourricière. Les roches métamorphiques, les sédimentaires, les éruptives n’ont guère de secrets pour eux. Un pied dans les argiles. Un pied sur le fond des mers. Arpenteurs des profondeurs, ils gardent la tête dans les étoiles. Passionnés, ils restent intransigeant face à la menace grandissante qui pèsent sur les sols, victimes de pratiques en cides (insecticides, pesticides, herbicides, fongicides, etc.) aux effets destructeurs pour la biosphère.
Eux, ce sont Claude et Lydia Bourguignon, agrologues, qui fêtaient les 25 ans du LAMS, le laboratoire d’analyses microbiologiques des sols. « Ce qu’on essayait d’expliquer aux gens de l’INRA à l’époque, c’est que si vous voulez faire de la quantité, vous adaptez le sol à la plante mais si vous voulez faire de la qualité, c’est la plante qui doit s’adapter au sol. » Dans une époque caractérisée par le tout chimique, rares étaient en effet ceux capables de prendre en compte la dimension biologique, vitale, des sols. « Le sol est un milieu qui héberge 80 % de la vie de la planète. Le gros de la biomasse vivante est dans le sol, pas au-dessus du sol. Si l’on prend les vers de terre par exemple, ils sont aussi lourds que tous les autres animaux vivants réunis. Le sol en fait c’est un fermenteur. Dans un sol vivant, on trouve environ 3 tonnes de micro-organismes à l’ha qui ont une activité biochimique 350 fois supérieure à la nôtre. Cela veut dire que 3 tonnes de micro-organismes à l’ha c’est, en énergie vivante, l’équivalent de 1000 tonnes d’êtres humains à l’ha. Le rôle de ces organismes dans le sol, c’est de rendre tout ce qui est dans le sol assimilable aux plantes. »
Aujourd’hui – même si la prise de conscience initiée par les Bourguignon est hélas encore très largement minoritaire – le mouvement est en marche, la graine ne demande qu’à germer comme le rappelait d’une manière émouvante ce paysan bourguignon venu témoigner, à l’instar de beaucoup d’autres (viticulteurs, maraîchers, éleveurs, paysans, vétérinaires, céréaliers, paysagistes, jardiniers), de ce que les Bourguignon lui avaient apporté. Une forme de fierté et un idéal. Fierté de savoir que, dans un monde obnubilé par le quantitatif et la productivité, la qualité et l’amour demeurent des vertus cardinales. L’amour de la terre qui va de pair avec l’amour des autres. L’amour de la vie surtout, dans son jaillissement, sa beauté élémentaire, toujours renouvelée. Idéal du métier, de la transmission de valeurs pérennes, humilité des gestes. On ne trahit pas son idéal. La fidélité à ce dernier va de pair avec une forme de résistance. « Au niveau européen, il n’y a pas d’accord sur la protection des sols, à cause du lobbying des multinationales. Elles sont en train de nous envahir. C’est le nouvel impérialisme. » Claude Bourguignon s’enflamme : »C’est une nouvelle forme d’impérialisme, l’empire de la honte… »
Les sols sont en danger. Nous aussi ! Le bonheur n’est pas toujours dans le pré constate un des intervenants, vétérinaire, spécialiste des ruminants. Il évoque les animaux malades de la peste alimentaire. Quelqu’un pose alors la question de l’énergie, de sa définition. « On a une énergie et on est capable de la transmettre aux autres », précise Lydia Bourguignon. Elle précise encore : »Je ne suis pas persuadée que les gens mal nourris soient capables de restituer de l’énergie»
Une autre personne dans la salle demande dans quelle mesure on peut associer énergie et amour ? Silence. Le scientifique avoue ses limites. Il faudrait, dit-il, interroger les artistes. Puis, il ajoute : »L’énergie amoureuse n’a jamais été analysée par aucun chromatographe en phase gazeuse… Et pourtant une femme amoureuse, ça se voit ! »
Formule fulgurante et tellement vraie. Je pense au philosophe Gilles Deleuze qui, à la fin d’un cours sur Spinoza, déclarait « Je ne peux pas répondre à des questions comme ça, elles sont trop difficiles. La réponse est dans votre cœur.»
Merci à Claude et Lydia Bourguignon pour leur exemple et leur engagement !
Comment
Comment vivre sans idéal ? Personnage magnifique et engagée… Cela est loin, très loin d’être facile même si l’on sent poindre un regain d’intérêt. C’est le consommateur qui changera le monde…. Dans notre aventure personnelle, dans notre engagement qui est, dans le fond, aussi fou et tellement semblable nous le vivons au quotidien avec intensité. Nomment d’euphorie et de doute. Parfois adulé parfois méprisé. Le chemin est long mais le bonheur est dans le pré, en tout cas dans le notre. C’est sur c’est une histoire d’amour car le cœur chez certain est plus fort que la raison et la quête des Bourguignon est comme une étoile dans nos cieux….